INFOGRAPHIE - Quatrième nouvel hôtel de luxe à Paris depuis 4 ans, le Peninsula a été inauguré vendredi. Le Plaza Athénée a rouvert après 10 mois de travaux. Bataille des anciens et modernes en vue.
Changement d'époque dans le monde feutré des palaces parisiens. Après quatre ans et demi de travaux, la chaîne asiatique Peninsula a inauguré vendredi à Paris sa première adresse en Europe. Près de l'Arc de triomphe, dans l'ancien Centre international de conférences du ministère des Affaires étrangères, l'hôtel veut s'imposer dans la catégorie des plus beaux établissements de France. Le même jour, avenue Montaigne, le Plaza Athénée, fleuron de l'hôtellerie parisienne, a discrètement rouvert, après dix mois de fermeture pour rénovation.
Ces deux événements marquent un véritable tournant dans la guerre des palaces. Depuis l'arrivée des chaînes asiatiques Raffles (octobre 2010), Shangri-La (fin 2010) et Mandarin Oriental (mi-2011), ces nouveaux venus défiaient surtout des vétérans de l'hôtellerie de luxe, au nom prestigieux mais nécessitant souvent un sérieux dépoussiérage.
La concurrence nouvelle a d'ailleurs contraint le Ritz, le Crillon, le Plaza Athénée et le Lutetia à fermer pour d'importants travaux. La seule façon de revenir dans la course, de fidéliser une clientèle exigeante et de conquérir de nouveaux adeptes avides de nouveautés. Le Plaza Athénée aurait dépensé 200 millions d'euros: 100 millions en immobilier et un montant équivalent de travaux. «Notre propriétaire a saisi l'opportunité de racheter 5000 mètres carrés contigus à l'hôtel avenue Montaigne, explique François Delahaye, directeur général du Plaza. Ces travaux vont nous permettre de générer plus de chiffre d'affaires sans augmenter nos frais fixes de façon importante.»
Le Plaza s'est doté de 17 chambres et suites supplémentaires, pour atteindre un total de 208, ainsi que d'un bar «décoiffant», selon François Delahaye. Et puisque dans les palaces aussi «qui dort dîne», le directeur mise également sur le retour d'Alain Ducasse avec un nouveau restaurant de poissons. L'hôtel, qui réalise un chiffre d'affaires annuel d'environ 80 millions d'euros, rouvre sans changer ses prix, «qui étaient en moyenne de 1180 euros la chambre quand nous avons fermé en octobre dernier», précise François Delahaye.
De son côté, le Peninsula - détenu à 80 % par le fonds Katara Hospitality et à 20 % par The Hongkong and Shanghai Hotels, propriétaire de la marque - propose un «prix d'ouverture attractif», entre 695 et 750 euros la chambre, selon le directeur général de l'hôtel, Nicolas Béliard. Mais il compte vite afficher des tarifs parmi les plus élevés de la profession, aux alentours de 1000 euros. Le tout, en atteignant la moyenne des taux d'occupation des palaces, de l'ordre de 70 %.
Deux à trois ans pour trouver son rythme
Une exigence logique pour un établissement figurant parmi les hôtels ayant coûté le plus cher au monde: 800 millions d'euros au total. «Un investissement financier pharaonique», reconnaît Nicolas Béliard, qui a rejoint il y a cinq ans le groupe Peninsula, dans son vaisseau amiral de Hongkong. S'il est conscient qu'il faut deux à trois ans pour un hôtel comme le sien pour trouver sa place et son rythme de croisière, le patron reste serein. Aux sceptiques, il rappelle les inquiétudes de la place parisienne, lorsqu'en 1999 avait été inauguré le Four Seasons (George V) et ses 245 chambres. «Quinze ans plus tard, le George V a sa place et le meilleur prix moyen», souligne Nicolas Béliard.
À l'été 2014, l'hôtellerie de luxe parisienne ne ressemble pourtant en rien à celle de 2000. Le nombre de chambres a depuis augmenté de façon spectaculaire. Selon l'Office du tourisme et des congrès de Paris, entre 2000 et 2015, l'offre très haut de gamme d'hôtels à Paris aura augmenté de 50 %, passant de 9 établissements (Ritz, Crillon, George V, Meurice, Royal Monceau, Bristol, Plaza Athénée, Prince de Galles, Lutetia) à 15 (les 9 hôtels précédents auxquels s'ajoutent Park Hyatt, Fouquet's Barrière, Shangri-La, Mandarin Oriental, Peninsula et Cheval Blanc). De 1639 chambres, cette petite industrie de luxe hôtelier sera ainsi passée à 2446 chambres en à peine quinze ans, selon l'office.
Jamais ouvertures et fermetures pour travaux n'ont été si nombreuses. Jamais l'arrivée d'une catégorie nouvelle d'hôteliers - tous asiatiques et inconnus en France - n'a autant bouleversé les habitudes de la profession. Celle-ci s'attend à de nouveaux changements. Après le Plaza Athénée, le Ritz et le Crillon vont rouvrir après d'importants travaux fin 2015, ce qui relancera encore la concurrence. Et un nouvel acteur devrait ensuite entrer dans la bataille: Cheval Blanc, dont l'ouverture (LVMH) dans l'ancienne Samaritaine est attendue à partir de 2016.
Visibilité accrue auprès des touristes asiatiques
Tous les acteurs, nouveaux et rénovés, réussiront-ils à trouver leur public? «Nous sommes en train de reprendre une place de choix en Europe, à l'heure où la demande est croissante, se félicite Fleur Pellerin, secrétaire d'État chargée de la promotion du Tourisme. Ces nombreuses ouvertures montrent bien que Paris reste la ville la plus désirée du monde. L'arrivée de ce groupe chinois, dont le cahier des charges prend en compte l'appétence d'une clientèle asiatique de plus en plus nombreuse, tout en jouant pleinement sur la mise en valeur du patrimoine et du savoir-faire français, est une bonne chose.»
Pour Nicolas Lefebvre, directeur général de l'Office du tourisme et des congrès de Paris, l'hôtellerie parisienne se devait d'évoluer. «Il y a un besoin de développer de façon générale l'hôtellerie à Paris, en particulier l'hôtellerie de luxe (environ 2000 chambres, sur 80.000 au total intra-muros), déclare-t-il. Les rénovations des palaces historiques et l'arrivée de nouvelles chaînes sont une bonne nouvelle. Cela répond à une demande, en croissance, d'une clientèle du Moyen-Orient, des États-Unis, d'Asie, et d'Amérique du Sud. Il manquait une offre, à la fois quantitativement et qualitativement.»
D'une manière générale, on assiste à une montée en gamme du parc hôtelier parisien depuis les années 1990, encouragée par la croissance du nombre de touristes dans la capitale depuis quinze ans. «Or, depuis une dizaine d'années, les Asiatiques sont les touristes dont la croissance a été la plus forte, souligne Thomas Deschamps, responsable des études à l'Office du tourisme de Paris. L'arrivée de quatre chaînes d'hôtels de luxe asiatiques rend encore plus visible notre destination auprès de ces marchés à fort potentiel.»
François Delahaye se montre confiant: «Nous sommes un pays politiquement stable. Cela fait venir des clients, qui choisissent Paris plutôt qu'Istanbul, Le Caire ou Beyrouth.»