Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Le jour de Joe Biden
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Les vacances sont terminées . On redémarre sur les chapeaux de roue …
Pour cette quinzaine, j’ai demandé à Fanfan de prendre la barre pour le défi N°214
Alors, venez vous asseoir sur le pont afin qu’elle nous dicte le devoir à rendre lundi prochain :
Pas d’excuse: s’il pleut mettez vos cirés, s’il vente accrochez-vous au mât,
s’il neige mettez vos bonnets et ouvrez vos oreilles .
Tout matelot qui se révolte finira dans la cale avec les rats (ça rigole pas ) .
Voici la consigne :
Nous allons écrire une lettre pour demander un emploi (sorte de lettre de motivation) ,
en prose, en vers, en image , comme on veut. Mais il faudra convaincre le futur employeur.
Dans cette lettre, il faudra “incorporer”, pour que la mayonnaise tienne, des titres de chansons .
Elle a choisi Aznavour (Si on déteste on peut choisir des titres d’un chanteur qui nous convient )
http://croqueursdemots.apln-blog.fr/2019/01/07/defi-214-fanfan-recrute/
. Voici les titres (à utiliser dans n’importe quel ordre )
– Il faut savoir ; la bohème ; non, je n’ai rien oublié ;hier encore ; les plaisirs démodés ;
je m’voyais déjà ; comme ils disent;tu t’laisses aller; viens pleurer au creux de mon épaule ; la mamma.
Et pour les jeudis en poésie :
(chanson ou poème ) sur l’hiver ,le froid, le feu … .
Bon courage .
Le Môt de Dômi
Heu, je peux poser une question
sans finir dans la cale avec les rats,
cela dit, j’y rencontrerai Mère Grand et son alcoolique …. heu non son acolyte Jill Bill
… Voilà ma question, faut-il incorporer “pour que la mayonnaise tienne” <img class="emoji" draggable="false" src="https://s.w.org/images/core/emoji/11/svg/1f644.svg" alt="
Saint-Etienne le 8 janvier 2018
Madame, Monsieur,
Je viens par la présente postuler pour un emploi d’auteur qui se vend.
Il faut savoir que j’écris depuis l’âge de 7 ans. Un poème publié déjà.
Je m’voyais déjà chez Pivot, à l’Académie française, avec un prix Goncourt.
J’ai participé à beaucoup de concours et j’ai gagné des prix, obtenu des diplômes.
Ma vie ressemblait à « La bohème » décrite dans les chansons et les tableaux.
Non, je n’ai rien oublié des poèmes tapés par La mamma pour m’aider, ni du mépris de mon père
Pour mes 14 livres publiés. Hier encore, je commandais des cartes de visite pour me faire connaître.
Comme ils disent, mes livres parlent de celui-ci ou cela en mal, ils sont trop compliqués
Comment peuvent-ils le savoir puisqu’ils ne l’ont pas lu ?
Viens pleurer au creux de mon épaule disent-ils à leur voisin alors que la chair de leur chair
Demande juste qu’on la lise.
En espérant que cette lettre vous aura donné envie d’acheter mes livres, veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués.
Laura VANEL-COYTTE
8 JANVIER 2018
Paroles de Charles AZNAVOUR
Musique de Charles AZNAVOUR
© RAOUL BRETON EDITIONS - 1960
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Le Musée du Luxembourg invite Paris à retrouver la magie du peintre russe au temps de sa jeunesse et à se souvenir de son talent original «entre guerre et paix», don dilué au fil des années et du succès.
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On ne tombe pas dans la solitude, parfois on y monte.
Sans la tendre obstination de Jean-Claude, Pirotte et d'Yves Charnet, George Perros et d'autres passants considérables, les écrits d'Henri Thomas seraient restés dans les toiles d'araignée d'obscures bibliothèques.
On se passait du Henri Thomas en cachette, comme une bonne bouteille arrachée à la cave du temps, comme des mots de passe à nous seuls dédiés. Qui se souvient qu'il eut le prix Fémina en 1961 pour Le Promontoire ?
Je ne connais pas beaucoup de livres de Pirotte où n'apparaisse une citation de Thomas. Henri Thomas avait percé le secret de l'écriture et plus encore l'écriture du secret.
Dans la fumée des cabanes, j'ai vu les murs qui m'ont emmuré.
« Belle présence baudelairienne ; blotti en lui-même comme un chat », disait Perros.
Perros a raison, il y a du chat en Thomas, en boule, semblant indifférent au monde, en retrait dans son seau à charbon, il observe. Il attend pour griffer le réel. Thomas lit aussi ses amis Baudelaire, surtout le Corbière des "Amours jaunes", Laforgue, Léon-Paul Fargue, Rimbaud.
Il n'avait plus d'âge, patriarche malicieux, il regardait le fil du temps comme un fil de pelote de laine, les yeux mi-clos, les mots ouverts, il s'en amusait.
Pourquoi ce culte non pas satanique, mais angélique qui lui est rendu par quelques-uns ?
Seize romans tous en clair-obscur, en allusions, en frôlements d'ailes, ont établi sa religion.
Une seule phrase devrait suffire à amener de nouveaux dévots :
Une rue tourne et passe dans la vitre comme une journée entière, avec sa fatigue.
L'art de Thomas est ici tout entier, une phrase coutumière, des mots ordinaires, de cet ordinaire qui fait nos vies. Et puis hop, tout bascule par l'alchimie de l'étrange, par cette petite incantation à l'extraordinaire.
Et la rue a mal au dos, elle titube, elle tourne comme le lait.
L'œuvre d’Henri Thomas dépasse les 50 livres (nouvelles, romans, poèmes, carnets) et il est aussi un grand traducteur de Pouchkine, Shakespeare, Melville, Stifter, Goethe…, et pourtant il reste dans la pénombre de l'actualité. La connaissance du roman d'Ernst Jünger « Sur les falaises de marbre », nous sommes nombreux à la lui devoir pourtant.
Frôlements, non-dits, il y a un mélange de fatalité et de sérénité assez rare dans son écriture profondément allusive. Ce qui trouble tout lecteur doit être sa sincérité débordante, désarmante.
« Poèmes, romans, nouvelles, tous les écrits d’Henri Thomas abordent une zone limite, aux frontières du souvenir, dans l'écho du temps et les flottements de l'âme. »
Simple, simple est sa langue. Classique, classique, même d'un autre temps sont ses poèmes.
La neige le regarde, il regarde la neige. Les vieux pavés de ses vieux mots font un chemin creux, là sont les Vosges, là sont les noisetiers, au loin les maisons groupées qui fument encore de l'amitié des hommes.
Transparente est la poésie de Thomas, si transparente que l'on y voit passer des truites.
Solitaire sans doute, mais solaire, il arpente encore nos jours sa canne à la main, fauchant d'un seul coup les mauvaises herbes, contournant amoureusement les lucioles et le long convoi de deux escargots sur la route de Saint-Jean de Compostelle.
Ses poèmes sont immobiles comme des chiens qui ont trop couru et se mettent à l'ombre des mots frais de l'ami Thomas.
« Il n'y a pas de doute : rien n'a été ennuyeux comme une feuille morte qui courait devant nos pas, s'arrêtait avec nous, reprenait sa course, nous effrayait comme un animal, dans le petit chemin de la Messuguière - mais tout ce qui est séparé de nous par la vitre invisible, toujours pareille, toujours accrue du temps est plongé dans la même magie, doué de la même perfection. Corps des filles disparues, vous me soulevez encore en esprit, parfaites. » (La joie de cette vie)
Il y règne un grand midi, il y coule des rêves de sources. Il pleut sur les framboises.
Elles rougissent cependant car Henri Thomas enlace souvent l'érotisme.
« Il est évident que là comme ailleurs l'enfant est le père de l'homme, mais quelle étrange paternité ! Un petit démon craintif, ayant lui-même pour principe une sorte de bébé de feu, entièrement pétri de désirs sans nom, qui lui font un corps invisible toujours éveillé, nuit et jour. Bébé de feu, homme vieillissant, corps trop présent qui s'alourdit, c'est bien le même être sans doute...»
« Henri Thomas, poète de la rêverie » disait Jacques Borel. D'une bien étrange rêverie. Dans ces rêves-là marche surtout le fait d'être seul et dépossédé.
La perte est le thème dominant de son œuvre.
Parfois quelque rage rentrée, mais si forte qu'il s'en mord les poings, et nous avec. Il résiste de l'intérieur.
« Pour moi, c'est toujours l'esprit qui résiste ; tout le reste est pesanteur »
On ne se souvient de Thomas que de son image à la fin de sa vie, beu vieillard. Mais il fut aussi un jeune homme qui s'en allait « d'un pas léger vers sa noire destinée. ». Il était né à Anglemont dans les Vosges, en 1912. Fils de paysan, il connaît le poids de la terre et l'ivresse des moissons. Après des études littéraires il écrit très tôt en 1940, « Le seau à charbon ». Il devient traducteur à la BBC à Londres, de 1946 à 1958.
Un autre grand séjour à Boston, de 1958 à 1960, l'éloigne encore plus de la mémoire des cercles littéraires. Homme de paradoxe, quand il revient enfin en France, il consacre ses forces comme lecteur de manuscrits chez Gallimard, mais de langue allemande !
Il vivra sur une île, l'île de Houat, puis à Quiberon, face à Belle-Ile-en mer de 1970 à 1985.
Il vénérait la mer.
Le bateau traîne un gros soleil rouge au bout d'un long sillage, au ras de l'eau. Le soleil monte, brise l'amarre. On est dans l'éternité avant tout.
Quand il est célébré par un président, ce n'est que comme traducteur de Jünger. Il se moque de tous ces apparats, de ces futiles reconnaissances qui se pressent autour de lui.
Il meurt à Paris le 3 novembre 1993, sans un bruit, sans une rumeur.
Henri Thomas est un secret bien clos des lettres françaises, mais comme il tutoyait la solitude, c'est un moindre mal. Gide, Artaud, Adamov l'aimaient. Alors le reste semblait superfétatoire.
Son cap était rivé vers le Nord magique et magnétique de la vérité. Il la chassait, la débusquait, lui faisait rendre gorge.
Chercheur de vérité était sa véritable profession. Ce vieux matou ronronnait sur ses souvenirs, se calait près du feu, et laissait sa profonde mélancolie réchauffait pareillement leurs vieux os à tous deux à lui et à sa mélancolie.
Henri Thomas n'est en rien un novateur en poésie, il semble continuer à fredonner un très vieux chant. Parfois il se laisse caresser par les rimes, et toujours la musique court comme ruisseau au milieu de l'herbe dans ses textes. Sa prose va plus loin, par ses mystères, son fantastique, ce mélange détonnant entre la familiarité des mots familiers et une étrange inquiétude.
Il est un veilleur, une sentinelle qui surveille les plaines du monde à venir. La moindre rencontre, le plus petit objet et Thomas, supérieurement imprévisible, s'en va en dérives de mots.
Sans en avoir l'air, doucement, tout en allusions, Thomas creuse des sillons sous nos jours.
La violence de la solitude peut rider cette eau étale.
« Je pensais ce matin, par une espèce d'obsession, à la parole de quel livre de la Bible ? « Et je vis de nouveaux cieux et une nouvelle terre ». Il y a des moments où je me dis que la vraie tâche de l'artiste est bien de créer ou de laisser entrevoir ses nouveaux cieux et sa nouvelle terre. Ils transparaissent dans la réalité — c'est avec un coup au cœur que je les vois briller çà et là ! Je me dis aussi que la civilisation, c'est l'état où il est laissé à chacun la possibilité, avec la difficulté, de s'acheminer vers ces choses. Je vous tends là un fil de l'écheveau qui se rembrouille chaque jour dans mon esprit, dont je ne viendrai jamais à bout — mais sans lequel je ne serais rien. »
Il est là presque surnuméraire en notre temps, « semblable à l'arbre perdu d'un paradis ignoré ».
Yves Charnet parle de « Thomas le dépossédé », le dépossédé de son enfance, de son père mort à la guerre, le dépossédé du monde entier qui lui sera toujours étranger. »
Indépendant comme un chat jaloux, libre avant tout et par-dessus tout, Henri Thomas aura eu l'immense tort d'être tout à fait inclassable, d'un autre paysage, d'une autre planète. En fait sa seule patrie aura été sa langue, lui qui comme son ami Robin en parlait tant. Nul tragique ne sourd de ses écrits, il a une folle espérance en lui, malgré tout, contre tout :
« J’ai horreur des gens qui sèment le désespoir, je trouve qu’ils feraient mieux de la fermer ! »
Profondément humaniste, il semble appartenir à un âge d'or perdu de la culture française, un roc émergé de ceux qui faisaient confiance en l'homme. En son amour, en sa fraternité.
Henri Thomas reste une vigie, un donneur de leçon de vie. Merveilleux conteur, ses paroles nous sont perdues, leur magie peut se deviner dans ses écrits qui gardent l'éclat de sa voix. Ce promeneur solitaire, toujours en fuite, refusant les poids de la société.
S'abandonner, se défaire, se remettre à demain, et pas pour se reposer, mais pour la pire fatigue - voilà notre vie, mes frères, qui nous faisons si bonne mine les uns aux autres. La tête, les doigts, les yeux sont hantés.
Il aura été comme sa vie, comme son écriture transparente :
« Je ne voudrais pas être vu, après ma mort, autrement que comme j'ai vécu »
Discret, très discret Thomas, si essentiel. Il semble déambuler dans le clair-obscur.
Il reste dans l'ombre et la modestie :
« Je ne sais rien ; je dispose seulement de mots, et encore pas de tous, pas souvent au bon moment. J'ai trouvé le moyen d'écrire (roman) avec la lenteur, la régularité, la légèreté, la spontanéité stendhalienne. Aucun critique ne fera le rapprochement. » (La joie de cette vie).
Sa véritable patrie aura été l'écriture, celle où les enfants perdus se rejoignent.
« Henri Thomas est dangereux, il cherche la vérité. Il est sur la piste. Il est presque seul, mais ça lui est presque égal. » (Jean Grosjean).
Grosjean a raison, Thomas est dangereux comme les fous, les enfants, les innocents, les poètes.
La poésie est sève pure,
le poème, déchirure
Henri Thomas a le goût du temps et de ses méandres, il marche lentement dans son écriture.
Il marche toujours quelque part dans l'étage supérieur de notre tête.
Gil Pressnitzer
Un roman ça commence par le bruit d'une porte qui s'ouvre ou qui se ferme. Il ne doit pas y avoir d'exposition. C'est pour Balzac les expositions. Je débute par le geste d'un personnage, un geste qui me surprend. L'important, surtout c'est la scène capitale, le centre invisible qui attire l'esprit quand il s'éloigne. Même dans ce qui n'est pas un roman comme la Joie de cette vie. Le centre, c'est l'hôtel abandonné. Je vivais dans un hôtel qui allait fermer. J'étais le dernier client. L'automne finissait, il y avait une tempête et j'étais seul. Je me disais que je trouverais là des idées qui seraient mon secret. Mais je ne les ai pas trouvées./ Ça donnera peut-être un roman ?/ Non, ce n'est guère possible. C'était une idée trop bizarre sur l'instant. Le monde se réduit pour nous à un instant, à ce que nous en percevons. Le mot allemand Augenblick me paraît plus expressif : le temps d'un coup d'œil. » Puis ceci, plus loin : « Baudelaire pense que la fin du monde a eu lieu mais que nous ne nous en sommes pas aperçus. C'est peut-être vrai. Qu'est-ce que c'est, exister ? Nous sommes des ombres et parfois des ombres chinoises. »
Interview d'Henri Thomas
Avant le petit pont, le sentier descend pour passer de l'autre côté du vallon ; je me suis mis à courir dans la descente ; il était plus facile de se laisser aller que de se retenir sur le verglas. J'avais compté sur de pareilles promenades pour me ressaisir, pour retourner à loisir dans ma tête le sort de mon personnage. Mais voici que tout me déconcerte ; je n'ai pourtant jamais espéré que la neige me sauverait comme un tapis magique. Je vais attraper froid si je m'arrête. Il ne faut pas que je doute de moi, sinon ce sera tout de suite le désespoir complet. Ma mère croit que je ne comprends pas la gravité de la situation, quand j'en suis terrassé ! L'année décisive ! mais chaque minute est décisive, chaque instant que je passe à courir dans ce sentier à respirer le brouillard !...»
L'étudiant au village
Ce que je vois
Le lilas fleurit sous la lune
Et ce que je vois je le dis :
La fille nue à gorge brune
Dans le lilas m'ouvre son lit
Le lit du torrent m'est ouvert
Et la fille aux genoux polis
Chaque nuit roule vers la mer,
Une vague étouffe ses cris.
C'est là le drame de mes jours,
La nuit revient sans le résoudre,
À la renverse fuit l'amour
Jusqu'à la mer pour se dissoudre
Si je l'attrape je m'éveille,
Si je m'éveille elle est perdue
Ainsi de suite. Est-ce merveille
Si j'ai l'air de tomber des nues ?
Nul désordre
Poésies (éditions Gallimard)
La nuit venue
La corde vibre avant la fin du jour,
Une poussière environne les pierres,
La corde tremble et la poussière avance
Entre les os dans des espaces vides,
Ainsi l'eau noire envahit les carrières,
Je ne suis plus avec l'herbe et le vent,
J'ai dévié de la courbe infinie
Qui joint les nuits, les jours et les saisons,
Reste ce fil qui vibre sourdement,
Cette poussière émanant des maisons,
Un homme assis sous l'horloge des gares
La voit flotter entre le monde et lui,
La corde vibre au passage des bruits
Comme un insecte abrité dans la cendre,
Dernière voix qui parle sans espoir
Quand s'est vidé l'échafaudage noir,
Guitare d'os sous la main d'un fantôme
Qui se confond à la poussière obscure,
Au lieu du corps vient un fuseau d'étoiles,
Il reconstruit une autre créature.
Nul désordre
Poésies (éditions Gallimard)
Les bords du fleuve
Il y a au bord du fleuve
Une fille à robe rouge
Attendant la nuit pour vivre,
Tellement sauvage et belle
Qu'un soleil éblouissant
Marche au milieu de ses rêves,
Il n'a de ciel que ses yeux
Derrière une ombre d'orage
Couvrant l'azur interdit.
Une fille au bord du fleuve
En chemin vers une image
Que le jour ne peut montrer.
Les lampes, l'une après l'autre,
Les lampes prennent sa robe
Et la déchirent sur l'eau,
Mais jamais jusqu'à la chair,
Mais jamais jusqu'au soleil
Barré de chaudes ténèbres.
Partout montent, se confondent,
Des arches de nuit profonde,
Elle est nue, elle est cachée.
Poésie-Gallimard
Je cherche et j'ai trouvé des poèmes au bord de la mer, comme on cherche des fragments de bois ou de
pierre étonnamment travaillés et polis par les flots.
Ces poèmes résultent eux aussi du long travail, du long séjour de quelque chose dont l'origine, la nature première m'échappent (comme je ne saurais dire d'où viennent ce galet, ce poisson de bois lourd), dans un milieu laborieux qui est moi-même - conscience ou inconscient continuellement en mouvement.
Les plus gros blocs d'expérience doivent à la longue s'y réduire en formes nécessaires et singulières, complices des yeux (du lecteur).
Il m'est arrivé de retrouver la poésie, après des mois de silence.
Mais, écrivant de nouveau des poèmes, avec quoi étais-je de nouveau en contact et communication, en dehors d'un certain langage imagé et rythmique ?
Le rythme ainsi que l'apparition des images sont liés à un certain état du corps (alors que le raisonnement en est relativement indépendant). Chez moi cet état est certainement celui de la santé, - celui où le corps tend à ne plus m'être présent que comme l'œil est présent
entre ce que je vois et... moi-même. On dirait que le corps cesse d'être, au profit de tout ce qu'il révèle.
Il est l'unique révélateur, et à ces moments, uniquement révélateur, ne revendiquant pas d'autre rôle.
**
Marchant sur la route, je me faisais une canne d'une branche ou d'un grand roseau-bambou.
Je frappais le sol sec, suivant un rythme qui surgissait spontanément et s'imposait le même durant toute une promenade.
Le lendemain surgissait un autre rythme, également spontané et unique, et j'aurais cherché en vain à retrouver celui de la veille.
Et ainsi de suite.
Il est évident que chacun de ces ry
Quand le Grand nous corne autour de minuit, on sait de quoi il en retourne : on est bon pour la grande vadrouille sur le bitume, l’insomnie automobile, la zone urbaine sur quatre roues. Ce qu’il aime, notre aminche, ce sont les vagabondages sur la petite et la grande ceinture, les balades sur les Maréchaux, le porte-à-porte autour de Paname entre 1 heure et 3 heures du matin. De Clignancourt à la porte d’Italie, en passant par Bagnolet ou Maillot, il refait le match, les seins de sa nouvelle voisine du troisième, la déculottée des européennes, sa énième lettre de démission ou tout simplement sa vie. Sa BM, qui fait blêmir le contrôle technique et la maréchaussée tellement elle a plus d’âge, c’est son confessionnal, son arche pour les petites fugues et les longues veilles quand il nous convoque, nuitamment et sans entretien préalable, pour bavasser, chantourner les mots qu’il a rugueux à cette heure et tailler une bavette longue comme un train de côtes.
Il a beau vous tirer du fond de votre couette, des bras de Silvana Mangano en rêve ou d’une thébaïde imaginaire, ça sert à rien de regimber quand il lui faut sa dose de périph by night, au Grand. Alors on tombe dans nos rangers sans les lacer ; on s’emmitoufle dans la vieille parka fourrée aux poils de chat et l’on s’entend ronfler en même temps que le moteur de l’ascenseur qui monte et puis redescend. Qu’il vente, qu’il neige, qu’il pleuve, il nous attend là, devant l’immeuble, au volant de sa teutonne qui ronronne, sans un regard, sans une parole quand on s’installe sur le siège, à sa droite.
Samouraï. Qu’importe qu’on soit ensuqué comme un loir au sortir de l’hiver, le Grand a retrouvé son planton de minuit, le convoyeur de ses petits secrets, ça le rassure de nous avoir chargé dans son fiacre qui sent le nem ou le kebab de 22 heures. L’avantage des vieux carrosses, c’est qu’ils autorisent tous les travers, toutes les manies, que l’on ne compte plus les taches de sauce samouraï sur la banquette, les vide-poches qui débordent de rogatons de Mars ou de Bounty, les pochettes de CD orphelines. Le Grand, c’est un food truck à lui tout seul, il a la street food chevillée au volant. Ce soir, il a calé sur une demi-baguette remplie de merguez qui s’est égarée près du levier de vitesses. «T’en veux ?» qu’il fait en nous fourrant sous le nez le quignon qui contient en harissa de quoi décalaminer un T-72. «Passe la troisième, qu’on grogne. Et mets ton clignotant, on est arrivés à la bretelle des Lilas.» Ne vous fiez pas au sens de l’orientation revendiqué par les oiseaux de nuit, ils papillonnent souvent comme une nuée de taxis irakiens autour d’un rond-point badgadi. «Hein, c’est déjà le périph ?» qu’il glapit, le Grand. Et là, c’est toujours le rituel. Doucement, il descend la vitre de sa portière, en plein vent de minuit, quitte à vous cryogéniser en plein mois de janvier, pourvu qu’il allume une sans-filtre et se mette à table. Et là, c’est toujours la même blague : «Donc, je te disais…»enchaîne-t-il avant qu’on ne le coupe. «Mais tu ne me disais rien du tout !» «Je me comprends, se justifie le Grand. Avant que tu arrives, je te causais déjà…»«Ah, bon», qu’on fait.
Vous l’aurez compris, c’est réglé comme du papier à musique, notre cérémonial, depuis qu’on roule notre attelage nuitamment sur le périph. Ça a commencé il y a un siècle, quand on faisait de la limaille sur le goudron, nous, avec notre XT 500, lui, avec son anglaise qui grimpait aux murs du côté de la porte de Saint-Ouen. La nuit était flamboyante, insouciante, pleine de désirs et de confiance en le jour qui allait venir. On n’avait pas trop du crépuscule à l’aube pour déverser nos trop-pleins de mots et de vie. On fredonnait le Minimum d’Higelin en s’engouffrant dans le tunnel des Tuileries, il y avait des frites et de la bière entre Châtelet et Nation, avant de se tirer une fieffée bourre sur le cours de Vincennes et de s’endormir avec Berlin de Lou Reed. Plus tard, on a troqué le monocylindre pour un siège bébé sur une banquette arrière, où une rebelle de 12 semaines cessait de beugler dès que l’on rejoignait le périph. Combien de berceuses routières et urbaines a-t-on ainsi enquillées nuitamment pour faire venir le sommeil chez une moufflette insomniaque ? «Tu te rends compte que cette année, la mienne passe le bac, soupire le Grand. La nuit dernière, mademoiselle a fait une crise d’angoisse quand je regardais Dr House. Elle voulait que je la fasse réviser. Eh bien, tu sais quoi, on a pris le périph et on fait interro orale en roulant.» Il est pas peu fier, le Grand, quand il se raconte en train de bachoter avec sa fille, entre les portes de Montreuil et de Champerret. Là, il veut qu’on aille au ravitaillement chez Amar, pour le petit-déjeuner familial. Nous, on en profite pour grappiller une poignée de cerises, tandis que le Grand radote sur les boîtes de céréales. «Je sais plus ce qu’elle aime», qu’il geint. «Fais-lui un clafoutis, ça la changera», qu’on risque. «Tu crois ? Pourquoi pas, après tout, il fait, hésitant, la main sur le rayon des Miel Pops. Je vais quand même prendre un paquet, on sait jamais.»
Générosité. Pour le clafoutis, on est allé consulter un livre imprégné de transmission et de générosité en cuisine où, parmi 365 Recettes du pays d’Ardenne (1), on a débusqué cette recette simple et rapide à réaliser pour le petit déj, quand toute la maison dort encore. Il vous faut un verre de farine, un verre de sucre, un verre de lait, 2 œufs entiers, 1 cuillère à soupe de kirsch, environ 350 g de cerises ou d’autres fruits dénoyautés. Délayez dans l’ordre indiqué les ingrédients ; ajoutez les fruits et versez la préparation dans un moule bien beurré. Enfournez à four moyen (thermostat 6, 180 degrés) durant 45 minutes.
(1) «365 Recettes du pays d’Ardenne», de Lise Bésème-Pia, éditions Dominique Guéniot, 15 €.
Photo Florent Tanet
http://www.liberation.fr/vous/2014/06/04/le-clafoutis-anti-cerise-de-nerfs_1033657
Principalement beaux-arts à l’origine, les collections du Musée de Bourgoin-Jallieu se sont enrichies autour d’autres disciplines : art-déco, archéologie, ethnologie, histoire et textile.
Depuis 2000, le parcours permanent présente les techniques, savoir-faire et productions de l’ennoblissement textile avec un accrochage fréquemment renouvelé. Les autres « trésors » des différents fonds sont conservés, étudiés et documentés à l’ombre des réserves. Ils se montrent aussi régulièrement à l’occasion d’exposition temporaire ou grâce aux prêts et dépôts consentis par le Musée de Bourgoin-Jallieu à d’autres institutions publiques.
Si vous êtes en possession d’un objet qui pourrait intéresser le musée, n’hésitez pas et renseignez-vous pour être donateur (+ d'infos en 1 clic)
Chaque mois, nous vous faisons partager notre coup de cœur parmi les collections du musée.
La pierre à cupules de Meyrié donnée au musée en 1957
Voilà un des objets que j’affectionne le plus. C’est un bloc parallélépipédique creusé de 17 cupules artificielles et ornée d’une croix grecque. Etudiée par Messieurs Chauffin puis Chatain, elle conserve tout son mystère quant à sa datation et à sa destination, à l’image de toutes les autres pierres à cupules connues dans la Drôme, le Vercors… et jusqu’en Italie. A travers ces gravures rupestres la géographie et l’occupation du territoire prennent une nouvelle dimension. Elle n’est pas souvent montrée au public, et la redécouvrir est à chaque fois jubilatoire.
Par Agnès Félard, chargée des collections du musée.
Depuis les années 1990, le Musée de Bourgoin-Jallieu est spécialisé dans le patrimoine de l’ennoblissement textile(traitements appliqués au tissu pour le transformer en étoffe douce, brillante et colorée par l’impression, la teinture et les apprêts…). Ces activités ont forgé l’identité industrielle du Nord-Isère.
Les collections textiles s’étendent du début du 18e siècle à nos jours et comptent 7182 objets inventoriés répartis en deux volets. Le premier, technique, est composéde machines et d’outils nécessaires à la production (métiers à tisser, dynamomètres, planches et cadres d’impression, colorants…). Le volet textile, proprement dit, est majoritairement constitué d’empreintes mais aussi de costumes, d’accessoires, de rebracks et de métrages de tissus.
Qu’est-ce qu’une empreinte ?
Impression réalisée sur papier, buvard lorsqu’il s’agit d’impression à la planche, afin de déterminer si les motifs et couleurs sont corrects avant d’imprimer l’étoffe. Ces empreintes archivées par les imprimeurs forment un véritable corpus et sont un témoignage de l’évolution de la mode et des arts décoratifs.
Qu’est-ce qu’un rebrack ?
Echantillons textiles d’un même motif décliné en plusieurs couleurs présentés en boutique ou dans les ateliers de confection
Créé en 1929 à l’initiative de la Ville de Bourgoin-Jallieu et du peintre Victor Charreton (1864-1936), le musée est alors dédié aux beaux-arts.
Aujourd’hui, la politique d’enrichissement et de valorisation du fonds beaux-arts – 834 peintures, dessins et sculptures – reste très active. Ainsi en 2003, 125 esquisses du fonds d’atelier du peintre bergusien Alfred Bellet du Poisat (1823-1883) rejoignent la collection ; par ailleurs, entre 2013 et 2015, 303 œuvres du fonds graphique seront restaurées.
Même si son parcours permanent est principalement axé sur l’ennoblissement textile, le musée présente tous les ans des toiles et dessins de Victor Charreton. Les œuvres appartenant au fonds beaux-arts sont accrochées régulièrement à l’occasion des expositions temporaires ou prêtées à d’autres musées.
On y trouve des productions de : Marie Laurencin, Antoine Chintreuil, Maurice Denis, Jean Drevon, Marceau Gattaz, Jean Couty, Louis Appian, Maurice Chabas, Aguste Ravier, Jean Achard, Pierre Puvis de Chavannes, Henri Fantin-Latour…
En 2012, le musée a acquis une nouvelle œuvre de Victor Charreton, grâce au soutien des Amis du musée : Champ de mars, Bourgoin, neige fondante (vers 1820).
Pour découvrir Victor Charreton cliquer ici
Le Musée de Bourgoin-Jallieu est historiquement ancré dans son territoire et à ce titre le patrimoine du nord Dauphiné tient une place importante au sein de ses collections. Ainsi, il conserve, étudie et valorise quelques 2163 objets représentatifs de disciplines diverses : archéologie, ethnologie, art déco, ethnologie, histoire, militaria et même minéralogie.
Ces fonds ce sont constitués au gré de legs, tel celui d’Elisabeth Delaunay en 1991, de dons en nature de particuliers désireux de sauvegarder un patrimoine qui leur est cher. Ainsi le don de sa collection d’armes par François Armanet en 1949 ou la dévolution du produit de ses fouilles archéologiques par l’Association Pour la Protection et l’Animation des Sites (APPAS) en 2010.
Du peson romain au fermoir en forme de dragon du 18esiècle, en passant par un liard Louis XVI ou une hallebarde du 16e, tous ces objets trouvent donc une place à part entière dans les collections du Musée de Bourgoin-Jallieu.
C’était la dernière muse de Balthus, Anna. Pendant huit ans, tous les mercredi après-midi, à la fin des années 1990, elle a posé pour le peintre dans le Grand Chalet de Rossinière en Suisse.
Anna avait huit ans quand elle a commencé à poser pour le peintre, 16 quand cela s’est achevé. Balthus, lui, vivait ses dernières années. Diminué - il avait perdu le contrôle de son regard et de sa main - l’artiste a du abandonner ses crayons pour se résigner à utiliser un appareil polaroïd afin de capturer les pauses de son modèle.
© Harumi Klossowski de Rola
Les milliers de clichés, témoins des dernières études du maître, ont quitté mi-janvier la galerie Gagosian à New York où ils étaient exposés sans encombre depuis octobre. L’exposition prévue en avril en Allemagne a été censurée par le musée Folkwang à Essen, relançant le débat autour de Balthus et de ses modèles nubiles.
© Harumi Klossowski de Rola
Benoît Peverelli, photographe et mari de la fille du peintre Harumi Klossowski de Rola, a retrouvé les clichés (plus de 1900) éparpillés dans l’atelier de dessin du maître. « J’ai décidé de faire le livre il y a cinq ans. Déjà parce que je trouve les photographies magnifiques. Mais surtout parce qu’elles constituent, au sein de l’œuvre globale de Balthus, un travail atypique : sa matière, c’était exclusivement la peinture, le pigment.»
© Harumi Klossowski de Rola
Le beau livre à l’origine des expositions, édité chez Steidl, contient 1200 clichés. « C’était un travail d’archéologue d’exhumer ces photos, explique le photographe. J’ai du écrémer : les polaroïds reproduisent quasiment tout le temps la même image, à quelques détails près. C’était une recherche sur quelques compositions. »
© Harumi Klossowski de Rola
« Ces clichés ont leur place dans l’histoire de l’art et de la photographie. Au même titre que n’importe quelle étude, de n’importe quel autre artiste. Les images ont une existence propre » souligne le photographe, visiblement attristé par la réception de son travail en Allemagne. « Anna, la principale concernée, était là au vernissage à New York, elle a aussi écrit un très beau texte pour le livre ».
© Harumi Klossowski de Rola
Extraits de « Mercredi Après-Midi », le texte d’Anna Wahli pour Balthus : les dernières études, édité chez Steidl.
J’ai commencé à poser pour Balthus lorsque j’avais huit ans. A cette époque-là, je vivais ma vie de petite fille et Balthus n’était pour moi que mon voisin, un patient de mon père, un viel homme sympathique que je croisais quand j’allais jouer chez mon amie, fille du personnel de maison du Grand Chalet. L’histoire veut que son choix se soit porté sur moi pour devenir son modèle, quand un jour en rentrant de l’école il m’entendit chantonner l’air de la Reine de la Nuit de Mozart. Balthus lui-même féru de ce compositeur aurait eu comme une vision. Il a alors demandé à mon père s’il était d’accord que je pose pour lui. Je sais que mes parents m’ont demandé mon avis, mais je ne me souviens pas avoir réfléchi à ma réponse, j’ai dit oui et je suis allée poser pour la première fois au Grand Chalet, quelques jours plus tard.
Huit ans après j’y étais encore.
Je me souviens que la première séance de pose m’a mis vraiment mal à l’aise. J’étais très impressionnée, on ne se connaissait pas encore. C’était une sensation très étrange d’être à ce point dévisagée et observée. Je n’avais pas l’habitude que quelqu’un me regarde avec autant d’insistance. (...)
Balthus m’a avoué bien plus tard, que lui aussi avait été terrifié ce jour-là face à moi. Mon regard l’impressionnait tout autant que le sien envers moi.
Au fil du temps, nous nous sommes peu à peu « apprivoisés » comme il aimait le dire, jusqu’à devenir bien plus complices par la suite et cette séance de pose si inconfortable a fini par faire partie de mon quotidien. (...).
Un jour, dans une autre pièce du Grand Chalet et dans une autre posture, Balthus s’énervait avec son crayon. Il n’arrivait plus à l’utiliser comme il le souhaitait et le faisait tomber car ses doigts n’arrivaient plus à tenir cet objet si fin. (...)
Balthus a donc dû très rapidement changer d’outil de travail pour passer aux polaroïds. (...)
A chaque séance, il prenait un long moment d’observation, faisait de nombreux polaroïds et entre deux prises s’approchait de moi avec sa canne puis déplaçait un bras, une jambe, dégageait mes cheveux ou tournait légèrement mon visage. Je n’avais pas l’impression qu’il changeait grand chose, cela m’agaçait même parfois lorsqu’il se levait difficilement de son siège pour la énième fois pour modifier un détail dans la pose. (...)
De l’âge de 8 ans à 16 ans, je n’ai pas cessé d’aller passer mes mercredis après-midi poser pour Balthus. Je dois dire que cela ne me paraissait pas extraordinaire. Cela faisait partie de mon quotidien. Je mesurais parfois l’ampleur de ce que j’étais en train de vivre lorsque des journalistes ou des photographes souhaitaient me rencontrer, m’interviewer ou me photographier. Dans ces cours instants, je me rendais compte que j’étais probablement en train de vivre quelque chose d’exceptionnel, d’unique. Le reste du temps, je redoutais plutôt l’appel de Balthus à la maison pour me demander de venir poser.
Je me demande aujourd’hui pourquoi je retournai poser pratiquement chaque semaine ? Certes, je n’osais parfois pas dire non mais j’aurais pu demander à mes parents de le faire à ma place. Régulièrement cela m’embêtait vraiment de devoir y aller. J’aurai préféré aller jouer avec mes amis ou partir faire du ski lorsque la neige venait de tomber. Il faut croire que j’y trouvai un intérêt puisque personne ne me forçait. Peut-être que je sentais une nécessité ou je me faisais un devoir d’être présente pour Balthus qui me réclamait. Mon père disait en plaisantant que j’étais « son meilleur médicament »… Je ne trouve pas de réponse en ce qui me concerne.
Il y avait quelque chose d’indescriptible dans ce qui nous liait Balthus et moi. Il m’avait demandé de le tutoyer, je n’ai jamais pu, mais je me sentais proche de lui, à mi-chemin entre un grand-père et un ami. Une complicité à quelque part et des rituels, qui nous ont permis de nous supporter durant 8 ans, lors de ces moments hors du temps et presque irréels qu’était nos séances de pose…
Photographie de une : Benoît Peverelli
19 juin 2013 à 20:56 (Mis à jour: 21 juin 2013 à 12:03)
Jardins. A Chaumont-sur-Loire et Amiens, deux festivals invitent des artistes à rhabiller les paysages.
Ça ne va pas du tout. A force d’annoncer pour le lendemain un temps encore pire que celui de la veille, Météo France a réussi à nous gâcher le printemps. Résultat : les jardins ne savent plus où ils en sont, les jardiniers dépriment, les promeneurs s’égarent. Hier, on croyait cueillir du muguet, ce n’étaient encore que des perce-neige ! C’est probablement pour anticiper ce genre d’aléas climatiques que beaucoup de festivals liés aux jardins se sont ouverts à l’art contemporain : le créateur est moins sensible à la température que les camélias et les rhododendrons, et il livre ses productions à l’heure (enfin, assez souvent). En sus, le calme plaisir d’une promenade dans la verdure vous met dans une disposition d’esprit permettant d’apprécier jusqu’à l’œuvre la plus incongrue. Deux manifestations, à Amiens et à Chaumont-sur-Loire, au nord et au sud de Paris donc, donnent de ce mariage art-végétal deux moutures diamétralement opposées. A Amiens, le tout jeune festival Art, Villes et Paysage a parsemé les hortillonnages - jolis marais parcourus de canaux, au bord de la ville - de clins d’œil faits par des artistes britanniques et français de moins de 36 ans. C’est une exposition foutraque que l’on visite en barque, en allant d’île en île, en slalomant entre les canards et les mouettes, entre les huttes de chasseurs et les bateaux de maraîchers. A Chaumont, ce sont les paysages plus sucrés du cœur de la France, le prestige d’une manifestation - le festival international des jardins - qui en est déjà à sa 22e édition, un rendez-vous de paysagistes et d’artistes renommés, le voisinage des châteaux de la Loire. Lesquels vivent dans une ambiance assez peu maraîchère.
Canardage. Commençons par Amiens et cette belle idée : confier une petite île des hortillonnages à chacune des équipes sélectionnées par le festival créé par la maison de la culture (MCA) de la ville. La manifestation est née il y a quatre ans dans le sillage suspect de l’éphémère Conseil de la création artistique, machin sarkozien pour doubler le ministère de la Culture par sa droite. La chose avait accouché de l’initiative «Imaginez maintenant» destinée à doper la jeune création dans une dizaine de villes. De ces roides forceps a au moins émergé une manifestation pérenne, qui a pris cette année un nouveau nom - Arts, Villes et Paysages, donc - et une nouvelle direction : l’amitié franco-britannique, ce qui lui permet de bénéficier de quelques subsides européens. Le visiteur embarqué avec son chapeau et ses lunettes de soleil découvrira 18 jardins et 11 installations ; il passera près d’îles privées garnies de charmants bungalows et de moulins à vents miniatures ; il saluera en passant une douzaine de huttes de chasseurs entourées de leurs «appelants» (canards pour attirer les canards) ; il sera rassuré de savoir que le canardage n’a lieu que tôt le matin et tard le soir.
Bref, le visiteur passera deux charmantes heures dans une joyeuse mixité horticolo-culturelle. Comme si le Palais de Tokyo avait soudainement débordé dans un jardin ouvrier ! C’est d’ailleurs l’idée directrice de ce festival, ainsi résumée par Gilbert Fillinger, directeur de la MCA : «Exposer un large public à la création contemporaine sans l’obliger à passer par l’institution.» Saluons un embryon de festival «off» : sur l’île aux fagots, juste à côté d’une parcelle où le plasticien marseillais Boris Chouvellon a dressé les ruines d’un toboggan aquatique, un particulier a planté dans son potager une forêt de parapluies transparents qui ont la double qualité de protéger les fraisiers et d’adresser un amical salut à Daniel Buren et à ses parasols de la Monumenta 2012. Mais peut-être nous trompons-nous.
Big-bang. Direction Chaumont-sur-Loire maintenant, où Chantal Colleu-Dumond et François Barré veillent sur un domaine toujours plus grand, semé d’œuvres monumentales, de microjardins et - nouveauté - de quelques animaux. Le festival, créé en 1992 par Jean-Paul Pigeat, continue d’exécuter sa petite musique de fleurs et d’art, mais l’action se déplace peu à peu vers le parc, qui s’élargit avec les prés du Goualoup et accueille les créations anciennes ou récentes de Giuseppe Penone, Fujiko Nakaya, Patrick Dougherty, Tadashi Kawamata, Anne et Patrick Poirier, Andrea Branzi, Erik Samakh, Shodo Suzuki et quelques autres. Le sculpteur autrichien Klaus Pinter a abrité dans les écuries une énorme bulle transparente dont la surface est constellée de feuilles de magnolias dorées. C’est le big-bang d’un Premier Matin (nom de l’œuvre). Côté festival, soit une trentaine de petites parcelles, le thème de l’année est «Jardins des sensations». Fin mai, la première sensation qui étreignait douloureusement le visiteur était que le printemps pourri n’avait pas facilité le dérèglement des sens. Mais tout va aller mieux : quand la nature prend du retard, la culture doit prendre de l’avance. Et puis l’été ne sera peut-être pas catastrophique.
William Degouve de Nuncques
" La Maison Rose " 1892
63cm x 43 cm
© Coll. Part.
William Degouve de Nuncques "Nocturne dans le Parc Royal à Bruxelles " © Coll. Part. |
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William Degouve de Nuncques © Coll. Part. | |
A l’approche de la guerre, une quête mystique l’anime et l’oriente vers des sujets plus religieux, tandis que son langage symboliste s'allie à une technique un peu plus expressionniste. En 1919, la mort de sa femme le plonge dans un profond désespoir et il décide d’arrêter de peindre. Il se marie en 1930 avec sa deuxième compagne, Suzanne Poulet avec qui il s'installe à Stavelot. Il a repris la peinture en représentant la campagne ardennaise. Il perd l'usage de sa main. Il meurt à Stavelot le 1er mars 1935. Musée Félicien Rops - Namur |
A Elémir Bourges
Orphée
Admirez le pouvoir insigne
Et la noblesse de la ligne :
Elle est la voix que la lumière fit entendre
Et dont parle Hermès Trismégiste en son Pimandre.
La tortue
Du Thrace magique, ô délire !
Mes doigts sûrs font sonner la lyre.
Les animaux passent aux sons
De ma tortue, de mes chansons.
Le cheval
Mes durs rêves formels sauront te chevaucher,
Mon destin au char d'or sera ton beau cocher
Qui pour rênes tiendra tendus à frénésie,
Mes vers, les parangons de toute poésie.
La chèvre du Thibet
Les poils de cette chèvre et même
Ceux d'or pour qui prit tant de peine
Jason, ne valent rien au prix
Des cheveux dont je suis épris.
Le serpent
Tu t'acharnes sur la beauté.
Et quelles femmes ont été
Victimes de ta cruauté !
Eve, Eurydice, Cléopâtre ;
J'en connais encor trois ou quatre.
Le chat
Je souhaite dans ma maison :
Une femme ayant sa raison,
Un chat passant parmi les livres,
Des amis en toute saison
Sans lesquels je ne peux pas vivre.
Le lion
O lion, malheureuse image
Des rois chus lamentablement,
Tu ne sais maintenant qu'en cage
A Hambourg, chez les Allemands.
Le lièvre
Ne soit pas lascif et peureux
Comme le lièvre et l'amoureux.
Mais que toujours ton cerveau soit
La hase pleine qui conçoit.
Le lapin
Je connais un autre connin
Que tout vivant je voudrais prendre.
Sa garenne est parmi le thym
Des vallons du pays de Tendre.
Le dromadaire
Avec ses quatre dromadaires
Don Pedro d'Alfaroubeira
Courut le monde et l'admira.
Il fit ce que je voudrais faire
Si j'avais quatre dromadaires.
La souris
Belles journées, souris du temps,
Vous rongez peu à peu ma vie.
Dieu ! Je vais avoir vingt-huit ans,
Et mal vécus, à mon envie.
L'éléphant
Comme un éléphant son ivoire,
J'ai en bouche un bien précieux.
Pourpre mort !.. J'achète ma gloire
Au prix des mots mélodieux.
Orphée
Regardez cette troupe infecte
Aux mille pattes, au cent yeux :
Rotifères, cirons, insectes
Et microbes plus merveilleux
Que les sept merveilles du monde
Et le palais de Rosemonde !
La chenille
Le travail mène à la richesse.
Pauvres poètes, travaillons !
La chenille en peinant sans cesse
Devient le riche papillon.
La mouche
Nos mouches savent des chansons
Que leur apprirent en Norvège
Les mouches ganiques qui sont
Les divinités de la neige.
La puce
Puces, amis, amantes même,
Qu'ils sont cruels ceux qui nous aiment !
Tout notre sang coule pour eux.
Les bien-aimés sont malheureux.
La sauterelle
Voici la fine sauterelle,
La nourriture de saint Jean.
Puissent mes vers être comme elle,
Le régal des meilleures gens.
Orphée
Que ton coeur soit l'appât et le ciel, la piscine !
Car, pêcheur, quel poisson d'eau douce ou bien marine
Egale-t-il, et par la forme et la saveur,
Ce beau poisson divin qu'est JESUS, Mon sauveur ?
Le dauphin
Dauphins, vous jouez dans la mer,
Mais le flot est toujours amer.
Parfois, ma joie éclate-t-elle ?
La vie est encore cruelle.
Le poulpe
Jetant son encre vers les cieux,
Suçant le sang de ce qu'il aime
Et le trouvant délicieux,
Ce monstre inhumain, c'est moi-même.
La méduse
Méduses, malheureuses têtes
Aux chevelures violettes
Vous vous plaisez dans les tempêtes,
Et je m'y plais comme vous faites.
L'écrevisse
Incertitude, ô mes délices
Vous et moi nous nous en allons
Comme s'en vont les écrevisses,
A reculons, à reculons.
La carpe
Dans vos viviers, dans vos étangs,
Carpes, que vous vivez longtemps !
Est-ce que la mort vous oublie,
Poissons de la mélancolie.
Orphée
La femelle de l'alcyon,
L'Amour, les volantes Sirènes,
Savent de mortelles chansons
Dangereuses et inhumaines.
N'oyez pas ces oiseaux maudits,
Mais les Anges du paradis.
Les sirènes
Saché-je d'où provient, Sirènes, votre ennui
Quand vous vous lamentez, au large, dans la nuit ?
Mer, je suis comme toi, plein de voix machinées
Et mes vaisseaux chantants se nomment les années.
La colombe
Colombe, l'amour et l'esprit
Qui engendrâtes Jésus-Christ,
Comme vous j'aime une Marie.
Qu'avec elle je me marie.
Le paon
En faisant la roue, cet oiseau,
Dont le pennage traîne à terre,
Apparaît encore plus beau,
Mais se découvre le derrière.
Le hibou
Mon pauvre coeur est un hibou
Qu'on cloue, qu'on décloue, qu'on recloue.
De sang, d'ardeur, il est à bout.
Tous ceux qui m'aiment, je les loue.
Ibis
Oui, j'irai dans l'ombre terreuse
O mort certaine, ainsi soit-il !
Latin mortel, parole affreuse,
Ibis, oiseau des bords du Nil.
Le boeuf
Ce chérubin dit la louange
Du paradis, où, près des anges,
Nous revivrons, mes chers amis,
Quand le bon Dieu l'aura permis.
LE MONDE DES LIVRES | 22.08.2013 à 16h08 | Florence Noiville
Envoyée spéciale à New York
Elle est venue de Chelsea, dans l'Etat du Michigan. "Chelsea où je vis, oui... Une petite ville modeste, encore sauvage, où on peut, certaines nuits, entendre les coyotes hurler..." Laura Kasischke est venue spécialement du Midwest jusqu'à New York, "parce qu'il est important pour [elle] de rencontrer la presse française", dit-elle. "Je ne sais pas pourquoi, mais l'accueil que je reçois chez vous est bien meilleur qu'ici. Mes livres se vendent mieux en France qu'en Amérique..."
Chelsea. On voit soudain sa ville comme un endroit pavillonnaire, lisse, bien rangé. Et puis, la nuit, les coyotes rôdant et hurlant... On se dit que ce contraste est un peu à l'image de Laura Kasischke elle-même. Ce jour-là, dans un restaurant de l'Upper West Side, elle arrive avec une robe à fleurs fraîche et froufroutante. Aucune de ses boucles noires ne dépasse. Elle vous fixe de ses grands yeux bleu pâle, timide peut-être, mais apparemment sereine. Apparemment. Car, avant notre rencontre, elle nous a bombardée de mails. Courriels anxieux, trahissant le trouble sous le calme trompeur, les sombres tourbillons sous la surface. Dr Jekyll & Mrs Kasischke.
Il suffit d'ailleurs d'ouvrir un livre de Laura Kasischke, n'importe lequel, pour constater qu'une angoisse étrange et sourde est à l'oeuvre. Dès les premières lignes de son premier roman, A Suspicious River (Bourgois, 1999, adapté au cinéma par Lynne Stopkewich), tout l'était déjà, "suspicious", c'est-...
Parcours
1961 Laura Kasischke naît à Grand Rapids (Michigan).
1991 Elle publie un premier recueil de poésies, Wild Brides.
1996 À Suspicious River, Son premier roman, paraît (Christian Bourgois, 1999). Il est porté à l'écran en 2000.
2002 La Vie devant ses yeux (Christian Bourgois). Le roman est porté à l'écran en 2007.
2011 Les Revenants (Christian Bourgois).
Déméter dans le Midwest. Critique et extrait
Un jour, Laura Kasischke s'est réveillée avec une phrase en tête. "Quelque chose les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux." Une phrase qui ne voulait pas s'en aller. Qui cognait, qui insistait. "Pourquoi ? Mystère ? Avais-je lu des choses sur la Russie ? En tout cas, j'ai su que je devais en faire le début d'un nouveau roman."
Dans Esprit d'hiver, c'est Holly, la mère, qui s'éveille un jour de Noël avec cette certitude. Quelque chose les a suivis. Et cette chose - qu'elle a toujours sue mais a enfouie au plus profond - a à voir avec sa fille, Tatiana, une adolescente adoptée en Sibérie quinze ans plus tôt.
Tandis que le père, Eric, est parti chercher ses parents à l'aéroport, une tempête de neige se déchaîne. Les invités un à un se décommandent. Le père et les grands-parents se retrouvent bientôt, eux aussi, coincés sur la route. Si bien que le champ se trouve soudain libre pour un âpre et terrifiant tête-à-tête, dans une maison vide, en plein blizzard. C'est Déméter et Perséphone dans le Midwest. Une mère et une fille se cherchent. Et se trouvent. Dans la douleur et dans le drame.
La prose de Kasischke est comme un collier. L'auteur donne un tour de vis à chaque chapitre. Et l'oxygène, au fil des pages, vient à manquer. De ce huis clos étrange et oppressant se dégagent des visions, des flashs dérangeants : un orphelinat en Russie, un bébé à la peau trop bleue, une porte qui n'aurait jamais dû être ouverte... Et une conclusion faussement simple : "Personne ne naît sans héritage (...). Le passé réside en soi. A moins de le trancher ou de se le faire amputer par opération chirurgicale, il vous suit jusqu'au jour de votre mort."
Esprit d'hiver (Mind of Winter), de Laura Kasischke, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Aurélie Tronchet, Christian Bourgois, 294 p., 20 €.
EXTRAIT
"Ce matin-là, elle se réveilla tard et aussitôt elle sut : quelque chose les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux.
C'était dans un rêve, pensa Holly, que cette bribe d'information lui avait été suggérée, tel un aperçu d'une vérité qu'elle avait portée en elle pendant - combien de temps au juste ?
Treize ans ? Treize ans !
Elle avait su cela depuis treize ans, et en même temps, elle l'avait ignoré (...). Elle se leva du lit (...), pressée de voir qu'elle était là, encore endormie, parfaitement en sécurité.
Oui, elle était là, Tatiana, un bras blanc passé sur un couvre-lit pâle. Les cheveux bruns répandus sur l'oreiller. Si immobile qu'on aurait dit une peinture. Si paisible qu'on aurait pu la croire...
Mais ce n'était pas le cas. Elle allait bien. Rassurée, Holly retourna dans sa chambre et se glissa de nouveau dans le lit près de son époux - mais à peine allongée, elle pensa encore une fois :
Cela les avait suivis jusque chez eux ! "
Esprit d'hiver, pages 11-12
http://www.lemonde.fr/livres/article/2013/08/22/laura-kasischke-le-calme-trompeur_3464661_3260.html
La Ville de Paris poursuit son exploration de la capitale à travers le regard de ses plus grands photographes en présentant l’oeuvre intense et lumineuse de Brassaï.
L’exposition "Brassai, Pour l’amour de Paris" relate l'histoire exceptionnelle d'une passion, celle qui a uni pendant plus de cinquante ans Brassaï l'écrivain, le photographe, le cinéaste, aux coins et recoins de la capitale mais aussi à tous ceux, intellectuels, artistes, grandes familles, prostituées et vauriens, bref à tous ceux et celles qui font la légende de Paris. Toute sa vie en effet, Paris demeure au cœur de sa réflexion, le fil rouge de son travail.
Né en 1899 à Brasso en Transylvanie, Gyulus Halasz qui prendra le nom de Brassaï lorsqu'il commencera à photographier en 1929, vient tout juste de fêter ses quatre ans lorsque son père professeur de littérature l’embarque avec lui à Paris où il est invité à passer une année sabbatique. Cette période d'enchantement miraculeuse reste à jamais gravée dans la mémoire du jeune homme.
Cette fascination pour Paris amène Brassaï à rejoindre la capitale française en 1924 après ses études d'art à Berlin. Il va rapidement rencontrer Desnos, Prévert qui l’intègrent dans le milieu brillant des artistes et intellectuels qui font la renommée des Années Folles à Montparnasse et l'introduisent dans la nébuleuse surréaliste.
Sa pensée s'attache insensiblement à transformer le réel en décor irréel. Il recherche les objets les plus ordinaires et en détourne le sens, ose les juxtapositions insolites et défamiliarise la perception en sortant le réel de son contexte. Voici comment naîtra sa quête obstinée des graffitis à partir de 1929.
A la même époque, Brassaï s’attache à traquer dans la lumière nocturne de la ville un Paris insolite, inconnu et méprisé.
Au fil de ses longues déambulations qui le mènent seul ou en compagnie d'Henry Miller, Blaise Cendrars ou Jacques Prévert, ses complices qui attisent sa curiosité, il rend visibles les humbles prostituées des quartiers “chauds” ou travailleurs de la nuit aux Halles-, transforme la rigueur classique de l'architecture parisienne en scènes étranges et fixe l'insolite beauté des silhouettes fugitives, des illuminations aveuglantes ou les brouillards sur la Seine.
Ce flâneur impénitent décrit la ville suivant les points de vue qui lui sont propres et que la lumière lui offre comme la vision panoramique de Paris du haut des tours de Notre Dame, les reflets infiniment répétés des arches de pont sur la Seine, la mise au carreau des Jardins des Tuileries dessiné par l'ombre des grilles, les fleurs du marronnier qui surgissent de la nuit telles un bouquet nuptial ou les apparitions à peine révélées des “belles de nuit” dans les passages obscurs.
En 1932, Picasso impressionné par son travail, confie à Brassaï la mission de photographier son oeuvre sculptée jusqu'alors inconnue et qui doit être publié dans le premier numéro d'une nouvelle revue d'art : Le Minotaure. Les deux artistes se découvrent des goûts voire des fascinations communes qui ont marqué leur oeuvre, telles l'atmosphère très féminine et dénudée des Folies Bergères, ce qui n'est guère étonnant pour ces amoureux des formes féminines, ou celle tout à fait mystérieuse des fêtes foraines dans lesquelles règnent cartomanciennes et diseuses de bonne aventure. Parmi tous ces spectacles, celui qui retient le plus leur attention est certainement le cirque. Ils y retrouvent la beauté du corps humain soumis à la virtuosité de l'effort physique, le dialogue entre la bête et l'homme, le sens de l'équilibre et le goût pour le mystère.
Arpenteur infatigable du Paris nocturne, Brassaï n’est pas insensible à la capitale dans la lumière du jour. Il propose ainsi une vision tout à fait personnelle du jardin du Luxembourg, chaise abandonnée ou lion menaçant sous la neige, petits artisans - glacier, marchande de ballons, photographe ambulant, jardinier balayant les feuilles ou statues dévêtues.
Même empathie naturelle pour les berges de la Seine qu’il parcourt à la rencontre des amoureux, des pêcheurs à la ligne, des sans-abris et même des chiens. Il passe d'un quartier à un autre - Quartier latin, Bercy, Auteuil, et dévoile les activités spécifiques à chacun. S'il documente volontiers la vie réelle de ces espaces, il sait capter "l'esprit" de chaque quartier de Paris : la foule élégante de la rue de Rivoli, les badauds devant les magasins des Grands Boulevards, les charbonniers le long de la Seine à Bercy, mais aussi la majesté des monuments prestigieux, tour Eiffel, Arc de triomphe et surtout Notre-Dame et ses gargouilles qu'il traque de jour comme de nuit. Ainsi, par quelque côté que l'on examine son oeuvre, on y retrouve Paris, toujours Paris.
Pour les écoles
Au début des visites chaque élève reçoit un livret-jeu à compléter dans l’exposition et qu’il peut ensuite rapporter à la maison. Un petit logo permet de repérer l’œuvre en lien avec la question.
Hôtel de Ville, salle Saint Jean
5, rue Lobau
75004 PARIS
Du 8 novembre 2013 au 8 mars 2014.
De 10h à 19h du lundi au samedi.
Fermé les dimanches et les jours fériés.
Attention : le 15 novembre, ouverture à 13h30.
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Publié le 22/01 à 12:14 |
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Les Flandres : un territoire morcelé qui s’étend de part et d’autre de la frontière, d’Arras à Anvers, avec sa langue, sa culture, son histoire. Et ses histoires d’hommes qui forment une identité immuable, par-delà les siècles, les frontières et les brimades. À mi-chemin entre Lille et Dunkerque, d’étranges établissements attestent de cette identité flamande : ce sont les estaminets. Quand vient l’hiver et que les averses alternent avec des ciels à la Turner, tourmentés et immenses, il fait bon s’y réchauffer le cœur et le corps.
Au Kasteelhof, au sommet du mont et de la ville de Cassel (173 m !), on affiche complet. Le week-end, quand tout le monde est servi en carbonnades flamandes (bœuf bourguignon à la bière), pot’je vleesch (pâté aux trois viandes), lard fumé sur planche, ou autres plats typiques, Manu raconte des légendes locales ou universelles qu’il transpose invariablement dans sa région. « Il y a 100 000 ans, cinq mètres de neige recouvraient la plaine au pied du mont Cassel… »
Une clientèle variée, jeunes, étudiants lillois en goguette, mais aussi des familles du coin sur trois générations, des enfants jouant avec des jouets en bois, des touristes de passage, tous partagent la chaude convivialité qui émane de cette grande pièce offrant dans la journée une vue imprenable sur la plaine flamande, avec sa cheminée crépitante, ses bouquets de houblon, ses grands paniers d’osier et ses ustensiles d’antan. Manu a repris ce vieil estaminet il y a plusieurs années, il en a fait un écrin, où l’on peut boire, manger, acheter des produits de la région. Ou écouter les histoires qu’il raconte avec une joie communicative en laissant errer son regard, par les jours de beau temps, jusqu’à la mer du Nord.
« C’est la longue nuit de Noël, et le petit Karl pleure. » Manu pleure aussi, mélange flamand et français, prend des accents, imite le vent, les cloches, jusqu’aux rictus des sorcières. Des parfums régionaux aux bulles de la bière, jusqu’à la pénombre même, réchauffée par les dizaines de bougies, tout ici est flamand, intemporel, comme un tableau de Breughel. « Karl, c’est le sonneur de cloches de Cassel. Et s’il pleure, c’est que personne ne vient lui souhaiter Joyeux Noël. Alors, le pauvre Karl, il vend son âme au diable en échange de dix années de jouissance.»
Manu en fait des tonnes. Dans la salle, les conversations se sont tues, tout le monde écoute. Le temps est suspendu. C’est tellement bon enfant que ça devient suspect. À la fin du conte, Karl se joue du diable, qui, furieux, se met à taper du pied sur le sol flamand. Les yeux de Manu pétillent de contentement devant son auditoire captivé.« Et de ce martèlement démoniaque seraient nés la Cordillère des Flandres et le mont Cassel où nous nous trouvons aujourd’hui. »
Applaudissements ! Les conversations, les rires et les chopes reprennent leur course entre les tables.
Le Pays des Monts de Flandres est constitué de cinq « sommets » érodés comme des vigies ou des phares qui surplombent le plat pays. Manu est l’ambassadeur de cette cordillère. « Un estaminet, explique-t-il, ça n’est pas un restaurant, ça n’est pas un café, et pourtant on y mange et on y boit. Un estaminet, c’est tout simplement comme à la maison. »
Un lieu où la convivialité est érigée en principe. Les avis divergent sur les origines du mot « estaminet ». Tout dépend des puissances qui dominaient la plaine flamande. On évoque l’espagnol « esta un minuto », là où on allait boire un coup vite fait quand l’empire de Charles Quint s’étendait jusqu’aux « Pays d’en Bas ». D’autres soutiennent qu’estaminet vient de l’expression flamande « Sta Mijnheer », (« entrez Monsieur »), inscrite sur les façades. On parle encore du nom wallon « staminé », salle à poteaux caractéristique, ou du flamand « stamen », qui fait référence aux cueilleuses de lin.
Au début du XXe siècle, aller à l’estaminet, c’était s’aventurer sur la mauvaise pente. Lieux de ralliement des contrebandiers entre la Belgique et la France, les pauvres y buvaient leur paie, les notables s’y dévergondaient, quant aux femmes qu’on y rencontrait, on les disait frivoles…
Bon an, mal an, les estaminets ont traversé le siècle jusqu’aux années soixante-dix. Avec la désertification des campagnes, ils ont failli disparaître. Puis, vers les années quatre-vingt, une nouvelle génération a repris le flambeau : les vieux établissements ont été rénovés et transformés en restaurants, bars ou lieux de rencontres, favorisant ainsi une prise de conscience identitaire qui perpétue encore aujourd’hui la tradition flamande. On en trouve des dizaines, dispersés dans la campagne ou dans les villages. Ils émaillent la région comme autant de témoins. Ils en content l’histoire.
La nuit tombe tôt sur la rue principale du petit village de Godewaeschwelde. Fin d’après-midi d’hiver, ciel lourd, pluvieux. Le Café du Centre brille comme un phare. Ancien estaminet-boucherie, il a été repris par un couple chaleureux. Il y a encore les vieux frigos aux poignées chromées. Des crochets à viande, au plafond, pendent des bouquets de houblon.
Il y en avait pour tout le monde, de ces lieux de vie mixtes, carrefour où l’on venait se réchauffer le corps et le cœur : estaminet-coiffeur, estaminet-barbier, épicerie ou marchand de tabac. On profitait en faisant ses courses pour y boire un coup. Ou l’inverse. Ou les deux.
« On peut manger ? Y’a de la truite », répond la patronne attablée avec sa famille. On rapproche une table, on apporte des couverts, on partage le repas. L’hospitalité n’est pas un vain mot. Dehors, trois jeunes gaillards grimés en rois mages chantent en flamand un cantique de Noël. Ils font la tournée des villages, annoncent la Bonne Nouvelle, recueillent quelques pièces dont ils reversent la plus grande partie au Secours Populaire.
« On a toujours fait ça au moment des fêtes, explique César, un Melchior débonnaire. On va chanter pour les vieux, on leur fait écouter des airs qu’ils n’ont pas entendus depuis l’enfance. Y’en a qui se mettent à pleurer. » Dans les Flandres, on se nourrit de la petite histoire et on cultive la mémoire à l’échelle humaine.
Texte : Laurent Boscq. Photo : Manolo Mylonas
Mise en ligne le 22 décembre 2006
http://www.routard.com/mag_reportage/147/4/resistance_contrebande_et_identite.htm
Doté d’un magnifique Musée d’art moderne installé dans l’ancien évêché, Troyes propose depuis quelques jours une exposition intitulée « A fleur de peau ». Si l’on y ajoute un coeur de ville médiéval admirablement restauré et en périphérie plus d’une centaine de boutiques de marques à prix réduits… un week-end à Troyes s’impose.
Premières impressions Le vieux Troyes a la forme d’un bouchon de champagne avec des maisons à pans de bois, pour certaines, ventrues comme des outres trop pleines. La partie la plus étroite du bouchon est la plus commerçante et la plus animée. La rue Emile-Zola, dont les façades médiévales ont repris des couleurs d’autrefois – vert pomme ou rouge sang de boeuf –, les voies adjacentes étroites comme la ruelle des Chats qui découvrent de petites placettes conviviales, sont les entrailles de la ville. Au premier coup d’oeil, on comprend vite que Troyes est un petit bijou aux charmes moyenâgeux, renaissance ou dix-huitièmiste avec quelques splendeurs : la grille de l’Hôtel Dieu, ferronnerie d’or coiffée des pleines armes de Champagne ou la cathédrale. Sa verrerie d’origine est une splendeur et le souvenir de Bernard de Clairvaux, dictant sous la nef magistrale les règles de la chevalerie, ajoute à l’émotion engendrée par la majesté des lieux. Troyes, à l’ombre de ce clocher millénaire, y cultive son propre art de vivre. Dans le palais épiscopal, le Musée d’art moderne présente une grande exposition consacrée au bas, un élément de bonneterie qui fut la grande affaire industrielle de la ville.
« À fleur de peau » À travers du bas, c’est le thème de la nudité et du désir dans l’art qui est traité par cette exposition peu banale qui présente plus de 350 peintures. Pour réussir une telle entreprise, qui avait toutes les chances de tomber soit dans l’anecdotique et le cliché, soit dans le plus complet prosaïsme, il fallait deux ingrédients : un vrai contenu et une scénographie parfaitement adaptée. Conduit de mains de – jeunes – maîtres, sans aucune espèce de timidité, deux étudiants d’une vingtaine d’années de l’École nationale supérieure de création industrielle, Élodée Cardineaud et Julien Legras, ont été sélectionnés au terme d’un atelier de projets dirigé par le designer Jean-François Dingjian. Le résultat très prometteur décoiffe : les oeuvreJs sont accueillies dans des modules, ellipses de voilage aux formes lascives. Des dizaines de bas reposent dans des vitrines au design inventif qui rappellent celles que l’on voyait autrefois dans les magasins de bonneterie. Les étudiants de l’école ont poussé le détail jusqu’à filtrer la lumière des vitres extérieures par des motifs de bas grossis… ajoutant une touche d’humour à une mise en scène très réussie qui sert avec justesse l’autre trésor de l’exposition : les oeuvres. Elles sont signées des plus grands, un tour de force. Bien sûr, il y a Toulouse-Lautrec, celui auquel on pense immédiatement, mais encore Capiello pour de superbes affiches, Picasso pour un Nu aux jambes croisées, ou encore Matisse pour cette superbe Lorette à la terrasse d’un café. Des oeuvres de Van Dongen, Courbet, Degas, Gromaire, Chagall… défilent devant nous dans un luxe d’érotisme contenu, jamais vulgaire. « Le bas, objet de toutes les ambiguïtés, révèle la forme du corps nu sans montrer la peau », commente le commissaire de l’exposition, Emmanuel Coquery.
Le Musée d’art moderne. Il contient la collection de Pierre et Denise Lévy, amateurs d’art troyens éclairés et riches dont le goût très sûr s’est porté sur la peinture des XIXe et XXe siècle. Le Paysage de neige dans le Jura de Gustave Courbet ou Les deux hommes en pieds de Degas ou encore Les Coureurs de Delaunay, oeuvre célébrissime, valent à eux seuls le déplacement à Troyes. Mais il y a aussi de magnifiques Dufy, Derain, Matisse, cerise sur le gâteau on s’assoit sur un mobilier superbe de Paulin.
COMMENT Y ALLER
En train, c’est à 1 h 30 à partir de la gare de l’Est, en voiture par l’A5. Troyes est à 160 km de Paris.
OÙ DORMIR ?
À la Maison de Rhodes dans le centre historique de Troyes, un magnifique petit hôtel de charme d’une dizaine de chambres aménagé dans une jolie maison à pans de bois. 18, rue Linard-Gonthier. www.maisonderhodes.com
SHOPPING
Troyes est le paradis des magasins d’usine de marques avec Mcarthurglen et Marques City et sur un second site Marque Avenue. Au total, plus de 300 boutiques.
SE RENSEIGNER ?
Office de tourisme de Troyes, tél. : 03 25 82 62 70 et www.tourisme-troyes.com
EXPOSITION
« A fleur de peau » au Musée d’art moderne de Troyes, 14, place Saint-Pierre. Tél. : 03 25 76 26 80. Tlj de 10 heures à 13 heures et de 14 heures à 18 heures Tarif : 5 € TR : 2,50 €. Gratuit pour les moins de 18 ans.
Souvenirs de l’exposition, Cet immense rêve de l'océan... Paysages de mer et autres sujets marins par Victor Hugo.
En arrivant à Paris, j’ai acheté (comme je le faisais quand j’y habitais ou que j’y allais régulièrement) Pariscope pour vérifier les lieux et horaires des expositions que j’avais repérées sur internet du Maroc. Là a continué le casse-tête. Peu de temps et tellement d’envies. Que choisir finalement ?
J’ai finalement opté pour cette exposition pour plusieurs raisons :
-Victor Hugo que j’ai fréquenté avec Nerval pendant mon mémoire de maîtrise. Cet homme engagé n’était pas seulement écrivain et poète mais aussi dessinateur et j’admire ces artistes qui savent dire en mots et en images le monde et leur univers propre.
-Le sujet-titre de l’exposition : d’abord, les paysages qui sont pour moi plus qu’un sujet d’étude ; ensuite, la mer que j’aimais avant de la côtoyer de si près ici(je suis à 1km à vol d’oiseau de l’océan) ; enfin, le rêve.
-la maison Victor Hugo, la place des Vosges, la place de la Bastille et tout ce quartier où j’ai vécu quelques temps.
Il faisait très froid, de la neige fondue tombait et je me plongeais avec bonheur dans la chaleur bienfaisante du musée (presque oppressante au bout d’un moment) et dans l’univers d’Hugo. L’atmosphère confinée et la lumière tamisée ajoutait à la fantasmagorie des rêves d’Hugo mis en images de l’artiste. Je pensais aux dessins de Dürer (auquel Hugo a dédié un de ses poèmes), à sa « Melancholia » (Hugo a écrit un poème qui porte ce titre, cf. catégorie « Hugo » et « Dürer) mais aussi à Méryon (cf. ma catégorie à ce nom). Avec de dernier, je trouve qu’il y a vraiment des similitudes de style aussi bien dans les dessins en noir et blanc que dans le traitement des thèmes en couleur. Avec ces dessins, on est très loin de l’image poussiéreuse du poète Hugo, romantique, lyrique, de ces longs poèmes qui ennuient beaucoup certains.
C’est un Hugo moderne (moderne, il l’était déjà dans ses luttes et ses idées)que j’oserais parfois presque qualifier de surréaliste à cause de l’importance du rêve pour André Breton et les autres.
Le Phare d'EddystonePlume, encre brune et lavis sur papier beige, 1866.
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Paris, Maison de Victor Hugo, Inv. 181. © PMVP
Complétant sans doute sa documentation sur l'Angleterre du XVIIe siècle, toile de fond de L'Homme qui rit qu'il est en train de rédiger, Victor Hugo découvre dans un ouvrage intitulé Délices de l'Angleterre une planche qui inspirera ce lavis et un passage du roman : "Au dix-septième siècle un phare était une sorte de panache de la terre au bord de la mer. L'architecture d'une tour de phare était magnifique et extravagante. On y prodiguait les balcons, les balustres, les tourelles, les logettes, les gloriettes, les girouettes. Ce n'étaient que mascarons, statues, rinceaux, volutes, rondes-bosses, figures et figurines, cartouches avec inscriptions. Pax in bello, disait le phare d'Eddystone."(Extrait de "L'homme qui rit)
http://expositions.bnf.fr/hugo/grands/288.htm
En voyant la photo d’Hugo en exil à Guernesey sur son rocher, je pense en toute modestie à mon poème « L’exil » : Souvent je m’asseyais Je pense aussi bien sûr à mon propre exil actuel au bord de l’océan comme lui.
Indépendamment de l’exposition, il est toujours émouvant pour quelqu’un qui aime un écrivain d’évoluer dans ce qui fut son lieu de vie (un de ses lieux de vie en ce qui concerne Hugo). En sortant de l’exposition, je suis passée par la boutique du musée où j’avais envie de tout acheter mais je me suis contentée de 3 cartes postales dont les 2 reproductions de cette page. Dehors, on était loin des paysages marins mais les éléments étaient aussi hostiles que dans certaines représentations de bateaux secoués par l’orage. Malgré ce climat peu clément, j’ai pris plaisir à me perdre dans ce quartier où je sais pourtant si bien à me repérer…. Le 23 février 2007.
Pour voir le catalogue de l’exposition : http://www.ifremer.fr/envlit/actualite/pdf/20060204_PRESSE_Cet_immense_reve.pdf
Pour voir l’exposition de la BNF, « Victor Hugo, l’homme océan » : http://expositions.bnf.fr/hugo/index.htm
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Avant d'entamer sa longue carrière sur les ondes, l'animateur de Droit de réponse avait publié La Vie incertaine, un premier roman très autobiographique. A l'occasion de sa réédition, il se souvient de ses «fifties» et de sa - brève - aventure avec Françoise Sagan.
Il extirpe délicatement le volume de la bibliothèque du merveilleux appartement parisien où il vient de s'installer. A travers une treille de glycines en fleur, on aperçoit en contrebas le Jardin des Plantes. Sous les fenêtres, donc, les braiments incongrus d'un baudet du Poitou. L'ouvrage exhumé est une rareté: parue en 1956 sous la couverture blanche de Gallimard, cette Vie incertaine était signée par un jeune inconnu de 26 ans, Michel Polac. Sûr de son effet, le maître des lieux en extrait une feuille soigneusement pliée. «Grâce à ma cousine, Florence Malraux, j'ai pu obtenir les notes ultrasecrètes du comité de lecture de Gallimard à propos de mon roman.» L'une d'elles, signée d'un certain Albert Camus, prévenait: «L'auteur est à suivre de près: il est intelligent, direct et parfois émouvant.» Son autre parrain dans la maison s'appelle Jean Paulhan. «J'ai eu la grosse tête et j'étais persuadé d'avoir le Goncourt. Quel naïf j'étais! J'en ai vendu 700 exemplaires...»
Un demi-siècle plus tard, alors que l'on réédite cette Vie incertaine, on retrouve Michel Polac, 77 ans, tel qu'en lui-même. Ne manquent que la pipe et la moustache - «Je l'ai coupée, on me confondait avec Bellemare...» Mais le foulard, les lunettes en demi-lune et, surtout, la voix doucereuse, la célèbre voix de Droit de réponse, sont toujours là. Cette réédition l'amuse. En effet, cette Vie incertaine est un peu plus qu'une curiosité: un petit roman fifties légèrement démodé, mais non dénué de charme. «Je l'ai écrit dans une cabane perdue, en Norvège, au-dessus d'un fjord enneigé, alors que je montais vers le cap Nord en 2 CV.»
Comme tout premier roman, celui-ci est très largement autobiographique. Première clef: «Un jour où ma mère était absente, j'ai retrouvé une liasse de lettres d'amour signées d'un certain Bob. Elles coïncidaient avec la période où j'avais été conçu. Pourtant, mon père, un ancien Croix-de-Feu qui avait eu la bêtise de se déclarer comme juif et a disparu en fumée à Auschwitz, était une icône pour moi. Mais, en relisant les lettres de plus près, je me suis aperçu qu'elles étaient écrites par une... femme! C'était une entraîneuse de boîte lesbienne avec laquelle ma mère a eu une brève aventure.» Episode suffisamment troublant pour nourrir la quête des origines qui traverse La Vie incertaine.
L'autre versant du roman épouse la vie vagabonde du jeune Polac, qui, à 18 ans, a pris la route, encore sous le choc de Travaux, un récit de Georges Navel, anar engagé aux côtés des républicains espagnols. Il exerce mille métiers: ouvrier dans une usine de serrures frigorifiques à Saint-Ouen, agent d'assurances au porte-à-porte, mousse sur un bateau de pêche à Cassis... Et puis, alors qu'il fait les vendanges à Béziers, un ami lui téléphone: «Rentre vite à Paris! Ton projet d'émission de radio a été accepté!»
C'est le début - à 22 ans! - d'une deuxième vie, plus parisienne et littéraire. «J'ai commencé par monter En attendant Godot sur les ondes. A l'époque, Beckett était inconnu. Il m'a pris sous son aile et a toujours été extrêmement chaleureux avec moi.» Suit Le Masque et la plume, qu'il crée en 1955, et puis, donc, cette Vie incertaine. Mais son deuxième roman est sèchement refusé par une lettre type signée Gaston Gallimard. Un choc dont il ne se remettra jamais vraiment.
Alors, ce grand séducteur se console dans les bras des femmes. Il y a prescription, on peut donc évoquer son aventure avec... Françoise Sagan! Le misanthrope bougon et le feu follet. «C'était en plein succès de Bonjour tristesse. On allait à Saint-Tropez. Je me souviens encore du déjeuner où Otto Preminger a signé le contrat pour l'adaptation du roman. Le problème, c'est qu'à l'heure où elle sortait en boîte j'allais me coucher et que, lorsqu'elle rentrait au petit matin, je partais me baigner. Cela ne pouvait pas durer...» Ainsi prit fin la - très - brève période jet-set de Michel Polac.
Cet inlassable lecteur de Dostoïevski (son vieil exemplaire rafistolé des Frères Karamazov est toujours là, dans sa bibliothèque) lance alors des émissions de télévision - Bibliothèque de poche, Post-scriptum... - où il interviewe son idole, Witold Gombrowicz, à Vence, quelques mois avant sa mort, mais aussi Jean Renoir ou François Mitterrand. «le futur président parlait de Barrès, Chardonne, Cocteau, bref de ses goûts d'honnête notaire de province, mais de façon très guindée. Son secrétariat m'a appelé pour que nous fassions une seconde prise. Nous l'avons faite. Il était toujours aussi raide.»
Polac aime se brouiller avec ceux qu'il a lancés
Mais le critique littéraire Polac - aujourd'hui à Charlie Hebdo - n'aime rien tant que faire découvrir d'illustres inconnus aux Français. «J'ai défendu Cioran dès 1960. Il m'invitait chez lui à boire le thé, manger des petits gâteaux, et voulait tout savoir sur les coulisses de la télé. D'ailleurs, lorsque Droit de réponse a été déprogrammé, il a signé une pétition en ma faveur, ce qui m'a beaucoup touché.»
Parmi les auteurs qu'il a largement contribué à lancer, citons John Fante, Luis Sepulveda, Marc-Edouard Nabe ou Michel Houellebecq. «Après mon compte rendu élogieux d'Extension du domaine de la lutte, nous nous sommes pas mal vus avec Houellebecq. Il est passé avec son épouse me saluer dans ma bergerie des Cévennes. Un soir, il m'a même entraîné dans une boîte échangiste de Cap-d'Agde. Je suis resté entièrement habillé et il me l'a reproché...»
Car, par-dessus tout, fidèle à sa réputation, Polac aime se brouiller avec ceux qu'il a lancés: Nabe, Houellebecq et même Kundera, après un retentissant article, Kundera, go home!, où il conseillait au romancier d'origine tchèque d'écrire dans sa langue natale plutôt que directement en français! Il excelle - ou exaspère - encore aujourd'hui dans ce rôle de tonton flingueur, au côté de Laurent Ruquier, aux heures tardives du samedi soir sur France 2. Tapie et Doc Gynéco ont même quitté le plateau sous les assauts de cet atrabilaire. Il en sourit: «Oh, vous savez, moi, tant qu'on me laisse parler de littérature et réciter des poèmes coréens, même entre deux starlettes...»
La Vie incertaine
Michel Polac
éd. Neige, Ginkgo
258 pages
15 €
98,39 FF
http://livres.lexpress.fr/portrait.asp/idC=12746/idR=5/idG=8
LE MONDE |18.10.2012 à 15h39
Par Claire Guillot
Henri Le Secq : "Paris, neige au Champ-de-Mars", vers 1853. | Les Art decoratifs/Paris
Mais à quoi donc pensait Gustave Le Gray lorsqu'il a photographié, vers 1851, un vulgaire râteau tombé au fond d'un jardin, devant un mur au crépi douteux ?
Il faut quelque culot pour oser rapprocher les oeuvres des "primitifs" de la photographie et celles du contemporain Jean-Marc Bustamante. C'est ce que font pourtant les commissaires Anne de Mondenard et Marc Pagneux dans les essais du riche catalogue publié chez Actes Sud.
Au Petit Palais, la démonstration est menée tambour battant, en 157 tirages rares ou inédits, et fait mouche. Peu s'étaient intéressés jusqu'ici à l'atelier de Gustave Le Gray. Les commissaires ont été capables d'identifier une "bande de joyeux drilles", c'est-à-dire une cinquantaine de photographes qui ont suivi, plus ou moins longtemps, les leçons du maître dans sa grande maison de la barrière de Clichy. Certains sont connus, comme Charles Nègre, Henri Le Secq, d'autres beaucoup moins.
Artiste visionnaire et chimiste de génie, Gustave Le Gray va enseigner les dernières techniques à ses élèves, mais aussi jeter les bases d'un courant esthétique. "Dans les années 1850 à 1860, ces gens ont inventé un nouveau langage visuel, qui annonce la Nouvelle Vision des années 1920", résume Marc Pagneux.
L'affirmation est assez radicale. Jusqu'ici, on pensait que le premier mouvement artistique, en photographie, était le pictorialisme : à la fin du XIXe siècle, certains, comme Robert Demachy, avaient cru pouvoir élever la photographie en imitant la peinture. Mais c'est exactement le contraire que font les élèves de Le Gray : le choix de sujets triviaux, l'intérêt pour les lignes géométriques, l'importance du vide, le jeu sur les différents plans et le brouillage de l'échelle les éloignent au contraire des références picturales antérieures.
LE FRÈRE DE NADAR RÉHABILITÉ
La preuve est ici en images. Quand Auguste Salzmann photographie l'enceinte du temple de Jérusalem, au lieu de centrer sur son sujet, il crée une image minimaliste en plaçant la pelouse dans l'avant-plan, coupant sa composition dans le sens de la longueur. Quand Firmin-Eugène Le Dien photographie l'aqueduc de Salerne en 1853, il empile trois plans dans le même cadre, au point que le regard s'y perd. Olympe Aguado, lui, n'hésite pas à photographier ses sujets de dos, délaissant son motif principal pour se concentrer sur les matières des vêtements.
Autant de "leçons" de modernité qu'ils ont apprises du maître : ce dernier ouvre l'exposition avec huit icônes remarquables, où il n'hésite pas à frôler l'abstraction ou à photographier une scène de bataille où on ne voit rien.
Le parcours, organisé par thèmes - le sujet, le tirage, le photographique -, sans souci chronologique, force d'abord à regarder ces oeuvres pour leur composition, ce qui est stimulant pour des oeuvres historiques. Mais l'ensemble est aussi un plaisir pour les yeux : les tirages sont splendides, car le perfectionniste Le Gray avait une réputation de "gâcheur" de matériel et a transmis à ses élèves son goût pour les tirages de grand format, aux détails soignés. Seule la partie qui veut faire des photographes des précurseurs du travail en série s'avère moins convaincante - peut-être faute de montrer assez d'exemples.
La fin de l'exposition consacre quelques belles salles à plusieurs auteurs du cercle de Le Gray que les dernières recherches ont mis en lumière. Ainsi Alphonse Delaunay, récemment découvert lors d'une vente aux enchères. Ou John Beasley Greene, mort à vingt-quatre ans, qui semble plus intéressé par les ombres que par les monuments qu'il photographie. Henri Le Secq signe des paysages dépouillés absolument saisissants.
Mais la plus grande surprise vient d'Adrien Tournachon : la postérité a fait du frère de Nadar, le célèbre portraitiste, un photographe commercial et un rejeton maudit. Les deux commissaires, preuves à l'appui, lui réattribuent ici nombre d'icônes. Les expériences de Duchenne de Boulogne, et même le célèbre portrait de Nerval pris juste avant sa mort, seraient de lui. "Nous avons retrouvé les traces d'un procès dans lequel Adrien attaque un journal qui l'a publié sans lui verser des droits", explique Marc Pagneux. Il était temps de rendre à Tournachon ce qui était à Nadar.
La présentation de l'exposition sur le site Web du Petit Palais : www.petitpalais.paris.fr
Charles Nègre "Le sculpteur Auguste Préault devant le 21 quai Bourbon", Paris vers 1856. | Collection particulière
Modernisme ou modernité : les photographes du cercle de Gustave Le Gray (1850-1860). Petit Palais. Avenue Winston-Churchill - 75008 Paris. Tél. : 01-53-43-40-00 Jusqu'au 6 janvier 2013. Du mardi au dimanche de 10 heures à 18 heures, le jeudi jusqu'à 20 heures. 6 €. Catalogue éd. Actes Sud, 408 p., 69 euros.
Culture
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Une fois encore, c'est le grand quotidien populaire Bild, qui saute dans le plat à pieds joints. «La France est-elle en train de devenir la nouvelle Grèce?», s'interroge le journal. La question provocatrice lancée comme un signal d'alarme est volontairement outrancière. Cependant, elle traduit le malaise réel des élites allemandes et du gouvernement d'Angela Merkel à l'égard de leur grand voisin: la France est devenue un sujet d'inquiétude en Allemagne. S'exprimant lors d'une conférence organisée par l'institut sur l'avenir de l'Europe - fondé par le milliardaire Nicolas Berggruen - l'ancien chancelier social-démocrate, Gerhard Schröder, n'a pas mâché ses mots. Il a taclé ses camarades socialistes français, comparant la France d'aujourd'hui à l'Allemagne de 2003, alors considérée comme «l'homme malade de l'Europe». Schröder l'avait sortie de l'ornière grâce à sa cure de réformes libérales, «l'Agenda 2010».
«Les promesses de campagne du président français finiront par se fracasser sur le mur des réalités économiques, a-t-il prévenu. Si le refinancement de sa dette devient plus difficile ce sera le début des vrais problèmes pour la France». Ainsi, pour Schröder l'avancement de l'âge de la retraite est «simplement le mauvais signal», «pas finançable». La pression fiscale aura pour effet, selon lui, non seulement de provoquer une fuite des capitaux, mais conduira à un effondrement du financement des emplois en France. «Deux ou trois mauvais signaux et nos amis français seront rattrapés par les réalités», lance Schröder à ses camarades à Paris.
Bild enfonce le clou en citant «25 % de chômage des jeunes», «5 % de déficit budgétaire», «zéro croissance», «climat des affaires au plus bas depuis trois ans», sans oublier la «crise lourde de l'industrie automobile»… «La France se finance encore dans de bonnes conditions sur les marchés, mais les chiffres de son économie rappellent les États du Sud en crise.» Et le journal de lancer un appel à Hollande pour «mener enfin des réformes courageuses». Pour Bild, il s'agit d'éviter que la «Grande Nation ne devienne aussi pauvre que les Grecs fauchés».
L'ancien chancelier a lancé de vive voix, les inquiétudes que le gouvernement Merkel n'ose formuler publiquement. À la Chancellerie et dans les grands ministères à Berlin, l'invitation à commenter officiellement la situation en France se heurte systématiquement à un refus teinté d'un rictus angoissé. Mais en privé, quelques langues se délient. «Bild est dans l'exagération, tempère un responsable placé au cœur du pouvoir berlinois. La France ce n'est ni la Grèce, ni l'Espagne, ni l'Italie. Mais ce qui s'y passe est inquiétant. Hollande donne une impression d'Alice au pays des merveilles. Idéologiquement, il s'est isolé de ses voisins, qui mènent des réformes structurelles courageuses. Mais il réalisera tôt ou tard que la France ne peut échapper aux lois de la physique.»
Les économistes allemands les plus écoutés par le gouvernement sont unanimes. Le cocktail de hausses d'impôts et de trop timides coupes dans les dépenses de l'État étouffera la croissance en France et provoquera du chômage. «Ils nous disent tous que seules les réformes structurelles et la discipline budgétaire peuvent impacter positivement la croissance et l'emploi», poursuit le responsable. Les recettes des économistes allemands, pour créer un choc de compétitivité en France: «baisser le coût du travail», «abolir les 35 heures», «augmenter la flexibilité», «mettre fin aux avantages des fonctionnaires trop privilégiés par rapport aux emplois précaires», «réduire le poids de l'État dans l'économie», «lever les barrières à la concurrence», «baisse des impôts», «réforme du système social, notamment les retraites».
Les responsables allemands soulignent les «extraordinaires atouts» de la France. «Grâce à son fort taux de natalité, elle n'a pas besoin de faire autant d'efforts que nous, qui sommes frappés par la dépopulation, explique l'un d'entre eux. Cela lui offre un bonus de croissance de l'ordre de 1 % par rapport à l'Allemagne.» Mais Berlin redoute surtout que la politique de Hollande ne finisse par saper la dynamique des réformes structurelles et de la discipline budgétaire en Europe. «S'il persiste dans ses choix hasardeux, s'inquiète-t-on dans la capitale allemande, Hollande finira par donner raison à ceux qui, en France et en Europe, affirment que ces remèdes cassent la croissance et l'emploi.»
Par Gaëtan De Capèle
31/10/2012 | Mise à jour : 22:24
Je précise que cet article n'est pas de moi (lien vers la page citée et si possible son auteur)mais que je suis auteure et que vous pouvez commander mes livres en cliquant sur les 11 bannières de ce blog
Née au nord du Liban dans le village montagneux de Bécharré, Vénus Khoury-Ghata effectue des études de lettres et débute sa carrière comme journaliste à Beyrouth. En 1959, elle devient Miss Beyrouth. Elle divorce ensuite de son premier mari et épouse en seconde noces un médecin et chercheur français Jean Ghata. En 1972, elle s'installe en France et collabore à la revue 'Europe', dirigée alors par Louis Aragon qu'elle traduit en arabe avec d'autres poètes. Le thème de la mort s'impose souvent dans ses poèmes, sûrement à cause des deux premiers drames de sa vie : la guerre civile et la mort de son époux en 1981. Son oeuvre est riche et abondante : quinze recueils de poèmes ont reçu plusieurs prix et ont été récompensés en 1993 par le Prix de la Société des gens de lettres et quinze romans, dont 'La Maestra' couronnée par le prix Antigona. Insatiable et passionnée, Vénus a su s'imposer très naturellement dans un monde d'homme et devenir l'une des plus célèbres écrivains et poétesses françaises.
Le facteur des Abruzzesde Vénus Khoury-Ghata
Reléguées, dans l'ordre ancien au second rôle de muse, de confidente ou d'intendante, les femmes de plume modernes s'affirment "poète(s) tout simplement". Les héritières de Louise Labé,...
et de me faire dédicacer son recueil, "Où vont les arbres?"
Le Goncourt de la poésie 2011 consacre Vénus Khoury-Ghata pour l’ensemble de son œuvre. L’écrivaine libanaise, installée à Paris depuis 1972, a su construire une œuvre foisonnante touchée par la grâce d’allier la fidélité abrupte aux origines à l’élégance de la pensée.
Par Ritta BADDOURA – Janvier 2012 – L’Orient Littéraire
Le jury de l’Académie Goncourt a décerné le prix Goncourt de la poésie 2011 à Vénus Khoury-Ghata qui succède à Guy Gofette, primé l’an dernier, mais aussi à d’autres poètes de haute volée tels Yves Bonnefoy, Philippe Jaccottet, Andrée Chédid, Lorand Gaspar, Claude Esteban, Alain Bosquet, Abdellatif Laabi, Eugène Guillevic, Jacques Chessex ou Charles Dobzynski pour ne citer que ceux-là. Le Goncourt de la poésie est décerné à chaque début d’année à Paris chez Drouant. Il a été à l’origine créé sous le nom de « Bourse Goncourt-Adrien Bertrand » en 1985 pour récompenser Claude Roy. Écrivain et journaliste français, Adrien Bertrand avait obtenu le prix Goncourt en 1914 pour son roman L’appel du sol. Il avait par la suite légué un capital à l’Académie Goncourt afin de permettre la consécration de poètes pour l’ensemble de leur œuvre contrairement au Goncourt du roman lequel récompense un ouvrage en particulier.
Le Goncourt de la poésie 2011 n’est pas le premier sacre littéraire de Vénus Khoury-Ghata : les distinctions ont jalonné son parcours dès les premières publications avec le grand prix de Poésie de la Société des gens de lettres en 1993, mais aussi le prix Jules Supervielle, le prix Mallarmé, le prix Apollinaire et plus récemment le prix Baie des anges, le grand prix Guillevic de poésie de Saint-Malo et, en 2009, le Grand Prix de poésie de l’Académie française. Officier de la Légion d’honneur, Vénus Khoury-Ghata est une signature féminine incontournable parmi les grands noms de la littérature francophone contemporaine. Anciennement Miss Beyrouth en 1959, son élégance à toute épreuve n’a fait qu’enjoliver le joyau de la poésie qui l’anime. Poète, romancière, traductrice, critique, elle fait partie de plusieurs jurys littéraires, notamment ceux de l’académie Mallarmé et des prix France-Québec, Max-Pol Fouchet, Senghor, ou encore le prix des Cinq continents de la Francophonie.
Forte d’un parcours alliant exigence et créativité, Vénus Khoury-Ghata travaille toujours sans répit et voyage régulièrement en ambassadrice de l’écriture. Sa vie très tôt bouleversée par l’avènement du poème est restée centrée sur ce dernier et innervée par sa sève. Celle qui dit : « J’ai maintenant vécu aussi longtemps en France qu’au Liban, mais je ne suis pas guérie de mon Orient » est née en 1937 à Baabda. Originaire de Bécharré dont les paysages escarpés et durs et les existences invisibles et indicibles habitent ses écrits, Vénus découvre dès l’enfance le pouvoir de la poésie par la médiation de son frère aîné Victor qui lui lit les poèmes qu’il compose en cachette. Le destin de ce frère chéri sera des plus tragiques : suite à de graves brisures précoces et à de cruelles mésaventures, il finira amoindri, dans l’incapacité totale d’écrire, « réduit à l’état de légume », dit la poète, dès l’âge de vingt-deux ans. Écorchée par cette perte, remuée dans les tréfonds de son être, la jeune Vénus s’investit du « devoir de remplacer » son frère et prend appui sur les manuscrits tracés auparavant par la plume fraternelle pour prendre son envol poétique.
Vénus Khoury-Ghata a écrit à ce jour une vingtaine de romans et autant de recueils de poèmes dont le dernier Où vont les arbres ?, paru au Mercure de France en 2011, dénonce les violences de l’homme à l’encontre de la nature. Son prochain roman paraîtra au printemps 2012 toujours au Mercure de France, sous le titre Le facteur des Abruzzes. « J’ai inséré une langue dans l’autre : l’arabe et le français, pourtant aux antipodes l’une de l’autre », dit la poète dans un entretien avec Rodica Draghincescu pour le magazine numérique Zigzag. « J’ai marié ces deux langues étrangères. J’ai offert les tournures, les nuances, les saveurs, l’exaltation de la langue arabe à la langue française, à cette langue devenue dans le temps si cartésienne. Mon rêve, c’est d’écrire le français de droite à gauche, avec l’accent arabe et inversement. » Les ouvrages de Vénus Khoury-Ghata, traduits en diverses langues, ont conquis les lecteurs par leur voix originale qui sait frayer en chaque événement et en chaque souvenir un chemin littéraire inédit et rafraîchir si naturellement l’art de la métaphore. Ses écrits bercés par une violente nostalgie et un humour nappé de douceur, de tendresse et de brumes, sont forts d’une ubiquité particulière : celle de faire coexister par le langage, quelquefois dans un même vers ou une même phrase, des dimensions du monde et de l’humain fondamentalement distinctes – qui vont du culturel au biologique – et dont seule la poésie peut ordonner la commune existence.
BIBLIOGRAPHIE
Source : L’Orient Littéraire
http://phenixblanc.net/2012/01/09/venus-khoury-ghata-grande-dame-de-la-poesie/