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  • Mon texte en prose inédit sur ce blog:Il y a un an en France. Paris 2.

      Souvenirs de l’exposition, Cet immense rêve de l'océan... Paysages de mer et autres sujets marins par Victor Hugo.  

    En arrivant à Paris, j’ai acheté (comme je le faisais quand j’y habitais ou que j’y allais régulièrement) Pariscope pour vérifier les lieux et horaires des expositions que j’avais repérées sur internet du Maroc. Là a continué le casse-tête. Peu de temps et tellement d’envies. Que choisir finalement ?

    J’ai finalement opté pour cette exposition pour plusieurs raisons :

    -Victor Hugo que j’ai fréquenté avec Nerval pendant mon mémoire de maîtrise. Cet homme  engagé n’était pas seulement écrivain et poète mais aussi dessinateur et j’admire ces artistes qui savent dire en mots et en images  le monde et leur univers propre.

    -Le sujet-titre de l’exposition : d’abord, les paysages qui sont pour moi plus qu’un sujet d’étude ; ensuite, la mer que j’aimais avant de la côtoyer de si près ici(je suis à 1km à vol d’oiseau de l’océan) ; enfin, le rêve.

    -la maison Victor Hugo, la place des Vosges, la place de la Bastille et tout ce quartier où j’ai vécu quelques temps.  

    Il faisait très froid, de la neige fondue tombait et je me plongeais avec bonheur dans la chaleur  bienfaisante du musée (presque oppressante au bout d’un moment) et dans l’univers d’Hugo. L’atmosphère confinée et la lumière tamisée ajoutait à  la fantasmagorie des rêves d’Hugo mis en images de l’artiste. Je pensais aux dessins de Dürer (auquel Hugo a dédié un de ses poèmes), à sa « Melancholia » (Hugo a écrit un poème qui porte ce titre, cf. catégorie « Hugo » et « Dürer) mais aussi à Méryon (cf. ma catégorie à ce nom). Avec de dernier, je trouve qu’il y a vraiment des similitudes de style aussi bien dans les dessins en noir et blanc que dans le traitement des thèmes en couleur. Avec ces dessins, on est très loin de l’image poussiéreuse du poète Hugo, romantique, lyrique,  de ces longs poèmes qui ennuient beaucoup certains.

    C’est un Hugo moderne (moderne, il l’était déjà dans ses luttes et ses idées)que j’oserais parfois presque qualifier de surréaliste à cause de l’importance du rêve pour André Breton et les autres.

    medium_le_phare_d_hugo.jpg

    Le Phare d'Eddystone
    Plume, encre brune et lavis sur papier beige, 1866.

     

    Paris, Maison de Victor Hugo, Inv. 181. © PMVP

     

     Complétant sans doute sa documentation sur l'Angleterre du XVIIe siècle, toile de fond de L'Homme qui rit qu'il est en train de rédiger, Victor Hugo découvre dans un ouvrage intitulé Délices de l'Angleterre une planche qui inspirera ce lavis et un passage du roman : "Au dix-septième siècle un phare était une sorte de panache de la terre au bord de la mer. L'architecture d'une tour de phare était magnifique et extravagante. On y prodiguait les balcons, les balustres, les tourelles, les logettes, les gloriettes, les girouettes. Ce n'étaient que mascarons, statues, rinceaux, volutes, rondes-bosses, figures et figurines, cartouches avec inscriptions. Pax in bello, disait le phare d'Eddystone."(Extrait de "L'homme qui rit)

     

    http://expositions.bnf.fr/hugo/grands/288.htm

     

    medium_hogo_proscrits.jpg

     

    Hugo à Jersey sur le rocher dit "des proscrits"

     

    Photographie, vers 1852.

     

     

    BNF, Manuscrits, NAF 13353, fol. 23v.

     

     

    *

    http://expositions.bnf.fr/hugo/grands/422.htm

    C’est face à la mer, promesse d’évasion et de liberté, puissance de renouvellement, énigme fascinante propice à l’épanchement du rêve, que Victor Hugo campe sa posture d’exilé. Dans ce décor mélancolique que n’aurait pas renié Chateaubriand, son esprit, mélangé à l’immensité, finira par trouver "un apaisement sévère et profond".

     

     

    En voyant la photo d’Hugo en exil à Guernesey sur son rocher, je pense en toute modestie à mon poème « L’exil » :    

    Souvent je m’asseyais
    Au bord de l’escarpement
    Et je regardais s’effacer
    Les rayons de ton soleil couchant.

     

    Je pense aussi bien sûr à mon propre exil actuel au bord de l’océan comme lui.

     

     

    Indépendamment de l’exposition, il est toujours émouvant pour quelqu’un qui aime un écrivain d’évoluer dans ce qui fut son lieu de vie (un de ses lieux de vie en ce qui concerne Hugo).

     En sortant de l’exposition, je suis passée par la boutique du musée où j’avais envie de tout acheter mais je me suis contentée de 3 cartes postales dont les 2 reproductions de cette page.  

    Dehors, on était loin des paysages marins mais les éléments étaient aussi hostiles que dans certaines représentations de bateaux secoués par l’orage.   Malgré ce climat peu clément, j’ai pris plaisir à me perdre dans ce quartier où je sais pourtant si bien à me repérer….  

    Le 23 février 2007.    

     

    Pour voir le catalogue de l’exposition : http://www.ifremer.fr/envlit/actualite/pdf/20060204_PRESSE_Cet_immense_reve.pdf

     

     

     

    Pour voir l’exposition de la BNF, « Victor Hugo, l’homme océan » : http://expositions.bnf.fr/hugo/index.htm

     

     

     
  • Michel Polac, ”La vie incertaine”

    medium_polac.gifMes années Gallimard

    par Jérôme Dupuis

     Avant d'entamer sa longue carrière sur les ondes, l'animateur de Droit de réponse avait publié La Vie incertaine, un premier roman très autobiographique. A l'occasion de sa réédition, il se souvient de ses «fifties» et de sa - brève - aventure avec Françoise Sagan.

    Il extirpe délicatement le volume de la bibliothèque du merveilleux appartement parisien où il vient de s'installer. A travers une treille de glycines en fleur, on aperçoit en contrebas le Jardin des Plantes. Sous les fenêtres, donc, les braiments incongrus d'un baudet du Poitou. L'ouvrage exhumé est une rareté: parue en 1956 sous la couverture blanche de Gallimard, cette Vie incertaine était signée par un jeune inconnu de 26 ans, Michel Polac. Sûr de son effet, le maître des lieux en extrait une feuille soigneusement pliée. «Grâce à ma cousine, Florence Malraux, j'ai pu obtenir les notes ultrasecrètes du comité de lecture de Gallimard à propos de mon roman.» L'une d'elles, signée d'un certain Albert Camus, prévenait: «L'auteur est à suivre de près: il est intelligent, direct et parfois émouvant.» Son autre parrain dans la maison s'appelle Jean Paulhan. «J'ai eu la grosse tête et j'étais persuadé d'avoir le Goncourt. Quel naïf j'étais! J'en ai vendu 700 exemplaires...»

    Un demi-siècle plus tard, alors que l'on réédite cette Vie incertaine, on retrouve Michel Polac, 77 ans, tel qu'en lui-même. Ne manquent que la pipe et la moustache - «Je l'ai coupée, on me confondait avec Bellemare...» Mais le foulard, les lunettes en demi-lune et, surtout, la voix doucereuse, la célèbre voix de Droit de réponse, sont toujours là. Cette réédition l'amuse. En effet, cette Vie incertaine est un peu plus qu'une curiosité: un petit roman fifties légèrement démodé, mais non dénué de charme. «Je l'ai écrit dans une cabane perdue, en Norvège, au-dessus d'un fjord enneigé, alors que je montais vers le cap Nord en 2 CV.»

    Comme tout premier roman, celui-ci est très largement autobiographique. Première clef: «Un jour où ma mère était absente, j'ai retrouvé une liasse de lettres d'amour signées d'un certain Bob. Elles coïncidaient avec la période où j'avais été conçu. Pourtant, mon père, un ancien Croix-de-Feu qui avait eu la bêtise de se déclarer comme juif et a disparu en fumée à Auschwitz, était une icône pour moi. Mais, en relisant les lettres de plus près, je me suis aperçu qu'elles étaient écrites par une... femme! C'était une entraîneuse de boîte lesbienne avec laquelle ma mère a eu une brève aventure.» Episode suffisamment troublant pour nourrir la quête des origines qui traverse La Vie incertaine.

    L'autre versant du roman épouse la vie vagabonde du jeune Polac, qui, à 18 ans, a pris la route, encore sous le choc de Travaux, un récit de Georges Navel, anar engagé aux côtés des républicains espagnols. Il exerce mille métiers: ouvrier dans une usine de serrures frigorifiques à Saint-Ouen, agent d'assurances au porte-à-porte, mousse sur un bateau de pêche à Cassis... Et puis, alors qu'il fait les vendanges à Béziers, un ami lui téléphone: «Rentre vite à Paris! Ton projet d'émission de radio a été accepté!»

    C'est le début - à 22 ans! - d'une deuxième vie, plus parisienne et littéraire. «J'ai commencé par monter En attendant Godot sur les ondes. A l'époque, Beckett était inconnu. Il m'a pris sous son aile et a toujours été extrêmement chaleureux avec moi.» Suit Le Masque et la plume, qu'il crée en 1955, et puis, donc, cette Vie incertaine. Mais son deuxième roman est sèchement refusé par une lettre type signée Gaston Gallimard. Un choc dont il ne se remettra jamais vraiment.

    Alors, ce grand séducteur se console dans les bras des femmes. Il y a prescription, on peut donc évoquer son aventure avec... Françoise Sagan! Le misanthrope bougon et le feu follet. «C'était en plein succès de Bonjour tristesse. On allait à Saint-Tropez. Je me souviens encore du déjeuner où Otto Preminger a signé le contrat pour l'adaptation du roman. Le problème, c'est qu'à l'heure où elle sortait en boîte j'allais me coucher et que, lorsqu'elle rentrait au petit matin, je partais me baigner. Cela ne pouvait pas durer...» Ainsi prit fin la - très - brève période jet-set de Michel Polac.

    Cet inlassable lecteur de Dostoïevski (son vieil exemplaire rafistolé des Frères Karamazov est toujours là, dans sa bibliothèque) lance alors des émissions de télévision - Bibliothèque de poche, Post-scriptum... - où il interviewe son idole, Witold Gombrowicz, à Vence, quelques mois avant sa mort, mais aussi Jean Renoir ou François Mitterrand. «le futur président parlait de Barrès, Chardonne, Cocteau, bref de ses goûts d'honnête notaire de province, mais de façon très guindée. Son secrétariat m'a appelé pour que nous fassions une seconde prise. Nous l'avons faite. Il était toujours aussi raide.»

    Polac aime se brouiller avec ceux qu'il a lancés
    Mais le critique littéraire Polac - aujourd'hui à Charlie Hebdo - n'aime rien tant que faire découvrir d'illustres inconnus aux Français. «J'ai défendu Cioran dès 1960. Il m'invitait chez lui à boire le thé, manger des petits gâteaux, et voulait tout savoir sur les coulisses de la télé. D'ailleurs, lorsque Droit de réponse a été déprogrammé, il a signé une pétition en ma faveur, ce qui m'a beaucoup touché.»

    Parmi les auteurs qu'il a largement contribué à lancer, citons John Fante, Luis Sepulveda, Marc-Edouard Nabe ou Michel Houellebecq. «Après mon compte rendu élogieux d'Extension du domaine de la lutte, nous nous sommes pas mal vus avec Houellebecq. Il est passé avec son épouse me saluer dans ma bergerie des Cévennes. Un soir, il m'a même entraîné dans une boîte échangiste de Cap-d'Agde. Je suis resté entièrement habillé et il me l'a reproché...»

    Car, par-dessus tout, fidèle à sa réputation, Polac aime se brouiller avec ceux qu'il a lancés: Nabe, Houellebecq et même Kundera, après un retentissant article, Kundera, go home!, où il conseillait au romancier d'origine tchèque d'écrire dans sa langue natale plutôt que directement en français! Il excelle - ou exaspère - encore aujourd'hui dans ce rôle de tonton flingueur, au côté de Laurent Ruquier, aux heures tardives du samedi soir sur France 2. Tapie et Doc Gynéco ont même quitté le plateau sous les assauts de cet atrabilaire. Il en sourit: «Oh, vous savez, moi, tant qu'on me laisse parler de littérature et réciter des poèmes coréens, même entre deux starlettes...»

    La Vie incertaine
    Michel Polac
    éd. Neige, Ginkgo

    258 pages
    15 €
    98,39 FF


    http://livres.lexpress.fr/portrait.asp/idC=12746/idR=5/idG=8

  • Avec la bande à Le Gray, primitifs de la modernité(1ere photo perso de vendredi sor à Paris)

    CDI paris bouquet nov 2012 074.jpg

    LE MONDE |18.10.2012 à 15h39

    Par Claire Guillot

    Henri Le Secq : "Paris, neige au Champ-de-Mars", vers 1853.Henri Le Secq : "Paris, neige au Champ-de-Mars", vers 1853. | Les Art decoratifs/Paris

    Mais à quoi donc pensait Gustave Le Gray lorsqu'il a photographié, vers 1851, un vulgaire râteau tombé au fond d'un jardin, devant un mur au crépi douteux ?

    Difficile de trouver un sujet plus banal ou un décor moins palpitant. L'auteur est pourtant celui qui a signé les célèbres "Marines", ces icônes qui battent régulièrement les records dans les salles de vente. Et le photographe phare du XIXe siècle tenait visiblement à cette image, épreuve unique qu'il a tirée avec soin. Si l'on en croit l'exposition "Modernisme ou modernité, les photographes du cercle Gustave le Gray" présentée au Petit Palais, c'est justement ce refus du grandiose et du pittoresque qui fait de Gustave le Gray, et de tous ceux qu'il a formés, des précurseurs de la modernité.

    Il faut quelque culot pour oser rapprocher les oeuvres des "primitifs" de la photographie et celles du contemporain Jean-Marc Bustamante. C'est ce que font pourtant les commissaires Anne de Mondenard et Marc Pagneux dans les essais du riche catalogue publié chez Actes Sud.

    Au Petit Palais, la démonstration est menée tambour battant, en 157 tirages rares ou inédits, et fait mouche. Peu s'étaient intéressés jusqu'ici à l'atelier de Gustave Le Gray. Les commissaires ont été capables d'identifier une "bande de joyeux drilles", c'est-à-dire une cinquantaine de photographes qui ont suivi, plus ou moins longtemps, les leçons du maître dans sa grande maison de la barrière de Clichy. Certains sont connus, comme Charles Nègre, Henri Le Secq, d'autres beaucoup moins.

    Artiste visionnaire et chimiste de génie, Gustave Le Gray va enseigner les dernières techniques à ses élèves, mais aussi jeter les bases d'un courant esthétique. "Dans les années 1850 à 1860, ces gens ont inventé un nouveau langage visuel, qui annonce la Nouvelle Vision des années 1920", résume Marc Pagneux.

    L'affirmation est assez radicale. Jusqu'ici, on pensait que le premier mouvement artistique, en photographie, était le pictorialisme : à la fin du XIXe siècle, certains, comme Robert Demachy, avaient cru pouvoir élever la photographie en imitant la peinture. Mais c'est exactement le contraire que font les élèves de Le Gray : le choix de sujets triviaux, l'intérêt pour les lignes géométriques, l'importance du vide, le jeu sur les différents plans et le brouillage de l'échelle les éloignent au contraire des références picturales antérieures.

    LE FRÈRE DE NADAR RÉHABILITÉ

    La preuve est ici en images. Quand Auguste Salzmann photographie l'enceinte du temple de Jérusalem, au lieu de centrer sur son sujet, il crée une image minimaliste en plaçant la pelouse dans l'avant-plan, coupant sa composition dans le sens de la longueur. Quand Firmin-Eugène Le Dien photographie l'aqueduc de Salerne en 1853, il empile trois plans dans le même cadre, au point que le regard s'y perd. Olympe Aguado, lui, n'hésite pas à photographier ses sujets de dos, délaissant son motif principal pour se concentrer sur les matières des vêtements.

    Autant de "leçons" de modernité qu'ils ont apprises du maître : ce dernier ouvre l'exposition avec huit icônes remarquables, où il n'hésite pas à frôler l'abstraction ou à photographier une scène de bataille où on ne voit rien.

    Le parcours, organisé par thèmes - le sujet, le tirage, le photographique -, sans souci chronologique, force d'abord à regarder ces oeuvres pour leur composition, ce qui est stimulant pour des oeuvres historiques. Mais l'ensemble est aussi un plaisir pour les yeux : les tirages sont splendides, car le perfectionniste Le Gray avait une réputation de "gâcheur" de matériel et a transmis à ses élèves son goût pour les tirages de grand format, aux détails soignés. Seule la partie qui veut faire des photographes des précurseurs du travail en série s'avère moins convaincante - peut-être faute de montrer assez d'exemples.

    La fin de l'exposition consacre quelques belles salles à plusieurs auteurs du cercle de Le Gray que les dernières recherches ont mis en lumière. Ainsi Alphonse Delaunay, récemment découvert lors d'une vente aux enchères. Ou John Beasley Greene, mort à vingt-quatre ans, qui semble plus intéressé par les ombres que par les monuments qu'il photographie. Henri Le Secq signe des paysages dépouillés absolument saisissants.

    Mais la plus grande surprise vient d'Adrien Tournachon : la postérité a fait du frère de Nadar, le célèbre portraitiste, un photographe commercial et un rejeton maudit. Les deux commissaires, preuves à l'appui, lui réattribuent ici nombre d'icônes. Les expériences de Duchenne de Boulogne, et même le célèbre portrait de Nerval pris juste avant sa mort, seraient de lui. "Nous avons retrouvé les traces d'un procès dans lequel Adrien attaque un journal qui l'a publié sans lui verser des droits", explique Marc Pagneux. Il était temps de rendre à Tournachon ce qui était à Nadar.

    La présentation de l'exposition sur le site Web du Petit Palais : www.petitpalais.paris.fr

    Charles Nègre "Le sculpteur Auguste Préault devant le 21 quai Bourbon", Paris vers 1856. Charles Nègre "Le sculpteur Auguste Préault devant le 21 quai Bourbon", Paris vers 1856. | Collection particulière


    Modernisme ou modernité : les photographes du cercle de Gustave Le Gray (1850-1860). Petit Palais. Avenue Winston-Churchill - 75008 Paris. Tél. : 01-53-43-40-00 Jusqu'au 6 janvier 2013. Du mardi au dimanche de 10 heures à 18 heures, le jeudi jusqu'à 20 heures. 6 €. Catalogue éd. Actes Sud, 408 p., 69 euros.

    Culture

    Édition abonnés Contenu exclusif

    http://www.lemonde.fr/culture/article/2012/10/18/avec-la-bande-a-le-gray-primitifs-de-la-modernite_1777537_3246.html

  • L'Allemagne s'inquiète pour l'économie de la France

    Par Patrick Saint-Paul, Service infographie du Figaro Mis à jour le 01/11/2012 à 10:08 | publié le 31/10/2012 à 19:46
    La chancelière Angela Merkel et François Hollande, en octobre dernier, à Bruxelles.
    La chancelière Angela Merkel et François Hollande, en octobre dernier, à Bruxelles.
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      INFOGRAPHIE. Officiellement, les relations sont au mieux. Mais en coulisses, conseillers et anciens dirigeants critiquent les décisions économiques de Paris.

    Une fois encore, c'est le grand quotidien populaire Bild, qui saute dans le plat à pieds joints. «La France est-elle en train de devenir la nouvelle Grèce?», s'interroge le journal. La question provocatrice lancée comme un signal d'alarme est volontairement outrancière. Cependant, elle traduit le malaise réel des élites allemandes et du gouvernement d'Angela Merkel à l'égard de leur grand voisin: la France est devenue un sujet d'inquiétude en Allemagne. S'exprimant lors d'une conférence organisée par l'institut sur l'avenir de l'Europe - fondé par le milliardaire Nicolas Berggruen - l'ancien chancelier social-démocrate, Gerhard Schröder, n'a pas mâché ses mots. Il a taclé ses camarades socialistes français, comparant la France d'aujourd'hui à l'Allemagne de 2003, alors considérée comme «l'homme malade de l'Europe». Schröder l'avait sortie de l'ornière grâce à sa cure de réformes libérales, «l'Agenda 2010».

    «Les promesses de campagne du président français finiront par se fracasser sur le mur des réalités économiques, a-t-il prévenu. Si le refinancement de sa dette devient plus difficile ce sera le début des vrais problèmes pour la France». Ainsi, pour Schröder l'avancement de l'âge de la retraite est «simplement le mauvais signal», «pas finançable». La pression fiscale aura pour effet, selon lui, non seulement de provoquer une fuite des capitaux, mais conduira à un effondrement du financement des emplois en France. «Deux ou trois mauvais signaux et nos amis français seront rattrapés par les réalités», lance Schröder à ses camarades à Paris.

    Bild enfonce le clou en citant «25 % de chômage des jeunes», «5 % de déficit budgétaire», «zéro croissance», «climat des affaires au plus bas depuis trois ans», sans oublier la «crise lourde de l'industrie automobile»… «La France se finance encore dans de bonnes conditions sur les marchés, mais les chiffres de son économie rappellent les États du Sud en crise.» Et le journal de lancer un appel à Hollande pour «mener enfin des réformes courageuses». Pour Bild, il s'agit d'éviter que la «Grande Nation ne devienne aussi pauvre que les Grecs fauchés».

    «Alice au pays des merveilles»

    L'ancien chancelier a lancé de vive voix, les inquiétudes que le gouvernement Merkel n'ose formuler publiquement. À la Chancellerie et dans les grands ministères à Berlin, l'invitation à commenter officiellement la situation en France se heurte systématiquement à un refus teinté d'un rictus angoissé. Mais en privé, quelques langues se délient. «Bild est dans l'exagération, tempère un responsable placé au cœur du pouvoir berlinois. La France ce n'est ni la Grèce, ni l'Espagne, ni l'Italie. Mais ce qui s'y passe est inquiétant. Hollande donne une impression d'Alice au pays des merveilles. Idéologiquement, il s'est isolé de ses voisins, qui mènent des réformes structurelles courageuses. Mais il réalisera tôt ou tard que la France ne peut échapper aux lois de la physique.»

    Les économistes allemands les plus écoutés par le gouvernement sont unanimes. Le cocktail de hausses d'impôts et de trop timides coupes dans les dépenses de l'État étouffera la croissance en France et provoquera du chômage. «Ils nous disent tous que seules les réformes structurelles et la discipline budgétaire peuvent impacter positivement la croissance et l'emploi», poursuit le responsable. Les recettes des économistes allemands, pour créer un choc de compétitivité en France: «baisser le coût du travail», «abolir les 35 heures», «augmenter la flexibilité», «mettre fin aux avantages des fonctionnaires trop privilégiés par rapport aux emplois précaires», «réduire le poids de l'État dans l'économie», «lever les barrières à la concurrence», «baisse des impôts», «réforme du système social, notamment les retraites».

    Les responsables allemands soulignent les «extraordinaires atouts» de la France. «Grâce à son fort taux de natalité, elle n'a pas besoin de faire autant d'efforts que nous, qui sommes frappés par la dépopulation, explique l'un d'entre eux. Cela lui offre un bonus de croissance de l'ordre de 1 % par rapport à l'Allemagne.» Mais Berlin redoute surtout que la politique de Hollande ne finisse par saper la dynamique des réformes structurelles et de la discipline budgétaire en Europe. «S'il persiste dans ses choix hasardeux, s'inquiète-t-on dans la capitale allemande, Hollande finira par donner raison à ceux qui, en France et en Europe, affirment que ces remèdes cassent la croissance et l'emploi.»

     

     

    La leçon du docteur Schröder

    Par Gaëtan De Capèle
    31/10/2012 | Mise à jour : 22:24

    L'éditorial de Gaëtan de Capèle.

     

    Vu de l'étranger, où tout le monde sans exception se serre la ceinture, la France fait l'objet d'une insondable curiosité. Voilà un pays en fort mauvais état: ses finances publiques sont exsangues, sa compétitivité fond comme neige au soleil, son...
     
     

    Je précise que cet article n'est pas de moi (lien vers la page citée et si possible son auteur)mais que je suis auteure et que vous pouvez commander mes livres en cliquant sur les 11 bannières de ce blog

  • Vénus Khoury-Ghata

    Vénus Khoury-Ghata

    Poétesse et romancière française d'origine libanaise

     
    • Genre : Littérature française
    Maintenant que je suis un écrivain, je mène une vie austère et mon nom ne me va plus

    Biographie Vénus Khoury-Ghata

    Née au nord du Liban dans le village montagneux de Bécharré, Vénus Khoury-Ghata effectue des études de lettres et débute sa carrière comme journaliste à Beyrouth. En 1959, elle devient Miss Beyrouth. Elle divorce ensuite de son premier mari et épouse en seconde noces un médecin et chercheur français Jean Ghata. En 1972, elle s'installe en France et collabore à la revue 'Europe', dirigée alors par Louis Aragon qu'elle traduit en arabe avec d'autres poètes. Le thème de la mort s'impose souvent dans ses poèmes, sûrement à cause des deux premiers drames de sa vie : la guerre civile et la mort de son époux en 1981. Son oeuvre est riche et abondante : quinze recueils de poèmes ont reçu plusieurs prix et ont été récompensés en 1993 par le Prix de la Société des gens de lettres et quinze romans, dont 'La Maestra' couronnée par le prix Antigona. Insatiable et passionnée, Vénus a su s'imposer très naturellement dans un monde d'homme et devenir l'une des plus célèbres écrivains et poétesses françaises.

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    Une maison au  bord des larmes

    Roman Français

    Une maison au bord des larmes

    de Vénus Khoury-Ghata

    Editeur : Babel | Parution : 10 Mars 2005

    Beyrouth, années 50, une famille libanaise sous la férule d'un père violent, subit silencieusement...

     
     
    • Les Visages inachevés, 1966
    • Les Inadaptés, roman, Le Rocher, 1971
    • Au Sud du silence, poèmes, Saint Germain des Prés, 1975
    • Terres stagnantes, poèmes, Seghers
    • Dialogue à propos d’un Christ ou d’un acrobate, roman, Les Éditeurs Français Réunis, 1975
    • Alma, cousue main ou Le Voyage immobile, R. Deforges, 1977
    • Les Ombres et leurs cris, poèmes, Belfond, 1979
    • Qui parle au nom du jasmin ?, Les Éditeurs Français Réunis, 1980
    • Le Fils empaillé, Belfond, 1980
    • Un faux pas du soleil, poèmes, Belfond, 1982
    • Vacarme pour une lune morte, roman, Flammarion, 1983
    • Les morts n’ont pas d’ombre, roman, Flammarion, 1984
    • Mortemaison, roman, Flammarion, 1986
    • Monologue du Mort, poèmes, Belfond, 1986
    • Leçon d’arithmétique au grillon, poèmes pour enfants, Milan, 1987
    • Bayarmine, roman, Flammarion, 1988
    • Les Fugues d’Olympia, roman, Régine Deforges/Ramsay, 1989
    • Fables pour un peuple d’argile, suivi de Un lieu sous la voûte et de Sommeil blanc, poèmes, Belfond, 1992
    • La Maîtresse du notable, roman, Seghers, 1992
    • Les Fiancés du Cap-Ténès, roman, Lattès, Lattès 1995
    • Qui parle au nom du jasmin ?, Éditions des Moires, 1995
    • Anthologie personnelle, Poèmes, Actes Sud, 1997, rééd. 2009
    • La Maestra, roman, Actes Sud, 1996, collection Babel, 2001
    • Une maison au bord des larmes, roman, Balland, 1998, Babel 2005
    • Privilège des morts, roman, Balland, 2001
    • Elle dit, suivi de Les sept brins de chèvrefeuille de la sagesse, poèmes, Balland, 1999
    • La Voix des arbres, poèmes pour enfants, Cherche-Midi, 1999
    • Compassion des pierres, poèmes, La Différence, 2001
    • Zarifé la folle, nouvelles, François Jannaud, 2001
    • Alphabets de sable, poèmes, illustrés par Matta, tirage limité, Maeght, 2000
    • Le Fleuve, suivi de Du seul fait d’exister, avec Paul Chanel Malenfant, Trait d’Union, 2000.
    • Ils, poèmes, illustrés par Matta, tirage limité, Amis du musée d’art moderne, 1993
    • Version des oiseaux, poèmes, illustrés par Velikovic, François Jannaud, 2000
    • Le Moine, l’ottoman et la femme du grand argentier, roman, Actes Sud, 2003
    • Quelle est la nuit parmi les nuits, Mercure de France, 2004
    • Six poèmes nomades, avec Diane de Bournazel, Al Manar, 2005
    • La Maison aux orties, Actes Sud, 2006
    • Stèle pour l'absent, Al Manar, 2006
    • Sept pierres pour la femme adultère, roman, Mercure de France, 2007
    • Les Obscurcis, poèmes, Mercure de France, 2008
    • À quoi sert la neige ?, poèmes pour enfants, Le Cherche Midi, 2009
    • La Revenante, roman, L'Archipel, 2009
    • Où vont les arbres ?, poèmes, Mercure de France, 2011

    Distinctions et prix[modifier]

    Distinctions honorifiques[modifier]

    Prix littéraires[modifier]

  • J'ai pris plaisir à renconter la Nobel de poésie 2011,Vénus KHOURY-GHATA

    et de me faire dédicacer son recueil, "Où vont les arbres?"

    © Anne Selders

    « J’ai maintenant vécu aussi longtemps en France qu’au Liban, mais je ne suis pas guérie de mon Orient »

    Le Goncourt de la poésie 2011 consacre Vénus Khoury-Ghata pour l’ensemble de son œuvre. L’écrivaine libanaise, installée à Paris depuis 1972, a su construire une œuvre foisonnante touchée par la grâce d’allier la fidélité abrupte aux origines à l’élégance de la pensée.

    Par Ritta BADDOURA – Janvier 2012 – L’Orient Littéraire

    Le jury de l’Académie Goncourt a décerné le prix Goncourt de la poésie 2011 à Vénus Khoury-Ghata qui succède à Guy Gofette, primé l’an dernier, mais aussi à d’autres poètes de haute volée tels Yves Bonnefoy, Philippe Jaccottet, Andrée Chédid, Lorand Gaspar, Claude Esteban, Alain Bosquet, Abdellatif Laabi, Eugène Guillevic, Jacques Chessex ou Charles Dobzynski pour ne citer que ceux-là. Le Goncourt de la poésie est décerné à chaque début d’année à Paris chez Drouant. Il a été à l’origine créé sous le nom de « Bourse Goncourt-Adrien Bertrand » en 1985 pour récompenser Claude Roy. Écrivain et journaliste français, Adrien Bertrand avait obtenu le prix Goncourt en 1914 pour son roman L’appel du sol. Il avait par la suite légué un capital à l’Académie Goncourt afin de permettre la consécration de poètes pour l’ensemble de leur œuvre contrairement au Goncourt du roman lequel récompense un ouvrage en particulier. 

    Le Goncourt de la poésie 2011 n’est pas le premier sacre littéraire de Vénus Khoury-Ghata : les distinctions ont jalonné son parcours dès les premières publications avec le grand prix de Poésie de la Société des gens de lettres en 1993, mais aussi le prix Jules Supervielle, le prix Mallarmé, le prix Apollinaire et plus récemment le prix Baie des anges, le grand prix Guillevic de poésie de Saint-Malo et, en 2009, le Grand Prix de poésie de l’Académie française. Officier de la Légion d’honneur, Vénus Khoury-Ghata est une signature féminine incontournable parmi les grands noms de la littérature francophone contemporaine. Anciennement Miss Beyrouth en 1959, son élégance à toute épreuve n’a fait qu’enjoliver le joyau de la poésie qui l’anime. Poète, romancière, traductrice, critique, elle fait partie de plusieurs jurys littéraires, notamment ceux de l’académie Mallarmé et des prix France-Québec, Max-Pol Fouchet, Senghor, ou encore le prix des Cinq continents de la Francophonie.

    Forte d’un parcours alliant exigence et créativité, Vénus Khoury-Ghata travaille toujours sans répit et voyage régulièrement en ambassadrice de l’écriture. Sa vie très tôt bouleversée par l’avènement du poème est restée centrée sur ce dernier et innervée par sa sève. Celle qui dit : « J’ai maintenant vécu aussi longtemps en France qu’au Liban, mais je ne suis pas guérie de mon Orient » est née en 1937 à Baabda. Originaire de Bécharré dont les paysages escarpés et durs et les existences invisibles et indicibles habitent ses écrits, Vénus découvre dès l’enfance le pouvoir de la poésie par la médiation de son frère aîné Victor qui lui lit les poèmes qu’il compose en cachette. Le destin de ce frère chéri sera des plus tragiques : suite à de graves brisures précoces et à de cruelles mésaventures, il finira amoindri, dans l’incapacité totale d’écrire, « réduit à l’état de légume », dit la poète, dès l’âge de vingt-deux ans. Écorchée par cette perte, remuée dans les tréfonds de son être, la jeune Vénus s’investit du « devoir de remplacer » son frère et prend appui sur les manuscrits tracés auparavant par la plume fraternelle pour prendre son envol poétique.

    Vénus Khoury-Ghata a écrit à ce jour une vingtaine de romans et autant de recueils de poèmes dont le dernier Où vont les arbres ?, paru au Mercure de France en 2011, dénonce les violences de l’homme à l’encontre de la nature. Son prochain roman paraîtra au printemps 2012 toujours au Mercure de France, sous le titre Le facteur des Abruzzes. « J’ai inséré une langue dans l’autre : l’arabe et le français, pourtant aux antipodes l’une de l’autre », dit la poète dans un entretien avec Rodica Draghincescu pour le magazine numérique Zigzag. « J’ai marié ces deux langues étrangères. J’ai offert les tournures, les nuances, les saveurs, l’exaltation de la langue arabe à la langue française, à cette langue devenue dans le temps si cartésienne. Mon rêve, c’est d’écrire le français de droite à gauche, avec l’accent arabe et inversement. » Les ouvrages de Vénus Khoury-Ghata, traduits en diverses langues, ont conquis les lecteurs par leur voix originale qui sait frayer en chaque événement et en chaque souvenir un chemin littéraire inédit et rafraîchir si naturellement l’art de la métaphore. Ses écrits bercés par une violente nostalgie et un humour nappé de douceur, de tendresse et de brumes, sont forts d’une ubiquité particulière : celle de faire coexister par le langage, quelquefois dans un même vers ou une même phrase, des dimensions du monde et de l’humain fondamentalement distinctes – qui vont du culturel au biologique – et dont seule la poésie peut ordonner la commune existence.

    BIBLIOGRAPHIE

    Source : L’Orient Littéraire

    http://phenixblanc.net/2012/01/09/venus-khoury-ghata-grande-dame-de-la-poesie/

  • L'art de l'ambivalence

    LEONARD TSUGUHARU FOUJITA

    g2654_home.jpgEmilie Trochu pour

    Evene.fr - Avril 2010

    Un an après la mort de sa veuve, le 2 avril 2009, le musée des Beaux-Arts de Reims consacre une importante exposition au peintre Léonard Foujita, jusqu'au 28 juin 2010. L'occasion de se familiariser avec cet artiste surprenant et inclassable qui a choisi pour dernière demeure la capitale du champagne. Autour de ses oeuvres ou dans les fresques de l'étonnante chapelle qu'il a conçue et dans laquelle il repose, flotte encore un parfum de mystère. Portrait d'un artiste qui cultive l'ambivalence. Sur la simple dalle de marbre gris qu'abrite la chapelle Notre-Dame-de-la-Paix de Reims, on déchiffre en lettres dorées un patronyme aux étranges sonorités : Léonard Foujita. A l'image de celui qui l'a porté, ce nom évoque des origines contrastées, mi-japonaises mi-européennes. Autrefois dénommé Tsuguharu Fujita, le peintre francise son patronyme à son arrivée à Paris en 1913. Bien des années plus tard, presque au terme d'une carrière mouvementée mais couronnée de succès, il se convertit au catholicisme et choisit comme nom de baptême celui de l'un des plus grands artistes de la Renaissance, qu'il a beaucoup admiré. Au-delà du choix religieux, ce changement d'identité rappelle le sentiment de dualité qui transparaît aussi bien dans sa biographie que dans son oeuvre. Aussi mondain qu'acharné de travail, en équilibre entre deux cultures et plusieurs esthétiques, tantôt omniprésent, tantôt absent, plusieurs fois marié d'un côté ou de l'autre du Pacifique… difficile de cerner ce personnage à l'allure aussi atypique qu'insaisissable.

    Fou Fou chez les Montparnos

    Zoom

    Petite silhouette fine, coupe "à la chien" (le bol de l'époque), lunettes rondes et noires, moustache et boucle d'oreille. Un look qui détonne pour le quotidien de l'époque mais qui ne saurait occulter le plus fascinant pour les Parisiens : son pays natal, le Japon. Dans le Paris artistique des années 1920, les étrangers sont nombreux à flâner autour de Montmartre ou de Montparnasse. C'est d'ailleurs le cosmopolitisme de cette scène qui lui donne son nom : l'Ecole de Paris. Un terme générique pour englober toutes sortes de pratiques liées par l'optique commune de bousculer l'académisme ambiant. Foujita est un artiste accompli lorsqu'il s'installe dans la capitale mais il vient chercher à sa source la modernité de l'époque, chez Chagall, Pascin, Soutine, Modigliani, Van Dongen… De fortes personnalités qui organisent les fêtes les plus folles à un rythme effréné, en compagnie de belles femmes impertinentes comme Kiki de Montparnasse, Mistinguett ou Suzy Solidor. Modigliani, notamment, l'inspire beaucoup, comme en témoignent ses portraits à fond d'or. Si tous ces artistes l'influencent, son vrai coup de coeur va aux paysages urbains du Douanier Rousseau, dont il voit une toile dans l'atelier de Picasso.


    Un vrai m'as-tu vu

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    Foujita est alors un jeune artiste plein d'ambitions et pas des moindres : il veut être le premier peintre de Paris. S'il passe des heures à arpenter le Louvre, recopiant encore et encore les détails des virtuoses de la Renaissance italienne, il est aussi très conscient de l'importance de son image. Le vedettariat se développe alors au rythme des actualités cinématographiques et de la presse écrite. Les journalistes se déplacent en masse pour couvrir tel ou tel événement dont on sait qu'il attirera des célébrités, qui elles-mêmes n'hésitent pas à multiplier les frasques pour faire parler d'elles. Si certains se livrent volontiers aux duels et toutes sortes de scandales, d'autres comme Foujita, se font plus discrets mais omniprésents. Fêtes déguisées, vernissages, balades à Deauville ou au bois de Boulogne, il est partout où il sait qu'il "faut être". Son mariage avec l'artiste française Fernande Barrey concrétise sa reconnaissance sociale. A la fin de la décennie, celui qu'on surnomme désormais "Fou Fou", est plus connu pour son excentricité que pour sa peinture.


    Forcené fortuné

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    Pourtant, Foujita est très loin d'être un débauché. Si on le voit à toutes les fêtes, il ne boit pas d'alcool et s'éclipse toujours tôt. "Il considère les bacchanales de ses amis comme des histoires de Blancs" (1) et passe le plus clair de son temps dans son atelier. Son travail reste cependant difficile à cerner, entre une grande sophistication du corps, qui évoque la sculpture classique et un trait stylisé tout à fait japonisant. C'est justement ce mélange entre les deux cultures qui fera son succès. La consécration a lieu au Salon d'Automne en 1924, avec le portrait de sa nouvelle muse Lucie Badoud, 'Youki, déesse de la neige'. C'est le début de son ascension et de sa réussite matérielle. Il s'installe dans un hôtel particulier de trois étages, au square Montsouris, et a pour voisins Braque ou Derain,, roule en Delage capitonnée de daim gris et invite le Tout-Paris à boire nonchalamment du champagne en découvrant de nouveaux artistes comme Calder. Son style s'affirme alors dans de grandes fresques aux perspectives inspirées de Michel-Ange, qu'il a vu récemment en Italie, des fonds satinés parsemés de corps de plus en plus travaillés.   Lire la suite de L'art de l'ambivalence »

    (1) Jeanine Warnod, 'L'Ecole de Paris', p.102, Arcadia Editions, 2004

    Page 1/2
       [1] 2    Lire la suite de L'art de l'ambivalence »
  • Bernard Clavel est mort

    Bernard Clavel, mort d'un grand romancier populaire



    L’écrivain, qui vient de disparaître à 87 ans, était l’auteur de plus d’une centaine de livres et avait su capter l’héritage des grands conteurs réalistes
    Avec Bernard Clavel disparaît un des derniers grands écrivains populaires et un des derniers vrais écrivains du terroir. Il était né le 29 mai 1923 à Lons-le-Saunier d’un père boulanger et d’une mère fleuriste, dans un milieu où la vie n’était pas facile, où l’on ne pouvait acheter beaucoup de livres mais où la culture était respectée, où les récits oraux tenaient une grande place.

    Son enfance fut bercée par les récits de son oncle Charles dont il a fait revivre le visage dans Le Soleil des morts. De cet homme, né pauvre lui aussi, engagé dans les bataillons de l’armée d’Afrique au début du XXe siècle et qui vécut la Grande Guerre, puis les combats de la Résistance, il déclarait : « Il a contribué à fixer la couleur de mon âme. » Son adolescence fut marquée par l’expérience traumatisante de l’apprentissage, traditionnel à l’époque pour qui ne pouvait – ou ne voulait plus, comme lui – continuer l’école.

    Et à l’école le jeune Bernard s’ennuya beaucoup, préférant la rêverie, la lecture, la fuite dans l’imaginaire. Son père ne voulant pas qu’il réalise son rêve – devenir peintre –, il se retrouva à 14 ans apprenti pâtissier à Dole où il subit les brimades d’un patron injuste et féroce, dont il devait se souvenir lorsqu’il écrivit La Maison des autres. Il lui devait sans doute une part de son existence pleine de révoltes, de voyages, de fidélités aussi, à ses maîtres : Hugo, Giono, Jean Guéhenno, Simenon ou Romain Rolland, dont il adopta très vite le pacifisme.

    Prix Goncourt en 1968 pour Les Fruits de l’hiver

    Pour gagner sa vie, il enchaîna les petits métiers, fut lutteur de foire, bûcheron, ouvrier dans une chocolaterie, dans une fabrique de verre de lunettes, vigneron, employé à la Sécurité cociale, relieur… Tous ces métiers, comme pour Gorki qu’il admira toujours, furent pour lui « ses universités ». Sous l’Occupation, il rejoignit le maquis du Jura, présent dans plusieurs de ses livres. La découverte dans le grenier familial des ouvrages de Victor Hugo avait été pour lui une révélation. Il essaya quelque temps de vivre de sa peinture, puis il y renonça, et dans un premier temps, accumula les textes qu’il détruisait, subissant un échec pour son premier manuscrit.

    C’est en 1956 que René Julliard, grand découvreur, publia L’Ouvrier de la nuit, salué dès sa parution. D’emblée il fut encouragé par Jean Réverzy, Marcel Aymé et, ce qui peut étonner, Gaston Bachelard et Gabriel Marcel. De nombreux succès de librairie suivirent et Bernard Clavel allait être publié par un autre grand éditeur, Robert Laffont (décédé en mai dernier) : L’Espagnol (1959), Malaverne (1960) Le Voyage du père (1965), L’Hercule sur la place (1966).

    En 1968 paraît Les Fruits de l’hiver qui obtint le prix Goncourt. Il avait, contre le conseil de Robert Laffont, voulu être publié en février plutôt qu’à la rentrée. Son livre durant quelques mois ne suscita aucun écho, mais lui donna l’occasion de faire des signatures dans les usines, juste avant le fameux mois de mai. Il sentit que tout bouillonnait dans la France ouvrière. Ce roman est le quatrième tome d’une saga, La Grande Patience, qui comprend La Maison des autres (1962), Celui qui voulait voir la mer (1963) et Le Cœur des vivants (1964) et constitue une évocation douloureuse de son enfance, de son adolescence et de ses parents.

    Son plus grand regret : que ses parents n’aient pu connaître son succès

    Son plus grand regret était que, morts, ils n’aient pu connaître son succès et compris qu’il n’était pas simplement un peintre raté. À ces portraits succèdent des figures auxquelles tout au long de sa vie Clavel va s’attacher, des gens humbles, vignerons, rouliers, mariniers, petits artisans, compagnons du Tour de France.

    « Je suis, déclara-t-il un jour, essentiellement un romancier, un conteur, c’est-à-dire un homme qui porte en lui un monde et qui s’acharne à lui donner la vie. » De ses personnages, il avait coutume de dire qu’il ne les avait jamais imaginés, il les avait rencontrés, ils venaient de la vie. Pour les rencontrer, ajoutait-il, il fallait les chercher, souvent en voyageant. Bernard Clavel voyagea et déménagea sans cesse.

    Pourtant l’enracinement dans une région, autour de Lons-le-Saunier, autour de Lyon, est au cœur de son œuvre. Dès son premier roman, Vorgine, qui fut d’abord refusé, puis publié en 1956, le Rhône était présent, ce fleuve qui lui avait donné envie de peindre et d’écrire : « Le Rhône, ce sont des hommes, des femmes, tout un petit peuple parmi les lumières. »

    Une autre grande saga éditée à la fin des années 1970 le ramena en Franche-Comté : dans Les Colonnes du ciel, il faisait revivre la guerre et la peste qui ravagèrent cette région de 1635 à 1645. Et puis il revint à des paysages d’eaux et de forêts sauvages. Clavel avait toujours aimé l’hiver, les plaines gelées et silencieuses, les vastes étendues de neige, les animaux en liberté.

    Les terres de l’Amérique du Nord qui lui rappelaient les saisons de son enfance lui inspirèrent une autre immense saga, Le Royaume du Nord (Albin Michel) où d’autres héros, les pionniers canadiens, entrent en scène, où les histoires sont proches de celles de Mayne Reid et de James Oliver Curwood.

    Il possédait le souffle, le don de l’émotion, le lyrisme dans la simplicité

    Auteur d’une centaine de livres – romans, nouvelles, essais, contes pour enfants… –, traduits en d’innombrables langues, lauréat de nombreux prix, Clavel était insensible aux honneurs, aux calculs, aux vanités du petit monde littéraire. Devenu juré Goncourt en 1971, il en démissionna en 1977. Insoumis, révolté par la souffrance et l’injustice, il s’opposa jusqu’à la fin à la corruption par l’argent, à la violence organisée, il se battit pour les enfants, les pauvres, pour la protection de la planète. Et il avait avoué que sa foi en Dieu s’effritait lorsqu’il regardait le malheur des hommes.

    Il s’était marié en 1945 avec Andrée David qui lui donna trois enfants. Il devait dire d’elle et de Jacques Peuchmaurd, qu’il avait connu chez Julliard, que s’il ne les avait pas rencontrés, il n’aurait jamais pu écrire. Plus tard, au Québec, il fit la connaissance de Josette Pratte, qui devint sa seconde épouse, sa première lectrice et qui s’occupa de l’édition de ses livres.

    Des romanciers du XIXe siècle, il possédait le souffle, l’aptitude à construire une histoire, à suivre des fils solides dans la narration, le don de l’émotion, le lyrisme dans la simplicité. D’eux aussi il a hérité un monde – des paysans, des artisans, des modes de vie, des traditions, des savoirs, des valeurs – tout un univers qui est en train doucement de disparaître.

    Francine de Martinoir


    Les Éditions Omnibus ont entrepris l’édition de toute son œuvre romanesque.

    Photo : Bernard Clavel, en février 2003, à Paris (VERDY/AFP).

    http://www.la-croix.com/photo2/index.jsp?docId=2441667&rubId=4085
  • La France sous la vague nordique

    Par Lena Lutaud
    28/05/2010 | Mise à jour : 12:41

    La chanteuse suédoise Lisa Ekdahl classe deux de ses albums dans les trois premières places de notre top des ventes de CD.
    La chanteuse suédoise Lisa Ekdahl classe deux de ses albums dans les trois premières places de notre top des ventes de CD. Crédits photo : AFP

    De «Millénium» à Abba, en passant par Camilla Läckberg, la culture d'Europe du Nord est une mine de succès dans l'Hexagone.  

    Après le nuage islandais, la tornade nordique ! Cinq mois avant l'arrivée de Mamma Mia ! à Paris, au Théâtre Mogador, 30.000 billets ont déjà été vendus. «C'est deux fois mieux que Le Roi Lion à la même date  », se félicite-t-on chez Stage Entertainment qui produit cette comédie musicale inspirée des tubes pop d'Abba. Avec près de 5000 albums par semaine, le groupe suédois, dissous en 1982, devrait connaître de nouveau une année record en France ! Derrière cette culture de masse qui bénéficie au très branché Peter von Poehl et au crooner Jay-Jay Johanson, le jazz nordique a aussi beaucoup de succès. Lisa Ekdahl, le pianiste E.S.T et le Norvégien Nils Petter Molvaer sont incontournables. Fredrika Stahl dont le troisième album Sweep Me Away (Columbia) sort fin août, est le phénomène du moment. « Après avoir vendu 60.000 disques et joué en première partie de Cœur de pirate et de Micky Green, elle sera en tournée en France de juin à octobre» , annonce son manager David Barat.

    Littérature et cinéma n'échappent pas à cette vague. Stieg Larsson et Camilla Läckberg se maintiennent depuis des mois en tête des ventes des polars. Au théâtre, à Paris, Le Mec de la tombe d'à-côté de Katarina Mazetti est un des grands succès de la saison 2009-2010. En art contemporain, le Dano-Islandais Olafur Eliasson est devenu une vraie star. La mezzo suédoise Anne-Sofie von Otter fait salle comble à l'Opéra Garnier. Les théâtres parisiens ne jurent que par Ibsen : sa Maison de poupée a été adapté cinq fois cette saison.

    «Le poids du protestantisme » 

    «Les Nordiques ont un don pour flairer les tendances de la culture mondiale et ont un sens marketing très fort , explique l'anthropologue Pierre Forthomme, spécialiste des relations franco-suédoises. Comme ils s'appuient sur les attentes des consommateurs, leurs produits culturels s'exportent très bien.» En France, l'intérêt pour la culture du Grand Nord est cyclique. La première vague remonte aux années 1920 avec Greta Garbo et le prix Nobel de l'écrivain Selma Lagerlöf.

    Après la Seconde Guerre mondiale, la Suède pays neutre fascine. En 1956, Ingmar Bergman se fait remarquer à Cannes avec Sourires d'une nuit d'été. À la fin des années 1960, les sociaux-démocrates étonnent la classe politique française. Et, les films scandinaves multiplient les scènes de nu. «On était en pleine libération des mœurs. Le fantasme de la blonde pulpeuse libérée s'est installé, analyse Jérôme Rémy, directeur artistique du Festival des Boréales qui se déroule en novembre à Caen. Depuis, les Français croient que toutes les femmes scandinaves sont libérées. C'est oublier la pesanteur du protestantisme et faire peu de cas de Strindberg.»

    En 1986, l'assassinat du premier ministre suédois Olof Palme marque un coup d'arrêt. La société idéale devient plus compliquée à comprendre. L'intérêt reprend au milieu des années 1990 avec l'avènement, au cinéma, du Danois Lars von Trier, des Finlandais Ari et Mika Kaurismaki, de la chanteuse islandaise Björk et de nombreux écrivains dont le Suédois Henning Mankell et le Finlandais Arto Paasilinna. Aujourd'hui, avec la crise, l'intérêt est plus fort que jamais car, à l'exception de l'Islande, ces pays se portent bien mieux que la France.

    «Ils intriguent et suscitent beaucoup de déplacements de nos hommes politiques, note le sociologue Wojtek Kalinowski qui vit entre Paris et Stockholm. Leur modèle basé sur la culture et l'éducation est source d'espoir.» Ces politiques se répercutent sur les artistes. Pour aider les écrivains, les États subventionnent les traductions.

    L'importance du sport provoque l'émergence du cirque nordique. Les deux stars du genre, Cirkus Cirkör, sorte de Cirque du Soleil suédois et les fous furieux finlandais de Race Horse Company seront en France cet automne. Le cinéma a aussi le vent poupe. À la Fnac, le succès des DVD de Millénium et de Morse, très beau film de vampires, provoque une forte demande des films de genre norvégien dont les ados parlent beaucoup sur Internet comme Coldplay, Dead Snow et Man Hunt. Enfin, à Noël, MK2 sortira au cinéma Snabba Cash, adaptation très réussie du best-seller noir de Jens Lapidus (Plon).

    Top Romans nordiques

    Meilleures ventes de la semaine

    1. Le Mec de la tombe d'à côté (Katarina Mazetti)

    2. Les Dix Femmes de l'industriel Rauno Rämekorpi (Arto Paasilinna)

    3. Sang chaud, nerfs d'acier (Arto Paasilinna)

    4. Les Larmes de Tarzan (Katarina Mazetti)

    5. Le Cerveau de Kennedy (Henning Mankell)

    * Parmi ces cinq romans sortis en janvier, celui de Nicolas Rey, en vente depuis seulement deux semaines, arrive en tête.

    Top CD de chanteurs scandinaves

    1. 18 Hits, Compilation (Abba)

    2. Heaven, Earth And Beyond (Lisa Ekdahl)

    3. When Did You Leave (Lisa Ekdahl)

    4. Abba Gold, Greatest Hits (Abba)

    5. Going to Where the Tea-Trees Are (Peter Von Poehl)

    Top polars

    1. L'Oiseau de mauvais augure (Camilla Läckberg)

    2. Hiver arctique (Arnaldur Indridason)

    3. La Princesse des glaces (Camilla Läckberg)

    4. Millénium (Tome 3, La Reine dans le palais des courants d'air) (Stieg Larsson)

    5. Millénium (Tome 2, La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette) (Stieg Larsson)

    6. Millénium (Tome 1, Les hommes qui n'aimaient pas les femmes) (Stieg Larsson)

    7. Le Prédicateur (Camilla Läckberg)

    8. Le Tailleur de pierre (Camilla Läckberg)

    9. Le Bonhomme de neige (Jo Nesbo)

    10. Hypothermie (Arnaldur Indridason)


    POUR ACHETER LES LIVRES :

    » Le mec de la tombe d'à côté, de Katarina Mazetti, Actes Sud, 7,13€ sur Fnac.com
    » Les dix femmes de l'industriel Rauno Ramekorpi, d’Arto Paasilinna, Gallimard, 6,27€ sur Fnac.com
    » Sang chaud, nerfs d'acier, d’Arto Paasilinna, Denoel, 17,10€ sur Fnac.com
    » Les larmes de Tarzan, de Katarina Mazetti, Actes Sud, 7,13€ sur Fnac.com
    » Le cerveau de Kennedy , d’Henning Mankell, Points, 7,60€ sur Fnac.com

    POUR ACHETER LES CD:

    » 18 hits, Abba, 14€ sur Fnac.com
    » Heaven earth and beyond, Lisa Ekdahl, 7€ sur Fnac.com
    » When did you leave heaven, Lisa Ekdahl, 7€ sur Fnac.com
    » Abba gold - Greatest hits, Abba, 22€ sur Fnac.com
    » Going to where the tea-trees are, Peter Von Poehl , 7€ sur Fnac.com

  • De l’Election de son sepulcre

    de Ronsard (1524–†1585)
     
     
    ANTRES, et vous fontaines
      De ces roches hautaines
      Qui tombez contre-bas
        D’un glissant pas:
    Et vous forests et ondes        5
      Par ces prez vagabondes,
      Et vous rives et bois,
        Oyez ma voix.
    Quand le ciel et mon heure
      Jugeront que je meure,        10
      Ravy du beau sejour
        Du commun jour,
    Je defens qu’on ne rompe
      Le marbre pour la pompe
      De vouloir mon tombeau        15
        Bastir plus beau:
    Mais bien je veux qu’un arbre
      M’ombrage en lieu d’un marbre,
      Arbre qui soit couvert
        Tousjours de vert.        20
    De moy puisse la terre
      Engendrer un lierre,
      M’embrassant en maint tour
        Tout à l’entour:
    Et la vigne tortisse        25
      Mon sepulcre embellisse,
      Faisant de toutes pars
        Un ombre espars.
    Là viendront chaque année
      A ma feste ordonnée        30
      Avecques leurs troupeaux
        Les pastoureaux:
    Puis ayant fait l’office
      De leur beau sacrifice,
      Parlans à l’isle ainsi        35
        Diront ceci:
    Que tu es renommée
      D’estre tombeau nommée
      D’un, de qui l’univers
        Chante les vers!        40
    Et qui onq en sa vie
      Ne fut bruslé d’envie,
      Mendiant les honneurs
        Des grands Seigneurs!
    Ny ne r’apprist l’usage        45
      De l’amoureux breuvage
      Ny l’art des anciens
        Magiciens!
    Mais bien à noz campagnes
      Fist voir les Sœurs campagnes        50
      Foulantes l’herbe aux sons
        De ses chansons.
    Car il fist à sa lyre
      Si bons accords eslire
      Qu’il orna de ses chants        55
        Nous et noz champs.
    La douce manne tombe
      A jamais sur sa tumbe,
      Et l’humeur que produit
        En May la nuit.        60
    Tout à l’entour l’emmure
      L’herbe et l’eau qui murmure,
      L’un tousjours verdoyant,
        L’autre ondoyant.
    Et nous ayans memoire        65
      Du renom de sa gloire
      Luy ferons comme à Pan
        Honneur chaque an.
    Ainsi dira la troupe,
      Versant de mainte coupe        70
      Le sang d’un agnelet
        Avec du laict
    Desur moy, qui à l’heure
      Seray par la demeure
      Où les heureux espris        75
        Ont leur pourpris.
    La gresle ne la neige
      N’ont tels lieux pour leur siège,
      Ne la foudre oncque là
        Ne devala:        80
    Mais bien constante y dure
      L’immortelle verdure,
      Et constant en tout temps
        Le beau Printemps.
    Le soin qui sollicite        85
      Les Rois, ne les incite
      Le monde ruiner
        Pour dominer:
    Ains comme freres vivent,
      Et morts encore suivent        90
      Les mestiers qu’ils avoient
        Quand ils vivoient.
    Là là j’oiray d’Alcée
      La lyre courroucée,
        ET Sapphon qui sur tous        95
        Sonne plus dous.
    Combien ceux qui entendent
      Les chansons qu’ils respandent
      Se doivent resjouir
        De les ouir!        100
    Quand la peine receuë
      Du rocher est deceuë,
      Et quand le vieil Tantal
        N’endure mal!
    La seule lyre douce        105
      L’ennuy des cœurs repousse.
      Et va l’esprit flatant
        De l’escoutant.
     

  • jORGE Semprun est mort

    L'adolescence avant l'enfer

    Par L'Express, publié le 26/02/1998, mis à jour le 08/06/2011 à 10:12

    C'est de Bayonne à Genève et de La Haye à Paris que le jeune Jorge Semprun fit ses humanités et découvrit les choses de la vie. Peu avant que le nazisme l'interne à Buchenwald.

    Il y avait une vie avant le block 56 de Buchenwald, avec ses plaies et ses bosses, ses fous rires et ses poings levés, ses humiliations, ses amertumes, ses fiertés; une vie d'adolescent avec puceaux bravaches, belles de jour et marâtres, directeurs de conscience et faux-monnayeurs de la pensée; une vie où la nudité lumineuse de l'Eve de Cranach s'impose comme idéal féminin; où un vers de Baudelaire fait chavirer le coeur comme la découverte de l'extase sur le visage d'une femme surprise par le plaisir dans un wagon de métro; où quelques pages de Malraux s'inscrivent à jamais au frontispice de la conscience; où des singes violonistes en livrée de soie scandent les rythmes de l'exil et ouvrent le grand bal du sexe. Et de l'Histoire. 

    De septembre 1936 - Jorge Semprun a 12 ans - à septembre 1939, l'adolescent, ballotté de Bayonne à Genève, de La Haye à Paris, va découvrir la dialectique et le désir. "Ce livre est le récit de la découverte de l'adolescence et de l'exil, des mystères de Paris, du monde, de la féminité. Aussi, surtout sans doute, de l'appropriation de la langue française. L'expérience de Buchenwald n'y est pour rien, n'y porte aucune ombre. Aucune lumière non plus." 

    Avant Buchenwald, la vie est un songe. Au fil des associations libres de cette autoanalyse, l'écrivain visite ses lieux de mémoire: une villa à Santander, une boulangerie du boulevard Saint-Michel, un bouquiniste de l'Odéon, un pont à Biriatou, la légation de la République espagnole à La Haye, le lycée Henri-IV, la rue Blaise-Desgoffe dans le quartier Saint-Placide... 

    Fidèle à sa technique narrative, l'auteur de L'Ecriture ou la Vie s'engouffre dans le dédale des souvenirs balayé par le vent mauvais d'une histoire qui s'ouvre avec la chute de Madrid et se ferme sur l'invasion de la Pologne. Un souvenir chasse l'autre, les décennies s'enchevêtrent. Toutes les vies croisées de Semprun - le résistant antinazi, le communiste antifranquiste, l'écrivain, le ministre - viennent se percuter au point précis que le travail de la mémoire aura fait affleurer. "Cette façon d'écrire dans le va-et-vient temporel, entre anticipations et retours en arrière, m'est naturelle, dans la mesure où elle reflète - ou révèle, qui sait? - la façon dont je m'inscris, corporellement, mentalement, dans la durée." 

    Ici, un acte manqué: pendant des années, Semprun recherche la villa des dernières vacances à Santander, en août 1936. Sans succès. Et tout à coup, en 1995, il la découvre - ou plus exactement il peut la voir enfin. Parfois, la vie ressemble à un rêve éveillé: malgré le demi-siècle qui s'est écoulé, il retrouve sans hésiter dans une maison neuve de Madrid le chemin du bureau de son grand-père. La pièce est intacte: il manque juste un plaid écossais! On vient de le jeter, mangé aux mites. 

    Il y aura aussi des photos jaunies, des lettres surgies du néant, des copies de lycée retrouvées, des objets fétiches (Das Kapital, rescapé de la mise à sac de la bibliothèque familiale). Sans oublier une petite madeleine - en l'occurrence, un croissant refusé par une boulangère xénophobe du Boul' Mich dont les sarcasmes lui rappellent les vers de Victor Hugo qualifiant le combattant espagnol d' "espèce de Maure" enrôlé dans une "armée en déroute". Par une de ces coïncidences qui n'appartiennent qu'à l'univers des rêves, les manchettes des journaux annonçaient, ce jour-là, la chute de Madrid. 

    De cet incident naîtra le désir farouche de Jorge Semprun de parler le français sans la moindre trace d'accent. Cela et aussi l'humiliation ressentie le jour où, noté 18/20 pour une dissertation, son professeur n'avait pu s'empêcher d'ajouter: "Si ce n'est pas trop copié!" Plus tard, la lecture de Paludes, de Gide, lui permettra de réintégrer notre langue. Et d'écrire son premier roman, Le Grand Voyage, directement en français. Sans cesser pour autant de s'affirmer rouge espagnol. Hasta siempre! 

     

    A lire aussi sur : Jorge Semprún

    http://www.lexpress.fr/culture/livre/adieu-vive-clarte_627594.html

  • Nadja : la véritable histoire

    nadja.jpg

    Thierry Clermont
    18/06/2009 | Mise à jour : 15:22

    André Breton (ici une photo non datée) rompit très vite avec Léona Delcourt. Crédits photo : AFP

    «Léona, héroïne du surréalisme» de Hester Albach - Une romancière néerlandaise a retrouvé la trace de la jeune femme qui inspira à André Breton l'un des personnages féminins les plus célèbres du XXe siècle.

    Une après-midi d'octobre 1926. André Breton flâne du côté de Notre-Dame-de-Lorette quand il croise une jeune femme mystérieuse. Ils se fréquentent durant une dizaine de jours. Le pape du surréalisme l'écoute, la contemple, fasciné par celle qui se voyait comme «l'âme errante», éperdu face à ses «yeux de fougère». Il note ses faits et mots, ses prémonitions et leurs «pétrifiantes coïncidences». Un vendémiaire enchanté, fait de folie, d'amour et de mort.

    Le personnage de Nadja est né, il donnera lieu à l'un des plus grands récits du XXe siècle, et il rejoindra le panthéon des mythiques muses : Laure, Béatrice et Aurélia. Depuis la publication du livre qu'André Breton lui a consacré, en 1928, Nadja a donné lieu à de multiples questions, dont la cruciale : qui était-elle vraiment ? L'écrivain avait laissé quelques pistes, que des critiques comme Georges Sebbag et Marguerite Bonnet avaient tenté d'explorer. Ainsi savait-on qu'elle était née dans les environs de Lille, qu'elle s'appelait Léona Delcourt et qu'elle avait fini sa courte vie dans un asile d'aliénés. Après leur rupture, Breton ne l'a jamais revue ; il n'avait plus besoin d'elle. Point final. Le mystère restait entier.

    Mais, un jour, la romancière néerlandaise Hester Albach tombe sur Nadja. Obsédée par le personnage, elle décide de se lancer dans une folle enquête pour retrouver la trace de celle qui l'a inspiré. Au terme de ses recherches, elle écrit à son tour un récit sur l'héroïne du surréalisme, où elle dévoile qui était véritablement Léona-Nadja. Elle était bien née dans le Nord, à Saint-André, dans les faubourgs de Lille, en mai 1902. À seize ans, elle accouche d'une petite fille et décide de se rendre seule à Paris, où elle vivote de petits boulots, en revendant de la cocaïne et, à l'occasion, en faisant commerce de ses charmes.

     


    La folie de Léona Delcourt fascina André Breton.

     

    On apprend également qu'elle écrivit une petite trentaine de lettres à Breton, après leur rupture, entre octobre 1926 et mars 1927, date de son enfermement. Lettres délirantes qui sont autant de suppliques adressées à un homme qui la fascinait et qui l'a rapidement abandonnée. Sans lui, elle perdait de la vie. Breton qui écrivit à sa femme, Simone : «Je ne l'aime pas, elle est seulement capable (…) de mettre en cause tout ce que j'aime, et la manière que j'ai d'aimer.» Il savait qu'elle avait été internée. Dans un premier temps à Sainte-Anne, puis à Bailleul, sous le ciel maussade du Nord, où elle décédera en 1941. Elle avait trente-neuf ans. En 1927, déjà, tandis que Breton s'apprêtait à rédiger Nadja, à Varengeville, fief normand de la famille Hugo, les médecins avaient rendu leur verdict : «État psychopathique polymorphe à prédominance de négativisme et de maniérisme.»

     

    Le précieux témoignage de sa petite-fille

     

    Vraisemblablement, Léona n'aura jamais lu Nadja, elle qui avait dit à son amant : «Tu écriras un livre sur moi. Je t'assure.» La quête de Hester Albach lui a permis non seulement de retrouver de nombreux documents précieux et reproduits ici (photos, extraits d'état-civil, rapports psychiatriques…), mais aussi la petite-fille de Léona, qui livre un précieux témoignage sur sa grand-mère et sur la chape de silence familial qui entourait son nom.

    Sous l'emprise de Nadja («parce qu'en russe c'est le commencement du mot espérance»), la romancière revisite les lieux parisiens du récit. On la retrouve ainsi place Dauphine, rue Saint-Honoré, quai Malaquais, aux environs de la Conciergerie (Nadja affirmait qu'elle avait fréquenté Marie-Antoinette). Elle revient également sur la nuit d'étreinte passée dans un hôtel de Saint-Germain-en-Laye : un passage que le «mage d'Épinal» a retiré de l'édition corrigée de Nadja, parue en 1963. Ses anciens amis surréalistes ne le lui pardonneront pas. On songe aux mots de la Mélisande de Debussy : «Je ne sais pas ce que je sais. Je ne dis plus ce que je veux.» Depuis, le personnage de Nadja et ses avatars n'ont cessé de hanter la littérature. Tout récemment, elle a refait une apparition chez Yvon Le Men (Si tu me quittes, je m'en vais), chez Jacqueline de Mornex (Le pire, c'est la neige). Et qu'aurait pensé Léona-Nadja du livre de Hester Albach ? Nadja, qui s'achève sur la célèbre formule : «La beauté sera CONVULSIVE ou ne sera pas.»

    » Léona, héroïne du surréalisme de Hester Albach, traduit du néerlandais par Arlette Ounanian, Actes Sud, 314 p., 21 €.

    http://www.lefigaro.fr/livres/2009/06/18/03005-20090618ARTFIG00541-nadja-la-veritable-histoire-.php

  • Il y a quelques jours, c'était le bicentenaire de la naissance de Nerval

    Le 22 mai 1808, Gérard de Nerval naissait à Paris. De son vrai nom Gérard Labrunie, il avait tiré son pseudonyme de Noirval, un clos entouré de bois sombres. Cette obscurité sylvestre semble bien définir le poète au "coeur désolé".

     

    L'auteur de la 'Lorely', triste prince au soleil noir, voyageur infatigable, est le poète de la mélancolie et du rêve. Mêlant, dans une même brume magique, chimères et réalité, souvenirs passés et sensations présentes, Nerval s'aventure sur la lisière étrange de l'invisible vague, du flottant merveilleux. Il puise du Valois où il a passé son enfance au milieu de parcs, d'étangs et de jeunes filles évanescentes, ces mystères qui le hantent. Sylvie, Emerance, Sydonie, Héloïse, Célénie, Fanchette, Adrienne deviendront ses 'Filles du feu', dont les jeux de rondes et les chants anciens incarnent les symboles d'une vie arrêtée, d'une terre onirique. Paysages transfigurés, songes éveillés, mémoire intemporelle, le destin du poète se confond avec celui de l'humanité : il sent son âme vieille de deux cents ans.


    Féerie pour un autrefois

    Fils d'un médecin de la Grande Armée, Nerval, à peine né, est orphelin de mère. Marie-Antoinette Boucher avait en effet décidé de suivre son mari sur les périlleuses campagnes d'Allemagne et de Russie, laissant le bébé en Ile-de-France. Ce fantôme maternel disparu en Bohême, dont l'écrivain ne possède ni photo ni portrait, sera relayé dans son oeuvre par la figure de l'insaisissable Jenny Colon dont Nerval tombe amoureux. Tour à tour créature céleste, déesse orientale, Isis, Cybèle ou la Vierge Marie, l'éternelle silhouette féminine se dérobe toujours dans de vaporeuses légendes : "Je suis la même que Marie, la même que ta mère, la même aussi que sous toutes les formes tu as toujours aimée. A chacune de tes épreuves, j'ai quitté l'un des masques dont je voile mes traits, et bientôt tu me verras telle que je suis."(1) Ainsi parle la déesse d''Aurélia', qui est une, et plusieurs à la fois.

    Pourtant, Nerval n'est pas seulement nostalgique. Avec son ami de collège Théophile Gautier il fait les quatre cents coups, se passionne pour les batailles romantiques, se montrant souvent fantaisiste, voire excentrique, comme lorsqu'il promène un homard en laisse ! Mais les crises de folie dont l'écrivain est victime dès ses jeunes années l'affaiblissent, et le contraignent à l'hospitalisation. Il note alors en marge de ses portraits photographiques : "Je suis l'autre", et décline à l'envi ses différentes personnalités, souvent mythologiques. "Suis-je Amour ou Phoebus… Lusignan ou Biron ?"(2) La peur d'un être multiple rejoint alors celle d'un être identique. A force de questionner son identité et celles des autres, il craint de voir deux femmes (Adrienne et Aurélie) quand il n'y en aurait en réalité qu'une seule : "Aimer une religieuse sous la forme d'une actrice ! et si c'était la même ! il y a de quoi devenir fou !"(3)


    Je suis le ténébreux, le veuf, l'inconsolé

    "Ne m'attends pas ce soir, car la nuit sera noire et blanche."(4) Cette phrase fulgurante est la dernière écrite par Nerval, la veille de son suicide. Mois de janvier 1855. Paris est sous la neige, la Seine charrie des glaçons. L'écrivain est sorti depuis quelques semaines de la clinique du docteur Blanche qu'il avait intégrée à la suite d'un nouvel accès de démence. Il travaille encore son texte 'Aurélia'. Cette nuit du 25, Nerval erre de bouges en cabarets, près des Halles. Il fait -18º. Il s'enfonce progressivement dans le quartier de la Grande Boucherie, sombres ruelles aux couloirs étroits et aux escaliers encaissés. Dans les caniveaux de la rue de la Tuerie, le sang de l'écorcherie se déverse. A l'aube, on retrouve un cadavre rue de la Vielle Lanterne. C'est Gérard de Nerval pendu à une grille. Son médecin établit un certificat pour qu'il ait droit à un enterrement religieux, normalement refusé aux suicidés.

    Ecrivain de l'enchantement, Nerval s'est perdu progressivement dans les méandres de sa propre rêverie. S'il voit des fées, il entend aussi leurs cris.(5) Prisonnier de visions hallucinatoires qui se surimpressionnent sur le réel, Nerval est obsédé par un passé auquel il se croit lié. Amours anciennes, châteaux perdus dans de vastes jardins, vitraux teints de rouge : les images d'autrefois resurgissent et s'emparent de lui. "En un instant je me transformai en marié de l'autre siècle" lit-on dans 'Sylvie'. Mais si mariage il y a, la promise appartient à une existence révolue, époque lointaine où il l'a vue, et dont il se souvient. Ces fantasmes de métamorphoses plongent Nerval dans la déraison. Il se démultiplie sans fin, croit se voir partout, ne se retrouve plus. Il étouffe sous trop de masques : "Comme si les murs de la salle se fussent ouverts sur des perspectives infinies, il me semblait voir une chaîne non interrompue d'hommes et de femmes en qui j'étais et qui étaient moi-même."(6) En ces circonstances, seul le déguisement permet de s'évader de soi et de devenir autre. Les 'Filles du feu' aiment ainsi se vêtir d'habits anciens, et remonter le temps. Sous les yeux du narrateur ébloui, elles redonnent vie avec toute la fraîcheur de leur jeunesse à des ombres spectrales. De même pour Jenny Colon, qui, en tant que comédienne, change souvent d'apparence et éveille la passion chez Nerval. Avec ces travestissements, les esprits éteints apparaissent alors, réconciliant l'espace du souvenir et ses mirages, les vivants et les morts. Mais les héros des nouvelles nervaliennes s'aperçoivent, au bout du compte, que ce charme fugitif tombe vite en poussière.
    Page 1/2
       [1] 2    Lire la suite»
    Je n'ai pas pu mettre de note ce jour là mais j'ai pensé à lui; ses oeuvres sont encore à Casablanca.
    Ne croyez -vous que bicentenaire est une bonne occasion de lire mon mémoire présenté ci-dessus?
  • Mont Ventoux

    e455038d9b9b27d9ae6b2921b3637a00.jpg© Jean-Noël de Soye pour L'Express

    Cliquez sur l'image pour voir notre reportage photos sur le mont Ventoux.

    LEXPRESS.fr du 03/10/2007

    La montagne magiqueJacques Brunel

    Adoré du soleil et du vent, le mont Ventoux est à découvrir à l'automne, quand ce géant de Provence offre aux promeneurs un paysage digne du Yosemite américain.

    ès Bollène, sa masse bleu sombre avertit les voyageurs de l'autoroute A 7. A sa vue, les conducteurs ouvrent les vitres aux parfums de la garrigue: le Ventoux leur dit qu'ils sont en Provence. On peut se fier à cette montagne signal, repérable depuis la mer, et dont le nom aurait signifié «le Visible». Monument naturel, à l'instar du Vésuve dans la baie de Naples, il est aussi connu que le mont Blanc, sans pulvériser des records d'altitude. Il lui suffit d'être un mont isolé, posté dans la plaine. Le Ventoux jaillit d'un bloc dans une envolée rugueuse de rocs et de pins qui, 1 909 mètres plus haut, brandit au-dessus d'Avignon d'extravagants alpages battus par les vents.

    Diaporama

    © Jean-Noël de Soye pour L'Express


    Cliquez sur l'image pour voir notre reportage photos sur le mont Ventoux

    Le mont structure des pays aux caractères bien tranchés qui ne demandent qu'à vous accueillir. Au sud, les collines tremblantes de chaleur forment une cocagne où on ne se lasse pas de lézarder. Où goûter l'agneau local fondant et naturellement parfumé avec un côtes-du-ventoux? un melon de Cavaillon rafraîchi d'un muscat-beaumes-de- venise? Ce peut être à Venasque, «plus beau village de France» qui, tel un vaisseau, domine une mer de vergers ourlée de garrigue épaisse. Ou à Pernes-les-Fontaines, bourg fortifié que 40 fontaines moussues irriguent en permanence. Ou encore au Barroux, château Renaissance dont les tours blondes sont un peu la vigie du Comtat.

    Filez vers l'est en vous repérant au Ventoux. Après des plateaux à garrigue hérissés de rares villages, les gorges de la Nesque sont le fil d'Ariane qui vous guide vers la Provence de Giono. Elle débute au val de Sault, dont les coteaux d'altitude (750 m) sont brodés en violet par une lavande grand cru. En été, quand on la distille dans les champs, une capiteuse odeur de propre embaume jusqu'à Monieux, un vallon pour poètes au creux de crêtes mauves. Rude, mais l'oeil qui frise, Jean-Paul Giardini y incarne la néoruralité dans toute sa richesse. Plantant là les hôtes de sa ferme-auberge, il emmène son limier, à l'aube, flairer les cabasses (truffes) dans les chênaies qui lui sont adjugées. L'été, Giardini prend son téléphone portable et pousse par les drailles touffues de buis, d'euphorbes et de genévriers son troupeau de brebis tintinnabulantes jusqu'aux alpages.

    Plus au nord, le val du Toulourenc est un bout du monde encaissé. C'est là, au hameau de Savoillans, que vit et peint Dragan Dragic, ex-membre de l'école de Paris, qui expose désormais chez Ducastel, à Avignon. «Le mont Ventoux, dit-il, dégage un rare mystère, à la fois doux et dur. Il semble infranchissable, intouchable. Comme un dieu ancien qui nous surveillerait. Je le vois en Moby Dick. Et quand la baleine blanche apparaît sur mes toiles, je me réjouis qu'elle y soit venue d'elle-même.» Vu d'ici, en effet, le Ventoux n'est plus un lustre débonnaire et lointain, mais un barrage qui obstrue l'horizon. La potière et ses deux amies, qui tiennent salon de thé à Brantes - beau village perché où régnaient les aïeux d'Emmanuel de Brantes, le fameux noctambule (!) - ne se lassent pas de le voir descendre ou hisser les nuages, verdoyer, jaunir ou se blanchir de neige.

    On peut monter au Ventoux par trois routes. Les cyclistes prennent le départ à Bédoin: de là s'élance le peloton du Tour de France. Lance Armstrong confie qu'il n'a jamais rien monté de plus dur: quel que soit l'angle d'attaque, les 25 kilomètres menant au sommet sont longs, la pente forte et sans repos, le soleil terrible. C'est excitant, et l'on vient jusque d'Australie se mesurer au mythe. Tandis que les villages alentour se muent en temples du vélo, certains jours les passionnés sont plusieurs centaines à haleter roue contre roue dans ces paysages alpins. A la descente, ils déposeront en offrande leurs Rustine et leurs bidons vides sur la stèle de Tom Simpson, champion anglais tué par le Ventoux en 1967.

    Mieux vaut gravir le mont magnétique à pied. En 1336, le poète Pétrarque inventa l'alpinisme en grimpant sur le géant bleu à seul fin d'admirer le paysage. C'était une première. Aujourd'hui, après quelques heures, le GR 4 vous dépose au Mont-Serein, où une station de ski s'est postée. Quatre cents mètres vous séparent du sommet, une île de cailloux perdue en plein ciel, un pierrier martien. un coup d'oeil au panorama dévoile - si le temps s'y prête - le mont Blanc et l'Aigoual, les molles crêtes du Luberon et les collines des Baronnies, aux formes baroques. Des dizaines de kilomètres de crête - notamment sur le GR 9 - prolongeront sans effort ce vol d'aigle par des paysages d'éboulis dignes des grands parcs américains, Yosemite ou Bryce Canyon. L'abondance de fraisiers, de framboisiers, d'orchidées sauvages et de 1 200 végétaux (sans compter mouflons et chamois) a valu au Ventoux d'être classé par l'unesco réserve de biosphère. Depuis longtemps, on parle d'un parc naturel régional. Le souvenir d'anciennes rivalités et la pression des chasseurs ont reporté sa création. Les esprits changent, et le Ventoux, c'est sûr, aura le dernier mot.

    http://www.lexpress.fr/info/region/dossier/vfrance/dossier.asp?ida=460302&p=2

  • Le vaste palais celte de la Dame de Vix

    78c0528c74dcd81f03c627cd5b9d1a6a.jpgLes fouilles à Vix

    De notre envoyée spéciale à Vix ISABELLE BRISSON.
     Publié le 03 août 2007
    Actualisé le 03 août 2007 : 09h29

    Des chercheurs français et allemands ont découvert sur le mont Lassois, en Côte-d'Or, une grande demeure celte inspirée des palais grecs.

    SOUS le soleil radieux de ce début d'août, l'équipe de chercheurs franco-allemande coordonnée par Bruno Chaume, archéologue au CNRS, travaille à dégager les fondements d'un bâtiment à l'architecture et aux dimensions exceptionnelles de 500 m2 sur le plateau du mont Lassois en Côte-d'Or. C'est la première fois qu'une habitation celte de la civilisation Hallstatt (époque du premier âge de fer allant de 820 à 450 ans avant J.-C.) est mise au jour près de la sépulture de la personne qui a pu l'habiter, la célèbre Dame de Vix, du nom du village où elle a été découverte. À l'époque, les Celtes anciens occupaient une zone allant de Bourges jusqu'à l'Autriche.
    Sur le plateau, la demeure aurait appartenu à cette fameuse Dame de Vix. Sa sépulture, l'une des plus riches et des plus célèbres du monde celte, a été mise au jour en 1953 par René Joffroy aidé de Maurice Moisson, dans un tumulus situé au pied du mont Lassois. Elle se trouvait un peu plus bas que le palais récemment découvert, dans la plaine verdoyante proche d'un méandre de la Seine.
    La Dame de Vix a été enterrée vers 500 avant notre ère selon un rite normalement réservé aux hommes. Les défunts étaient allongés sur la caisse d'un char avec des objets importants pour eux durant leur vie ou offerts en hommage à leur rang. Ici, en l'occurrence, des bijoux en bronze, en perles et en or, des objets méditerranéens, grecs et étrusques dont le fameux cratère de Vix, le plus grand vase de bronze que l'Antiquité nous ait légué. Magnifiquement sculpté, il pèse 208 kg, mesure 1,64 m de haut et servait sans doute à stocker l'hydromel, une boisson alcoolisée prisée à l'époque chez les personnes aisées.
    La taille d'une église
    Avec ses 35 m de long sur 21,5 m et sa quinzaine de mètres de hauteur, le bâtiment qui n'avait probablement pas d'étage, avait presque la taille d'une église actuelle. Il a été reconstruit plusieurs fois, notamment après un incendie, comme le prouvent des pierres calcinées et de la céramique encore présentes sur le site. Il comprenait deux grandes pièces et une abside. Le toit en bardeau de chêne, arbre de bonne qualité dans la région, devait être construit à 45° pour supporter la neige et la pluie des hivers à - 30 °C. Les murs en clayonnage étaient recouverts d'un torchis peint d'un badigeon de couleur rouge. Le sol devait être en terre battue ou en plancher. La porte à deux battants, qui mesurait 6 m de large sur 4 de haut, s'ouvrait au soleil levant (à l'est). « Les antes, des avancées qui supportaient le porche, sont spécifiques des édifices grecs (mégaron) qui servaient de demeures à des personnages importants », indique Bruno Chaume. Il témoigne de l'influence des civilisations méditerranéennes sur le monde celtique.
    Le palais de la Dame s'insère dans une véritable petite ville fortifiée de 60 hectares, repérée par un chercheur allemand entre 2004 et 2006, dans le cadre du programme « Vix et son environnement », grâce à des appareils utilisés par les sismologues. Jusqu'à présent, on pensait que l'urbanisation de l'Europe occidentale n'avait commencé qu'avec « la civilisation des oppida » au IIe et Ier siècle avant notre ère. La proto-urbanisation du site donne pourtant l'image d'un habitat déjà très structuré, hiérarchisé et aéré. Il se compose d'une rue principale qui mène au palais et dessert des enclos palissadés à l'intérieur desquels se trouvent quelques dizaines de maisons qui devaient abriter des centaines de personnes. « Seul un pouvoir politique fort a pu faire naître une telle organisation », confirme Bruno Chaume.
    Avec au sud du plateau de vastes greniers sur pilotis destinés au stockage de céréales et une citerne utilisée pour les réserves en eau, nous sommes devant une véritable gestion collective des ressources. Des traces de banquets ont été trouvées dans les fouilles sous forme notamment de fragments de huit vases en céramique imitant les cruches de bronze d'origine méditerranéenne. Elles indiquent que le bâtiment recevait la caste supérieure de la société.
    La montée en puissance du site vers 530 avant J.-C. ne s'explique pas uniquement par le fait que le lieu se trouve sur la route de l'étain, comme on l'a cru longtemps. « Ce sont les échanges commerciaux avec les cultures méditerranéennes et la position géostratégique du site de Vix qui ont certainement fait son succès », indique Bruno Chaume. Et si le site périclite en 450 av. J.-C., c'est parce que l'économie et les voies commerciales, notamment les relations avec les cultures méditerranéennes, ont subi des bouleversements. Cela, peut-être combiné à des problèmes internes à la société de Vix, l'aurait conduit au déclin.
  • L'eau dans l'imaginaire parisien

    «Un jour, je sentis que sous le pavé de Paris il y avait la terre.» Faisons mentir Jean Follain : sous Paris, il y a l'eau…

    Depuis que ses premiers habitants ont élu domicile entre les îles et les boucles de la Seine, Paris n'a cessé de combattre l'eau, pour mieux la domestiquer. Les Gallo-Romains, puis les rois tentèrent d'en dompter les flux pour irriguer habitants et jardins. Mais c'est au XIXe siècle que la gestion des eaux parisiennes fut véritablement prise en main.

    L'Eau et Paris, un beau volume richement illustré, retrace cette aventure.

    Si l'on continue à critiquer les modifications que le baron Haussmann fit subir à la physionomie parisienne au Second Empire, ce préfet visionnaire a sauvé Paris du cloaque.

    Supervisée par l'ingénieur Eugène Belgrand, l'installation des égouts fut un travail titanesque. Véritable doublure de la ville, ce formidable réseau de galeries souterraines fut creusé sous les maisons pour drainer, évacuer et filtrer les eaux usées. Trop longtemps, elles se contentaient de disparaître dans le sol, pour se mêler aux eaux pluviales avant de reparaître dans les puits et les sources.

    Hygiène, quand tu nous tiens !

    L'hygiène, parlons-en : c'est une véritable révolution des mentalités que doit imposer l'»esprit haussmannien». Jusqu'alors, la prise d'un bain était vue comme une activité licencieuse ! Pousser les gens à se laver, fût-ce aux bains publics flottants de la Samaritaine, était un bouleversement. C'est qu'elle se méfie de l'eau, cette population qui doit affronter des crues, des tempêtes de neige, de fâcheuses débâcles. Il faut qu'un philanthrope comme sir Richard Wallace offre à la ville, en 1871, quarante fontaines publiques (deux par arrondissement) pour qu'on ose s'y abreuver. Et puis cette eau, d'où vient-elle ? Pendant des années, Paris buvait, voguait, se lavait, se rinçait, s'écoulait et se vidait aux frais d'un seul cours : la Seine. Imaginez la fange ! Ne parlons même pas de la Bièvre, ruisselet de la rive gauche que Huysmans surnommait «le fumier qui bouge».

     

    Des réservoirs en hauteur

     

    Paris avait besoin d'une eau qui fut saine et sans tache. Belgrand s'aperçut vite que les sources du bassin parisien étaient peu fiables. Qu'à cela ne tienne ! Pour arroser Paris, on irait se servir… en Champagne. Et voilà des kilomètres de dérivations, canaux et autres tuyaux mis en place pour filer jusqu'à la capitale. Petit problème : si la vallée de la Seine est en contrebas, Montmartre, Belleville et Ménilmontant sont plus haut. Il faudra donc pomper et construire des réservoirs en hauteur. Cela explique l'étrange château d'eau accolé au Sacré-Cœur. Mais qui connaît l'extravagant réservoir de la rue Copernic, en plein XVIe arrondissement ? Les voisins de la place Victor-Hugo longent souvent cette haute muraille de pierre. S'ils volaient, ils découvriraient un bassin équivalent à plusieurs terrains de football ! Ce fascinant lac urbain alimente les lacs du bois de Boulogne. L'oasis a pourtant sa part d'ombre : son sous-sol est « agrémenté » de cachots construits par la Gestapo durant l'Occupation.

    Comme l'écrivait Jacques Yonnet dans Rue des maléfices, «Il n'est pas de Paris, il ne sait pas sa ville, celui qui n'a pas fait l'expérience de ses fantômes»…



     

    Il y a cent ans, la crue

    À l'heure du succès du film 2012, la crue de 1910 est notre petite catastrophe à nous, notre apocalypse gauloise. Depuis un siècle, ses photos font frissonner les Parisiens.

    En quelques jours du mois de janvier 1910, le niveau de la Seine est monté à 8,62 m. On avait connu pire en 1658 et 1740, mais à l'aube du XXe siècle, cet événement semblait (déjà) de la science-fiction ! Eugène Belgrand avait beau avoir réclamé de plus hauts parapets pour protéger les quais, l'esthétique a primé : et voilà que ça déborde…

    Situés en contrebas du fleuve, les quais de la future ligne C du RER se remplissent d'une eau qui se répand jusqu'au Faubourg Saint-Germain et inonde tout le plat de la rive gauche. De même, rive droite, la construction du métro permet au fleuve de s'écouler jusqu'à la gare Saint-Lazare.

    Lors, tout s'arrête : électricité, gaz d'éclairage, téléphone, eau potable, chauffage de ville… Trains, tramways et, bien entendu, métros sont immobilisés, tandis que les rues sont de plus en plus inondées. De nombreux ponts sont fermés, cloisonnant les rives comme le mur de Berlin.

    Tels des doges vénitiens

    Les rues se hérissent de passerelles bricolées ; on va d'immeuble en immeuble, dans des canots ; on jette ses ordures dans la Seine ; les députés entrent à l'Assemblée tels des doges vénitiens…

    Passées les heures spectaculaires (à peine dix jours) viennent la décrue et les comptes. La Seine mettra deux mois à regagner son lit. Deux mois durant lesquels on constatera les dégâts et les ruines. Plus que Paris, la banlieue aura souffert de la crue : ­les immeubles y étant moins solides, de nombreuses maisons de bois s'effondreront.

    Un siècle plus tard, les Parisiens attendent leur nouvelle crue centennale. Selon les estimations, elle toucherait 250 km², frapperait directement 500 000 personnes et coûterait entre 8 et 9 milliards d'euros. Hollywoodien, n'est-ce pas ?

    http://www.lefigaro.fr/livres/2009/12/07/03005-20091207ARTFIG00408-l-eau-dansl-imaginaire-parisien-.php

  • Walter Benjamin, flâneur de la pensée

    Critique

    Publication du premier volume des «Œuvres complètes»

    Par ROBERT MAGGIORI

    Walter Benjamin Œuvres et inédits Edition critique intégrale, éditée par Christoph Gödde et Henri Lonitz, sous la responsabilité (version française) de Gérard Raulet. Tome 3 : le Concept de critique esthétique dans le romantisme allemand, édition préparée par Uwe Steiner, traduction de l’allemand par Philippe Lacoue-Labarthe, Anne Marie Lang et Alexandra Richter. Fayard, 574 pp., 28 €.

    Walter Benjamin adorait les «petites choses», les angelots et les décorations de Noël, les boules à neige, les «figurines de papier mâché du musée Koustarny», les confiseries en sucre filé, les soldats de plomb, les citations et les timbres, ces «cartes de visite que les grands Etats déposent dans la chambre des enfants». Sa mère lui reprochait, petit, d’être très maladroit. C’est pourquoi, peut-être, préférait-il ce qui était déjà en morceaux à ce qu’il risquait de réduire ainsi. S’il fallait, pour sa biographie comme pour son œuvre, choisir un sceau, on opterait forcément pour fragment.

    Sa vie, que le suicide achève le 26 septembre 1940 à Port-Bou, quand s’écroule l’espoir de l’exil, a été d’errance, ou de fuite perpétuelle, de Berlin à Ibiza, de Fribourg à Capri, Moscou, San Remo, Skovsbostrand ou Paris. Sa carrière ne l’a pas même conduit à un strapontin universitaire. Ses amours ont été fiévreuses : il aime une femme, et une autre encore, pendant qu’il aime son épouse et suit Asja Lacis, la pasionaria lettone qui sentimentalement le torture et politiquement lui fait «appréhender l’actualité d’un communisme radical». Ses amitiés ont gardé quelques épines, parce qu’elles le lient à Theodor Adorno et à Hannah Arendt, qui ne s’aiment guère, à Gershom Scholem et à Bertolt Brecht, qui le tirent à hue et à dia, l’un vers la théologie, le messianisme juif et la Palestine, l’autre vers l’engagement révolutionnaire, le matérialisme dialectique et l’URSS. Intellectuel isolé, inclassable, Benjamin a quand même atteint, malgré ses mauvaises étoiles, le but qu’il recherchait : ne vivre que pour et par l’écriture, mal certes, mais avec la satisfaction d’être considéré comme «le premier critique de la littérature allemande».

    Cette image aussi est fragmentaire. Critique, Benjamin l’est certainement, mais on le dira de même philologue et traducteur (Baudelaire, Proust, Saint-John Perse), historien de la littérature et essayiste, philosophe, théologien, poète, esthéticien, conteur, sémiologue des paysages urbains… La réception de son œuvre a connu des variations extrêmes : cycliquement oubliée et portée aux nues, réduite tantôt à un «squelette d’intuitions théoriques et de concepts», à l’antre d’un «chasseur de perles» (H. Arendt) où chacun trouve collier à son goût, tantôt à une architecture baroque dont la sophistication, la beauté et la «masse» laissent bouche bée. Qu’on n’y voie guère d’unité, ou qu’on l’entoure d’une aura magique en y apercevant les correspondances subtiles qui lient ses divers «objets» - romantisme allemand, photographie, messianisme, marxisme, destin de l’œuvre d’art à l’époque de l’industrie culturelle, philosophie du langage, radio, «passages parisiens», condition de l’homme pris entre tradition et modernité -, il reste que l’œuvre benjaminienne est toute en pièces. Elle est en partie faite d’essais, d’ouvrages inachevés, d’esquisses, d’articles, elle est publiée sans ordre chez des éditeurs différents. Pour aucun autre auteur, il n’était aussi nécessaire de procéder à un «regroupement des écrits», qui rende visible la façon dont Benjamin a su «mettre à nu le macrocosme historique dans des microcosmes de détails» (Jean-Michel Palmier).

    L’événement aura longtemps été attendu : voilà enfin l’«édition critique intégrale» des Œuvres et inédits de Walter Benjamin. Coordonnée par Gérard Raulet, cette édition scientifique suivra un ordre chronologique, bien qu’elle ne s’inaugure pas par les Ecrits de jeunesse, mais par le tome 3, le Concept de critique esthétique dans le romantisme allemand. Les éditeurs ont estimé plus pertinent de commencer par le premier livre de Benjamin, l’un de ses rares ouvrages «achevés», présenté comme thèse en 1919, qui «déterminera dans une large mesure les orientations ultérieures de sa pensée». Assez ardu, le texte est en effet fondateur : il permet à la critique, conçue comme «pouvoir de vie et de mort sur les œuvres» (parce que, loin de simplement les «évaluer», elle en dégage «l’idée infinie» et les pousse vers leur achèvement), de devenir un genre à part entière, et un outil de connaissance philosophique. L’édition s’étalera sur plusieurs années, et éclairera le maximum de faces du polyèdre benjaminien. Mais arrivera-t-on jamais à «cerner» la figure de Walter Benjamin, éternel flâneur, «habitant de la vie déplacée», et son œuvre, qui est comme la mer insondable dans laquelle plonge et replonge le «chasseur de perles» ?

    http://www.liberation.fr/livres/0101608979-walter-benjamin-flaneur-de-la-pensee

  • « Tango flamand », de Jean-Christophe Chauzy, scénarisé par Marc Villard

     

    LE MONDE | 10.07.2014 à 14h37 | Par Frédéric Potet

     

    « Tango flamand », de Jean-Christophe Chauzy, scénarisé par Marc Villard.

    « Tango flamand », de Jean-Christophe Chauzy, scénarisé par Marc Villard. | LE MONDE

     

    Solder le passé
    Allez savoir pourquoi mais il suffit de commencer la lecture d'un polar se déroulant à Ostende pour imaginer tout de suite une ambiance de mer du Nord en hiver avec crachin humide, vent cinglant et piaillements d'oiseaux dans un ciel si bas qu'un canal s'en pendrait. C'est mal connaître le littoral belge en été. Et Marc Villard par la même occasion.

    Le soleil brille intensément ce jour-là sur la station balnéaire et, quand il brille comme cela, « les mouettes se taisent » tandis qu'« une prégnance de crevette grillée monte au-dessus du port », écrit le romancier et scénariste au tout début de ce Tango flamand.

    Il a beau faire jour, et grand beau temps, donc, à Ostende, les strip-teaseuses du Florida en terminent avec leur show. « La moquette est râpée. Elle exhale des odeurs de viande sale et de make-up », poursuit Villard, à qui deux cases auront suffi pour poser le décor. Touristes, passez votre chemin.

    CHARBONNEUX MAIS PAS TROP

    Illustration de « Tango flamand », de Jean-Christophe Chauzy, scénarisé par Marc Villard.Illustration de « Tango flamand », de Jean-Christophe Chauzy, scénarisé par Marc Villard. | LE MONDE

    C'est ici, au Florida, que travaille Tina quand elle n'exerce pas sa deuxième activité – prostituée – pour arrondir ses fins de mois. Elle quitte le lieu cet après-midi-là en compagnie d'un « client » au physique et à la chemise de bûcheron, répondant au prénom de Franck, dit Francky. Son métier ? « Je regarde Internet », indique le gaillard.

    Arrivé à destination, le balèze joue du coup de poing et enferme, vivante, la jeune femme dans un cercueil en merisier. Tina va devoir « payer » pour ses « péchés », mais aussi pour ceux commis par la mère de son kidnappeur. Elle aussi fut dame de petite vertu. Francky se souvient encore de ces nuits à pleurer seul dans son lit d'enfant ou de ces journées caché dans la cave pendant que sa mère vendait ses charmes. L'heure est venue de solder ce passé trop encombrant. Tant pis pour toi, Tina. On ne voit pas comment ton jules, ce looser de Jimi, arrivera à te sortir de là…

     

    Pour mettre en images cette nouvelle sentant fort le « parfum de contrebande » et la cabane à frites, Marc Villard a fait appel à Jean-Christophe Chauzy, un pilier de Fluide glacial avec qui il a commis deux albums : Rouge est ma couleur (Casterman, 2005) et La Guitare de Bo Diddley (Casterman, 2009).

    Le trait semi-réaliste, charbonneux mais pas trop, du dessinateur accentue le sentiment de « désespérance portuaire » qui émane du récit. Ne manque qu'une bande-son à ce Tango flamand traversé par le son d'un bandonéon pas rance, mais presque.

    Retrouvez « Les Petits Polars du “Monde” avec SNCF », saison 3, « La Volupté du billabong », d'Hervé Claude, vendredi 11 juillet, dans les « Vendredis du polar », de 20 heures à 21 heures, sur France Culture. A réécouter et à podcaster sur Franceculture.fr.


    Jean-Christophe Chauzy et Marc Villard vus par Jean-Christophe Chauzy.Jean-Christophe Chauzy et Marc Villard vus par Jean-Christophe Chauzy. | LE MONDE

    Dessinateur : Jean-Christophe Chauzy

    Né à Toulouse en 1964, Jean-Christophe Chauzy cultive très tôt sa double passion pour le rock et la bande dessinée. Il commence sa carrière de dessinateur dans la presse indépendante, Nineteen à Toulouse, Combo ou Best à Paris. Dès 1989, il signe ses premiers albums chez Futuropolis ( Bayou Joey avec Matz).

    Il explore en alternance deux veines scénaristiques et graphiques. L'une est directement liée au polar lorsqu'il rencontre Thierry Jonquet. Avec cet écrivain, il signe quatre bandes dessinées, La Vigie, La Vie de ma mère, DRH et Du papier, faisons table rase, tous chez Casterman. Son attention pour le roman noir le porte également vers Marc Villard. Ils publient, chez Casterman toujours, Rouge est ma couleur et La Guitare de Bo Diddley. Les rues de Belleville, l'univers de Barbès, les nuits de Pigalle, sont les terrains de création qu'il partage avec ces écrivains de fictions noires.

    Son univers parallèle est plus autobiographique et fantaisiste quand il imagine avec des co-scénaristes comme Zep, Yan Lindingre ou Anne Barrois la série Petite Nature (trois tomes chez Fluide Glacial), où chaque livre tourne en dérision un personnage de quadragénaire qu'il semble bien connaître et maltraite avec ironie. Avec Anne Barrois toujours, Chauzy aborde les aventures humoristiques de Charles en Afrique dans Bonne arrivée à Cotonou (Dargaud).

    Au printemps 2012, il s'est lancé un autre défi en signant avec la journaliste Caroline Fourest un album intitulé La Vie secrète de Marine Le Pen (éditions Grasset/Drugstore). L'album reprend l'enquête journalistique pour développer une galerie de portraits aussi délirants que réalistes. Il vient également de publier le tome 2 de Revanche avec le scénariste Nicolas Pothier (chez Treize étrange). Après Revanche, société anonyme voici Revanche, raison sociale, deux œuvres qui plongent dans la réalité en évoquant avec le personnage de Thomas Revanche les abus de pouvoir et les patrons voyous.
    Jean-Christophe Chauzy enseigne le graphisme à Paris.

    Christine Ferniot

    Scénariste: Marc Villard

    Né en 1947, Marc Villard est diplômé de l'Ecole Estienne, où il se spécialise dans le graphisme. C'est en 1968 qu'il commence à écrire de la poésie. Dix ans plus tard, il s'oriente vers la fiction noire. Il publie Corvette de nuit aux éditions Gallimard et Fayard où il pose déjà ses thèmes favoris : la banlieue, le rock, des héros à la marge. En 1984, il entre à la « série noire » avec Ballon mort puis La Dame est une traînée, avant de publier chez Rivages, la plupart de ses romans et recueils de nouvelles noires (Rouge est ma couleur, Cœur sombre, La Guitare de Bo Diddley…). C'est la pratique de la poésie, une façon de « dégraisser » le texte, d'aller vers l'essentiel, qui le pousse vers la nouvelle et la novella. A ce jour, il a écrit et publié près de cinq cents nouvelles.
    Scénariste pour le cinéma (Neige de Juliet Berto) et la télévision (pour Cyril Collard et Brigitte Roüan), Marc Villard se tourne également vers la bande dessinée en compagnie de Loustal, Jean- Christophe Chauzy, Jean-Philippe Peyraud ou Miles Hyman. Il y affirme son plaisir à travailler avec d'autres artistes – dessinateurs, photographes, peintres – mais également avec des écrivains comme Jean-Bernard Pouy. Il signe avec lui trois recueils de textes (Ping-Pong, Tohu-Bohu et Zigzag aux éditions Rivages) où, chaque fois, ils se répondent à coups de cadavres exquis, duels burlesques ou détours thématiques.
    Parallèlement à ses romans, bandes dessinées et nouvelles noires, Marc Villard a signé des fictions pour la jeunesse comme Les Doigts rouges chez Syros, mais aussi des textes autobiographiques et humoristiques aux éditions de l'Atalante : J'aurais voulu être un type bien, Un jour je serai latin lover, Avoir les boules à Istanbul... Ces textes courts ont été adaptés en bande dessinée par Jean-Philippe Peyraud sous le titre Quand j'étais star, chez Casterman. En 2014, il réédite Retour au Magenta, chez Rivages/Noir, un recueil de nouvelles paru en 1998 au Serpent à plumes. Il vient également de publier une novella, Zina et Lechien chez Oslo.
    Chr. F.

     
  • VENISE

    A Venise, on danse partout

    Muriel Steinmetz
    Lundi, 6 Juillet, 2015

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    La chorégraphe belge Anne Teresa de Keersmaeker et le Français Boris Charmatz, en duo sur la scène de la Cour d'honneur du Palais des papes sur la «Partita N³2 de Bach en 2013.
    DR
    Dans l’intervalle de la biennale qui n’a pas lieu cette année, Virgilio Sieni qui dirige la manifestation a tenu à remette un Lion d’Or à Anne Teresa de Keersmaeker et invité Boris Charmatz, entre autres.
    Venise, envoyée spéciale. Venise arbore ses façades écaillées de lumière.  Le Lido rivalise avec Saint-Tropez. La vieille  Cité lacustre que Proust voyait comme le « haut lieu de la beauté  » se débat avec des hordes de touristes. L’eau noire des canaux  battue en neige  par les hélices des paquebots  monstres ronge la base des  palais. Les vestibules sont inondés. Les escaliers couvets d’algues vertes et glissantes. En cette année creuse pour la biennale de la danse, des événements dévolus à cet art ont toutefois eu lieu récemment dans la Sérénissime. Virgilio Sieni qui préside à la manifestation a remis un Lion d’Or à la chorégraphe belge Anne Teresa de Keersmaeker.
     
    Au Théâtre Alle Tese de l’Arsenale, elle a dansé « Fase. Four mouvements to the Music of Steve Reich » ( 1982),  une suite de prouesses physiques répétitives. Reich qui a regardé l’oeuvre en son temps a dit: “Jamais  je n’avais vu une telle révélation chorégraphique à partir de mon travail ».  Dans le premier mouvement intitulé «  Piano Phase »,  Anne Teresa de Keersmaeker et Tale Dolven, vêtues de robe gris perle, chaussures et socquettes blanches aux pieds, évoluent d’abord sur une ligne latérale en gestes simples, toujours les mêmes. Dans « Come out », en pantalons gris avec poches sexy, chemise beige et bottines noires, elles sont assises sur des tabourets. Depuis cet axe fixe, elles effectuent des gestes répétitifs des bras et du buste tandis que leurs jambes sont au chômage.
     
    La chorégraphe au gouvernail compte à voix haute les changements de registres. On dirait des ouvrières prises dans les rouages d’un mouvement perpétuel.  Dans «  Violin Phase », Keersmaeker est seule (robe grise, socquettes de collégienne) à se mouvoir autour et dans un cercle de lumière, balançant parfois la jambe, montrant sa culotte comme une petite fille. Avec « Clapping Music » enfin, les deux interprètes s’avancent de profil en demi pointes, légers rebonds et claquements de mains. C’est à la fois minimaliste, bondissant, hyper structuré et sensuel.
     Dans ce même théâtre, on a pu assister à « Roman photo », courte pièce de Boris Charmatz  (à la tête du Musée de la danse/ Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne) et Olivia Grandville, dansée par des interprètes amateurs italiens choisis sur place via une vidéo envoyé au chorégraphe. Ils n’ont eu que 70 heures pour répéter ! Les gestes complexes sont précis, pas plus d’une minute chacun. La pièce se donne sous la forme d’un regard en coin jeté sur l’œuvre de Merce Cunningham. Tandis qu’Olivia Granville au pupitre tourne lentement les pages d’un livre de David Vaughan (« Merce Cunningham, un demi siècle de danse »), les interprètes reproduisent les figures photographiées dans l’ouvrage. Tout est performé du début à la fin.
    Ils portent les fameux justaucorps qui constituent l’une des marques de fabrique du maître de la post-moderne danse américaine, un brun plus colorés. Ce mini-event constitue une vraie prouesse et l’on salue à plein le résultat.
    Par ailleurs, Virgilio Sieni, très attaché à ce que la danse soit partout chez elle à Venise, multiplie les rencontres où le mouvement s’épanouit en plein air ou dans la stricte rigidité des demeures historiques. Il a ainsi donné l’occasion à des amateurs d’interpréter in situ des œuvres de chorégraphes choisis par eux. La durée des pièces n’excède jamais vingt minutes.
    On a ainsi vu notamment « Nous serons tous des étrangers » du  franco-tunisien Radhouane El Meddeb,  dansé par six interprètes sur le « Campo san Trovaso », petite place devant une église près de laquelle un canal passe sous un pont de marbre. Les danseurs qui miment la révolte, sont observés par le public volontaire ou involontaire qui passe et s’arrête : boutiquiers, artisans, employés de commerce. Sur le Campo Sant’Angelo, vaste place d’où l’on voit sur les balcons sécher des draps blancs, et où chacun remarque une cage d’oiseau suspendue entre deux pots de fleurs, sept danseurs donnent « Dirty hands and beauty », conçue par le Catalan Cesc Gelabert. Ce sont des mimes prodigieux. Les doigts au bout des mains complotent. Le visage de chacun est une comédie et une tragédie. Pièce forte qui joue le désir. Ils plongent leurs bras dans de l’argile liquide et leurs gesticulations se figent et durcissent à vue d’oeil devant un public médusé.  On apprécie la volonté de Virgilio Sieni d’ainsi vouloir essaimer dans la ville des créations de qualité contrastée offertes à tous.
     

  • J'ai terminé hier soir la revue de mon mari:Des trains de rêve dans le nouveau hors-série GEO Collection

    Des trains de rêve dans le nouveau hors-série GEO Collection

    Les plus beaux voyages, les lignes mythiques, les machines d’hier et de demain... Embarquez sur les voies de l'aventure et retrouvez la magie du voyage ferroviaire tout au long de ce numéro exceptionnel. A découvrir chez votre marchand de journaux dès ce jeudi 14 avril.

    L'édito

    Les voies de l'aventure

    A force de tunnels et de ponts audacieux, on pourra peut-être faire le tour du monde en train sans changer de siège. En attendant, le chemin de fer hante toujours nos imaginaires. Pour de petits et de grands voyages. Je me souviens par exemple d’une grosse draisine à pétrole ferraillant dans l’est de Madagascar qui remontait à travers la forêt d’eucalyptus. Elle allait si lentement que nous aurions pu tout aussi bien aller à pied… Mais aussi de ce train interdépartemental, si familier, entre Quimper et Brest. Un jour, il s’arrêta net en pleine campagne, victime d’une panne de réseau. Tout s’éteignit. Silence de quelques minutes dans le wagon vide. Derrière la vitre en Plexiglas, devenue écran de cinéma, le paysage était redevenu un tableau frais, où l’herbe était dépeignée par le vent. Comme un instant brut, volé au temps du trajet. Donné par le train.

    Cette magie du voyage ferroviaire se poursuit aujourd’hui, et vous la retrouverez tout au long de ce numéro exceptionnel. Dans ce qu’il a de plus fascinant d’abord, avec ses lignes légendaires, ses machines énormes, parfois antédiluviennes, ses espaces ouverts et conquis, rail après rail. Ici, lorsque le train affronte les versants enneigés des Alpes suisses, là, lorsqu’il cahote dans les plaines brûlées de l’Erythrée, son panache de fumée aussitôt bu par la chaleur. Plus loin, au Vietnam, dans un wagon qui sent bon la mangue et la laque, et sinue le long de la côte, du nord au sud. Ou sur le toit de cet express, envahi de marchands et de travailleurs devenus, pour l’occasion, de fragiles équilibristes.

    Mieux ! Si elle garde toute sa mythologie comme en témoigne l’épopée américaine, avec ses rutilantes locos et furtifs hobos, la puissante machine, née au XIXe siècle, semble avoir l’avenir pour elle : propre, économique, presque toujours fiable, elle conquiert un à un les continents. Les Chinois sont à la manoeuvre, là aussi, qui tissent les mailles de leur empire géant en Asie, en Afrique et jusqu’en Europe… Et les technologies du futur l’emportent aussi dans leur élan : admirez ces prototypes hypersophistiqués, dignes d’un rêve à la Philip K.Dick. Demain, les Maglev, les Hyperloop et autres trains futuristes glisseront en cisaillant l’espace. Si le premier utilise des aimants supraconducteurs, le deuxième avalera 500 kilomètres par demi-heure, hissé sur coussins d’air ! Quant au SkyTran, lui, il emprunterait à l’avion…

    En attendant, rien ne remplacera les mille imprévus, cahots et brimbalements, puisque le rail reste un formidable terrain d’aventure. A la fin de ce numéro, nous vous proposons d’ailleurs une sélection des meilleurs trajets, en Australie, en Inde ou vers le Moyen-Orient. Au premier coup de sifflet, c’est le monde qui défile par la fenêtre. Puis s’immobilise. Pour s’offrir, encore, au voyageur.

    Jean-Luc Coatalem, rédacteur en chef adjoint
     

    Au sommaire du hors-série GEO Collection "Trains de rêve"

    PANORAMA
    Sur les chemins de traverses - Filant dans des sublimes paysages de montagnes, de déserts ou de forêts, les trains se prêtent à la rêverie comme à l’aventure.

    CHINE
    Le nouvel empire du rail - Parti de rien il y a une décennie, le géant asiatique est devenu le numéro un du train à grande vitesse. Enquête.

    ÉCOSSE
    Les Highlands en "deluxe class" - Entre lande et lochs, le Royal Scotsman fait voyager quelques privilégiés sur l’une des plus belles voies ferrées du monde.
    >>> PHOTOS : Royal voyage à travers les Highlands
    >>> VIDÉO : Le making-of de notre reportage 

    HISTOIRE
    Dans la légende de l’Amérique - Indissociable de la conquête de l’Ouest et de la ruée vers l’or, le train est une icône de la mythologie américaine. Retour sur son épopée.

    La ballade des vagabonds du rail - Ils s’appelaient les hobos. Pendant un demi-siècle, ces ouvriers saisonniers ont sillonné les Etats-Unis en train par centaines de milliers. Clandestinement.

    VIETNAM
    Sur les voies du renouveau - En 1986, le pays de l’Oncle Hô s’ouvrait à l’économie de marché. Emprunter ses rails permet d’observer les effets de ce changement.

    RUSSIE
    A Sakhaline, les trains n’ont pas peur du froid - Tempêtes de neige, avalanches… Sur cette île de Sibérie, les convois circulent sept mois par an dans des conditions extrêmes.

    ÉRYTHRÉE
    A petite vapeur vers la mer Rouge - En 2015, des fanas de train ont traversé ce pays en plein chaos, dans des wagons tirés par une locomotive de 1938. Récit de leur odyssée.

    TECHNOLOGIE
    Quels bolides pour demain ? Les trains continuent de stimuler l’imagination des ingénieurs. Panorama des projets les plus audacieux, de l’Hyperloop au String Rail.

    BANGLADESH
    Sur le dos du cheval de fer - Ici, des milliers d’habitants parcourent tous les jours les quelque 3 000 kilomètres de voies ferrées, juchés sur les toits des wagons.

    SUISSE
    Slalom géant entre les Alpes - De Genève à Tirano, au seuil de l’Italie, nos reporters ont tutoyé les cimes enneigées du toit de l’Europe à bord d’une vingtaine de trains. Grandiose !

    CAHIER PRATIQUE
    Des trains d’exception - Orient-Express, Indian Pacific, Transsibérien, Canadian, California Zephir, Al Andalus… Un tour du monde ferroviaire extraordinaire.


    En savoir plus sur http://www.geo.fr/en-kiosque/des-trains-de-reve-dans-le-nouveau-hors-serie-geo-collection-160739#W81uu931vHMuVh0q.99
  • Prométhée,Poème de Louise Ackermann

    Frappe encorJupiteraccable-moimutile
    L
    'ennemi terrassé que tu sais impuissant !
    Écraser
     n'est pas vaincre, et ta foudre inutile
    S
    'éteindra dans mon sang,
    Avant d'avoir dompté l'héroïque pensée
    Qui
     fait du vieux Titan un révolté divin ;
    C
    'est elle qui te brave, et ta rage insensée
    N
    'a cloué sur ces monts qu'un simulacre vain.
    Tes
     coups n'auront porté que sur un peu d'argile ;
    Libre
     dans les liens de cette chair fragile,
    L
    'âme de Prométhée échappe à ta fureur.
    Sous
     l'ongle du vautour qui sans fin me dévore,
    Un
     invisible amour fait palpiter encore
    Les
     lambeaux de mon cœur.

    Si
     ces pics désolés que la tempête assiège
    Ont
     vu couler parfois sur leur manteau de neige
    Des
     larmes que mes yeux ne pouvaient retenir,
    Vous
     le savezrochersimmuables murailles
    Que
     d'horreur cependant je sentais tressaillir,
    La
     source de mes pleurs était dans mes entrailles ;
    C
    'est la compassion qui les a fait jaillir.

    Ce
     n'était point assez de mon propre martyre ;
    Ces
     flancs ouverts, ce sein qu'un bras divin déchire
    Est
     rempli de pitié pour d'autres malheureux.
    Je
     les vois engager une lutte éternelle ;
    L
    'image horrible est là ; j'ai devant la prunelle
    La
     vision des maux qui vont fondre sur eux.
    Ce
     spectacle navrant m'obsède et m'exaspère.
    Supplice
     intolérable et toujours renaissant,
    Mon
     vrai, mon seul vautour, c'est la pensée amère
    Que
     rien n'arrachera ces germes de misére
    Que
     ta haine a semés dans leur chair et leur sang.

    Pourtant
    , ô Jupiter, l'homme est ta créature ;
    C
    'est toi qui l'as conçu, c'est toi qui l'as formé,
    Cet
     être déplorableinfirmedésarmé,
    Pour
     qui tout est dangerépouvantetorture,
    Qui
    , dans le cercle étroit de ses jours enfermé,
    Étouffe
     et se débat, se blesse et se lamente.
    Ah !
     quand tu le jetas sur la terre inclémente,
    Tu
     savais quels fléaux l'y devaient assaillir,
    Qu
    'on lui disputerait sa place et sa pâture,
    Qu
    'un souffle l'abattrait, que l'aveugle Nature
    Dans
     son indifférence allait l'ensevelir.
    Je
     l'ai trouvé blotti sous quelque roche humide,
    Ou
     rampant dans les bois, spectre hâve et timide
    Qui
     n'entendait partout que gronder et rugir,
    Seul
     affamé, seul triste au grand banquet des êtres,
    Du
     fond des eaux, du sein des profondeurs champêtres
    Tremblant
     toujours de voir un ennemi surgir.

    Mais
     quoi ! sur cet objet de ta haine immortelle,
    Imprudent
     que j'étais, je me suis attendri ;
    J
    'allumai la pensée et jetai l'étincelle
    Dans
     cet obscur limon dont tu l'avais pétri.
    Il
     n'était qu'ébauché, j'achevai ton ouvrage.
  • Jadis

    DÉFIS N °230 : THÈME " AU TEMPS JADIS " ET OÙ AUX CHOIX " LISTE DE MOTS "⁹

    Centon

    Un coteau vert, que le couchant jaunit[1].

    Les boulevards verts ! Jadis, j'admirais sans baisser les paupières, mais le soleil n'est plus un hortensia[2].

    Et puis laisse ton coeur ouvert[3] !

    Et le Plaisir rit dans l'alcôve[4]

    Tu es le grand soleil qui me monte à la tête[5]
    Ouvrez, les gens, je suis la pluie[6].

     

    30 avril 2019

     

     

     

    [1] http://www.lauravanel-coytte.com/archive/2007/05/23/la-chaine-des-poetes-transmise-par-jos.html

    [2] http://www.lauravanel-coytte.com/archive/2019/03/14/pur-jeudi-6135207.html

    [3] http://www.lauravanel-coytte.com/archive/2019/01/17/victor-hugo-il-fait-froid-6119075.html

    [4] http://www.lauravanel-coytte.com/archive/2018/02/01/fantaisies-d-hiver-de-theophile-gautier-pour-les-croqueurs-6029972.html

    [5] http://www.lauravanel-coytte.com/archive/2018/12/14/14-decembre-1895-naissance-de-paul-eluard-6112866.html

    6 http://www.lauravanel-coytte.com/archive/2018/12/06/decembre-d-emile-verhaeren-6108784.html

     

     

    Ohé matelots !  

    A la barre du bateau des croqueurs de mots pour cette quinzaine,

    Jazzy nous propose  de jouer aux centons pour le lundi 6 mai .

    Attention, elle n’a pas dit santons,  pas question de manipuler

    ces fragiles figurines en argile des crèches provençales…

    Dans la Rome impériale on appelait “cento” les morceaux de tissu dépareillés

    que cousaient les légionnaires afin de se fabriquer un sous – vêtement

    qui puisse leur tenir chaud sous la cuirasse de métal .

    Par analogie le centon est un jeu littéraire qui consiste à composer

    un poème original à partir de vers empruntés à divers auteurs .

    Centons donc ( pas sous la pluie j’espère  ) au mois de mai comme il nous plaira ,

    poème, histoire ou chanson, tout est permis.

    Pour le jeudi poésie du 2  mai 

    Un poème en calligramme personnel ou non

    Exemple, Arbre généalogique de Toulmonde

                                        ô                                   a a                                  ma ta                                 oui non                                tout rien                               fleur ortie                              oiseau vipère                             univers cellule                            ordre un désordre                           astérisme nébuleuse                          atome pain beurre feu                         air liberté eau esclave                        soleil champ ville ruelle                       planète terre globe lunaire                      lumière jardin ombre asphalte                     arbre joie jour nuit pleur peur                    maison table blé chambre province                   pays pierre temps espace poussières                  orient plein amour occident vide faim                 sourire caresse toi lui crainte travail                bonheur printemps on eux muscles fer pied               main sein femme bonté sexe bras femme roche              coeur essence soif foi corps existence prison             lumière feuille été jus automne plastique béton            montagne cheval sentiers vallée automobile ciment           oeuf éclosion santé maman bombe explosion sang bobo          musique étoile neige sapin cri sommeil crépuscule loi         couleur rythme papillon jeu ver gris vitesse stop meute        danse vague océan rivage sel accident visage écume coulée       chant prière parole livre sol machine radio télévision plan      dessin ligne courbe volume pas building argent électricité go     fruit légume lait miel céréales hot dog hamburger steak patates    enfant femme beauté  paix  HOMME HOMME  animal végétal minéral mû

    Raôul Duguay

    Pour le jeudi poésie du 9 mai

    Prenez un poème que vous aimez, volez les verbes

    et utilisez les dans votre propre poème sans changer l’ordre des verbes

    ( ils peuvent être conjugués différemment ) 

    ou écrire ou trouver un poème de 56 mots pas un de plus pas un de moins.

     

    Le Môt de Dômi

     

    Voilà un défi fort plaisant.

    Je n’ai pas su insérer ton image Jazzy

    et comme j’avais publier un poème en calligramme

    tout récemment sur mon blog, je l’ai apporté ici à titre d’exemple..

    Pour le centon, ne pourrions nous pas dire aussi

    que c’est un patchwork poétique, vu ta photo

    c’est à ça que j’ai pensé tout de suite.

    Alors un poème en 56 mots, je suis curieuse de voir

    qui sera capable de nous le pondre, cela dit je ne doute

    pas un seul instant de votre talent poétique 

    A vos plumes chers matelotes (ça me plait bien au féminin   )

     

    Bises amirales.

    Dômi.

    http://croqueursdemots.apln-blog.fr/patchwork-poetique-pour-le-defi-220/

  • L’année Bruegel s’est ouverte le 2 octobre au Kunsthistorisches Museum de Vienne

    Bruegel, une technique virtuose à la loupe

    Par  • le 25 octobre 2018

    Avec un rassemblement unique des chefs-d’œuvre du peintre flamand, l’année Bruegel s’est ouverte le 2 octobre au Kunsthistorisches Museum de Vienne. L’occasion de présenter les résultats de six années de recherches menées par le Bruegel Wiener Project sur la technique picturale de l’artiste et d’inviter le spectateur à se plonger dans l’œuvre foisonnante de cet orfèvre de la peinture. Décryptage en cinq points.

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    http://www.lauravanel-coytte.com/la-dynastie-brueghel/

    1. De véritables machines à remonter le temps

    Aussi bien pour ses paysages que pour ses fameuses Wimmelbilder, où fourmillent ses petits personnages si caractéristiques, Bruegel fait preuve d’un sens aigu de l’observation. Bien que les informations manquent concernant les éventuels modèles et les lieux réels qu’il aurait représentés, la précision avec laquelle il se fait le témoin de son époque est impressionnante. Il retranscrit en peinture avec une extraordinaire habileté les textures et les volumes, qui nous donnent l’impression très vive de participer à l’univers qu’il dépeint. Aussi, les mille et un objets de la vie quotidienne qui parsèment ses scènes de genre peuvent être très précisément confrontés aux chaussures, écumoires ou cruches utilisées dans les Pays-Bas du XVIe siècle et exposées dans les vitrines du Kunsthistorisches Museum. Évoquant la traversée des Alpes de Bruegel lors de son voyage vers l’Italie (1552–1554), Karel Van Mander (1548–1606) écrit que ce dernier aurait « avalé tous les monts et rochers pour les vomir sur ses toiles et ses panneaux ».

     
    Pieter Bruegel l’Ancien, Le Peintre et le connaisseur
     

    Pieter Bruegel l’Ancien, Le Peintre et le connaisseur, 1566

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    2. Un savoir-faire ancestral pour la préparation du support

    Avant la mise en place de la composition et la mise en couleur, l’artiste doit préparer son support. Une étape longue et fastidieuse, à laquelle il accorde toute son attention. Pour Bruegel, qui peint principalement sur des panneaux de bois, le choix d’un matériau de qualité et un assemblage parfait sont cruciaux. C’est pourquoi les très fines planches de chêne de grande qualité importées de la Baltique auront été débitées sur quartier afin d’éviter qu’elles ne se déforment, puis solidement chevillées et collées. Enfin, les joints seront renforcés par l’application de toile enduite. Une fois le support préparé, le peintre s’efforce de rendre sa surface extrêmement lisse en appliquant une épaisse pâte à base de craie. Mais, afin d’empêcher que celle-ci n’absorbe les couleurs, l’artiste appose à l’aide d’une large brosse une imprimatur, une fine couche de craie et de blanc de plomb dilués dans l’huile, qui servira d’isolant. En donnant le ton de fond, elle permettra également la réverbération de la lumière, accordant ainsi aux peintures de Bruegel leur formidable éclat.

     

     
    Vue de l’exposition – Revers du Portement de croix
     

    Vue de l’exposition – Revers du Portement de croix

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    3. Des dessins préparatoires sous-jacents

    C’est seulement une fois ces étapes effectuées que Bruegel peut s’attaquer à sa composition. Bien qu’il fût un dessinateur virtuose et prolifique, peu d’esquisses préparatoires nous sont parvenues. Toutefois, les dessins sous-jacents qui ont pu être révélés par les photographies infrarouges sont extrêmement précieux pour comprendre le processus de création du peintre. Généralement exécuté à sec, à la craie noire plutôt qu’à l’encre, celui-ci révèle dans la majorité des cas des contours extrêmement précis, indiquant que le motif a été reporté sur le support d’après une composition travaillée en amont. Dans les œuvres plus tardives transparaît néanmoins une plus grande liberté du geste, suggérant que l’œuvre a peut-être été directement réalisée sur le panneau sans travail préparatoire. Un savoir-faire hérité d’une vie consacrée à la peinture !

     

     
    Pieter Bruegel l’Ancien, Chasseurs dans la neige (détail photographie en lumière visible et photographie en réflectographie infrarouge)
     

    Pieter Bruegel l’Ancien, Chasseurs dans la neige (détail photographie en lumière visible et photographie en réflectographie infrarouge), 1565

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    4. Une construction méthodique de l’espace

    Avec une multitude de sujets représentés au sein d’une même œuvre, la construction rigoureuse de l’espace est indispensable ! En choisissant un format généralement horizontal, qui offre un point de vue panoramique sur la scène, le peintre met en place plusieurs éléments pour organiser l’espace et guider le regard : dans la Fenaison, par exemple, le chemin au premier plan et la figure repoussoir de l’arbre à droite font pénétrer le spectateur directement dans l’espace pictural. Le savant étagement des plans prend ensuite le relais pour orienter progressivement le regard jusqu’à l’horizon et la perspective atmosphérique, caractérisée par les différentes nuances de bleu qui matérialisent le lointain.

     
    Pieter Bruegel l’Ancien, La Fenaison
     

    Pieter Bruegel l’Ancien, La Fenaison, 1565

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    5. Une touche qui restitue minutieusement les matières

    Depuis le XVIe siècle, la virtuosité de la touche de Bruegel force l’admiration. Derrière une apparente facilité, le peintre dissimule une parfaite maîtrise des effets les plus divers, des bruns épais et sourds aux glacis transparents les plus lumineux. Que ce soit avec une large brosse ou un pinceau fin muni de quelques poils seulement, Bruegel manipule avec aisance un large éventail d’instruments. Mais à cela s’ajoute une inventivité constante dans le travail de la matière : l’éponge lui permet de donner l’illusion du foin à l’arrière-plan du Mariage de paysans, tandis que l’empreinte de ses doigts dans la peinture fraîche est employée pour figurer le fond des poêles des Proverbes flamands. Une technique d’une audace et d’une liberté stupéfiantes !

     

     
    Vue de l’exposition – Les différents pinceaux
     

    Vue de l’exposition – Les différents pinceaux

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    Bruegel

    Du 2 octobre 2018 au 13 janvier 2019

    www.bruegel2018.at

     

     

    À lire

    Bruegel : Die Hand des Meisters

    Sous la dir. de Elke Oberthaler & Sabine Pénot Stuttgart

    Éd. Belser • 240 p. • 49,90 €

  • Fin de: Paul Durand-Ruel et le post-impressionnisme, exposition à la Propriété Caillebotte, du 8 avril au 20 septembre 2

    Paul Durand-Ruel est bien connu comme le défenseur de « la belle École de 1830 » (Delacroix, Corot, Daubigny, Millet...) et surtout comme « le marchand des Impressionnistes» (Monet, Renoir, Degas, Manet, Sisley...). En revanche, on ignore généralement qu’il a apporté le même soutien indéfectible à cinq peintres de la génération post-impressionniste (Moret, Maufra, Loiseau, G. d’Espagnat et André) qui étaient attachés à sa galerie par un contrat moral d’exclusivité


    Maxime Maufra, Holdburn Head (Scrabster) (Ecosse) Thurso, 1895, Huile sur toile, Collection Association des Amis du Petit Palais, Genève, © Studio Monique Bernaz, Genève
    Maxime Maufra, Holdburn Head (Scrabster) (Ecosse) Thurso, 1895, Huile sur toile, Collection Association des Amis du Petit Palais, Genève, © Studio Monique Bernaz, Genève
    Cette méconnaissance tient pour une part à ce qu’il n’a pas vécu assez longtemps pour assurer leur succès. Ils sont entrés dans son écurie au milieu des années 1890 - il avait déjà dépassé la soixantaine -, à un moment où l’impressionnisme commençait tout juste à être reconnu par la critique et par les amateurs d’art éclairés : c’est en 1895 que Monet expose triomphalement chez Durand-Ruel sa série des Cathédrales de Rouen. Quand le galeriste meurt en 1922, après s’être retiré des affaires depuis quelques années, ses poulains n’ont pas eu le temps d’atteindre la grande notoriété.

    Cette méconnaissance tient pour une autre part à ce que ces peintres – aujourd’hui bien présents dans les grands musées, dans les collections privées et sur le marché international de l’art - n’ont bénéficié, au cours des années passées, d’aucune exposition collective qui aurait permis de les découvrir en tant que groupe, d’apprécier leur valeur et de mesurer leurs affinités. Et cela alors même que Durand-Ruel les faisaient très souvent exposer ensemble, tant à Paris qu’à New York.

    Le propos de l’exposition est de réparer cette injustice, en présentant des toiles très rarement exposées, mais révélatrices du grand art de ces peintres.

    L’exposition permettra de dégager les proximités stylistiques de ces peintres de la « troisième génération Durand-Ruel ». Trois d’entre eux - Henry Moret, Maxime Maufra et Gustave Loiseau - sont des paysagistes et des marinistes, qui s’inscrivent dans le sillage de l’impressionnisme, tout en lui apportant de notables inflexions. Henry Moret et Maxime Maufra, en particulier, ont participé, à la fin des années 1880, à l’aventure de Pont-Aven, aux côtés de Paul Gauguin et du groupe synthétiste. Les deux autres – Georges d’Espagnat et Albert André – s’inscrivent davantage en rupture avec l’esthétique impressionniste, préférant au paysage les scènes de genre et la peinture décorative. A cet égard, l’expo- sition de ces coloristes permettra de faire écho, en région Ile-de-France, au Festival Normandie Impressionniste, qui a choisi la couleur comme thématique de sa quatrième édition.

    Enfin, l’exposition sera l’occasion de découvrir, à travers un catalogue très documenté, les relations professionnelles mais aussi amicales qui unissaient ces peintres entre eux et avec leur marchand. Les commissaires se sont livrés à un dépouillement systématique des archives de la maison Durand- Ruel - catalogues d’expositions, livres de stock, de comptabilité, de remis en dépôt – et ils ont décrypté et exploité toute la passionnante correspondance échangée entre Durand-Ruel père et fils et leurs artistes. Cela leur permet de livrer ici un travail de première main, éclairant une période très riche de l’histoire de l’art
     

    Le parcours de l'exposition

    L’exposition réunit soixante peintures, généreusement prêtées pour moitié par des institutions publiques françaises et étrangères et pour moitié par des collectionneurs. La plupart n’ont jamais été montrées au public.

    À l’entrée de la Ferme Ornée, le Portrait de Paul Durand-Ruel par Renoir accueille les visiteurs.

    L’exposition commence au premier étage avec trois paysagistes et marinistes : Gustave Loiseau, Maxime Maufra et Henry Moret. Chevalet sous le bras, tenant dans leurs mains des toiles de moyen format, ces trois peintres arpentent inlassablement, par tous les temps, les rivages et les falaises de la Normandie et de la Bretagne, cherchant dans un style spontané à capter les lumières fugaces et insaisissables de ces régions côtières.

    Loiseau ouvre cette première section avec quatorze toiles, représentant des vues de deux grands ports normands, Rouen et Dieppe, ainsi que des paysages d’Ile-de-France. Influencé par Monet, il peint en série les mêmes motifs à diverses saisons, tels un magnifique Bords de l’Eure (Château-musée de Dieppe) traité par petites hachures ou Le Pont du chemin de fer à Pontoise représenté sous la neige (Museum der Bildenden Künste, Leipzig).

    Puis, avec un ensemble de vingt-quatre toiles, Moret et Maufra élisent la Bretagne comme leur terrain de jeu pictural. Souvent compagnons de travail, ils sont fascinés par la mer et produisent, dans un style synthétiste ou impressionniste selon le cas, de multiples vues du littoral, dans des compositions similaires, tels par Moret L’Île de Groix (musée de la Compagnie des Indes, Lorient) et par Maufra Les trois falaises, St Jean-du-doigt (musée de Quimper) où le regard plonge sur la mer et les rochers. Parfois, la mer disparaît au profi de la falaise animée de personnages, comme dans Les Rochers au bord de l’Aven de Moret (musée de Pont-Aven). Ou bien Maufra assiste, auprès des pêcheurs, à l’échouage d’un bateau un jour de mer agitée (Le Bateau à la côte, Morgat, musée André Malraux, Le Havre).

    On descend au rez-de-chaussée et là l’ambiance change complètement avec Albert André et Georges d’Espagnat. Ces deux peintres, représentés par un ensemble de vingt-deux toiles, délaissent la mer au profit des scènes de genre et des portraits intimistes. La couleur s’intensifie et le format des toiles peut atteindre des tailles spectaculaires, tels La Gare de banlieue (musée d’Orsay) par Georges d’Espagnat ou La Femme en bleue (musée d’art sacré du Gard) par Albert André. Dans La Femme aux paons (A. André) et Après-midi d’automne (G. d’Espagnat), tous deux en mains privées, l’écriture, très décorative, se rapproche de celle des Nabis.

    Avec ce parcours en deux étapes, le visiteur accompagne les artistes dans leur recherche d’une nouvelle esthétique, qui les amène à s’éloigner peu à peu de l’impressionnisme, tout en gardant l’amour du plein air et la quête de la lumière qui ont fait son succès.
     

    Info pratiques

    Propriété Caillebotte
    8 Rue de Concy, 91330 Yerres
    PF7Q+GG Yerres
    proprietecaillebotte.com
    01 80 37 20 61
     



    Pierre Aimar
    Lundi 27 Janvier 2020