À quoi rêvent les critiques d'art en cette rentrée va-t-en-guerre, qui pousse Braque et Jordaens en avant pour rappeler la valeur première de la peinture après les triomphes des expositions Hopper, Dali et Basquiat? Une rentrée qui promet de revisiter le surréalisme - cette mine d'or - à travers son objet, qui mise encore et toujours sur la Renaissance et la grâce préraphaélite? À l'émotion pure, au renouveau, «à la peinture qui vous emporte et ne vous quitte plus», dirait Michel Ragon qui signe à point nommé son Journal d'un critique d'art désabusé(Albin Michel). Un exercice nostalgique. Les confessions d'un promeneur solitaire. Il y a beaucoup à apprendre des digressions de ce grand critique, ami de Soulages, Atlan, Poliakoff, Zao Wou-ki et Dubuffet, qui navigua sans cesse des grands textes aux grandes amitiés, se risqua à l'aventure de l'art, discuta avec Asger Jorn et défendit la France contre Dotremont dans les rangs de COBRA, dansa avec Ca lder comme «deux ours se piétinant les orteils» et comprit «l'Outrenoir» tout seul, sans qu'on lui fasse un dessin. Homme de lettres, il cite son cher Soulages, géant bien français qui «aime répéter ce mot d'Ingres: “Les artistes qui ont du talent font des merveilles ; moi qui ai du génie je fais ce que je peux”».
En suivant ses visites de 2009 à 2011, en visitant ses pensées, même les plus narcissiques, le lecteur ouvre une boîte de Pandore. Moins acide et exterminatrice que celle de Jean Clair, cette bulle du temps passé contient une vision haute de l'art et de ses fidèles. Elle témoigne d'un esprit inlassablement curieux qui défend, après examen et réflexion, ce que tout le monde aime critiquer en ville: la rétrospective d'Arman au Centre Pompidou, les colonnes de Buren au Palais-Royal ou le «Monumenta» désolé comme la Shoah de Boltanski au Grand Palais. Ce penchant naturel le pousse à applaudir les réprouvés du XXe ressuscités pour les besoins des musées, Chirico, tout Chirico, le surréaliste et le pompier, Bernar Venet au culot royal jusqu'à Versailles! L'ennemi? Point tant l'art contemporain, ses installations (ses «environnements», dit-il), ses attitudes psychanalytiques parfois délirantes de creux, que son marché exponentiel mené à la baguette par la finance. Quand l'argent mène le monde, l'art et les artistes ne ressemblent plus à Van Gogh, Modigliani ou Yves Klein. François Pinault et Bernard Arnault n'y gagnent pas les flatteries habituelles.
Biennale de Lyon
Mondialisation culturelle oblige, la Biennale de Lyon a confié sa 12e édition à un homme du Grand Nord, Gunnar B. Kvaran, Islandais et francophone, directeur du Musée Astrup Fearnley à Oslo. Il a mis la jeunesse de l'art au programme tandis que Lyon célèbre les aménagements le long des berges de la Saône. Du 12 sept. au 5 janv., Lyon. www.biennaledelyon.com
Préraphaélites
Fidèle au musée, le financier mexicain Pérez Simón prête ses excentriques Alma-Tadema, ses lascifs Leighton, ses suaves Burne-Jones et ses délicats Moore. Soit une cinquantaine de fleurons du mouvement anti-académique victorien. Corps lascifs, symboles à foison, couleurs sophistiquées… Une ode à la beauté pour elle-même. Du 13 sept. au 20 janv., Musée Jacquemart-André. www.musee-jacquemart-andre.com
Étrusques
Avant les Romains, il y avait les Étrusques. On en sait plus sur eux aujourd'hui mais leur mystère reste entier. Cela tient surtout à la surprenante beauté de leur art. Il émaillait le quotidien de cités-États du centre de l'Italie fondées et développées par ces marins et marchands rivaux des Grecs. Une époque, notamment l'apogée des VIIe et VIe siècles av. J.-C., synthétisée en 250 œuvres. Du 18 sept. au 9 fév., Musée Maillol. www.museemaillol.com
Braque
L'oiseau noir et l'oiseau blanc (détail), Georges Braque, 1960 Crédits photo : Leiris SAS Paris / Adagp, Paris 2013
Il reste le peintre des oiseaux qui volent sur le plafond du Salon étrusque au Louvre et, bien sûr, l'initiateur du cubisme et l'inventeur des papiers collés. Mais sa gloire est atténuée par celle de Picasso, son «compagnon de cordée» de l'avant-garde. C'est tout le souffle d'un artiste synonyme d'esprit français, héritier de Cézanne, Corot et Chardin, qu'entend faire renaître le Grand Palais. Du 18 sept. au 6 janv. Grand Palais. www.grandpalais.fr
Jordaens
Rubens et Van Dyck lui font de l'ombre. De surcroît, par la faute de quelques chefs-d'œuvre comme Le roi boit, ce maître s'est trouvé enfermé dans son rôle de noceur d'Anvers. La synthèse qui embrasse une carrière courant sur près des trois quarts du Grand Siècle devrait permettre de montrer un artiste engagé, au service de grandes familles entrepreneuriales et de la Contre-Réforme. Du 19 sept. au 19 janv., Petit Palais. www.petitpalais.paris.fr
Nu masculin
Jeune assis au bord de la mer, Hippolyte Flandrin Crédits photo : Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Angèle Dequier
En allant au-delà de l'histoire de ce thème, fondamental dans la formation académique, pour révéler toute la puissance du désir homosexuel dans l'art de 1800 à nos jours, Guy Cogeval conçoit sans doute l'exposition la plus polémique de la rentrée. Alors que la France demeure divisée sur le statut des gays, certains diront qu'il instrumentalise son musée au profit d'un discours militant. D'autres trouveront qu'il n'en fait pas assez, qu'il existe d'autres œuvres, contemporaines notamment, capables de mieux faire sauter les tabous. Du 24 sept. au 2 janv., Musée d'Orsay. www.musee-orsay.fr
Kahnweiler
Portrait d'une figure mythique de l'art moderne naissant. Le marchand des cubistes «héroïques», Braque et Picasso, ouvre sa première galerie en 1907. Léger, Gris et plus tard Henri Laurens rejoignent son «écurie»… Une histoire étroitement liée à celle de la collection d'art moderne du LaM et de ses grands mécènes Roger Dutilleul et Jean Masurel. Du 27 sept. au 12 janv., LaM, Villeneuve-d'Ascq. www.musee-lam.fr
Hans Richter
Cinéaste, peintre, écrivain, il fut dès les années 1910 au carrefour des avant-gardes. Sa trajectoire façonne et raconte, à elle seule, une histoire de l'art du XXe siècle. Du creuset de Dada à Zurich à l'Internationale constructiviste, de l'effervescence de la révolution spartakiste au départ de l'Allemagne nazie puis à l'exil américain. Un passeur et un catalyseur. Du 28 sept. au 24 fév., Centre Pompidou-Metz. www.centrepompidou-metz.fr
Vallotton
Un trait aussi coupant que son ironie, des cadrages aussi audacieux que ses couleurs, ce graveur et peintre suisse, figure de Montparnasse et des Nabis, charge les impressionnistes comme les symbolistes par la grâce d'une œuvre prolifique (1700 tableaux). Arabesques, lumières et teintes nettes, compositions bidimensionnelles au service d'une célébration de la vie quotidienne. Du 2 oct. au 20 janv., Grand Palais. www.grandpalais.fr
Napoléon
Élisa, Pauline et Caroline, sœurs de Napoléon et, par la grâce toute stratégique de ce dernier, princesses et reines d'Italie, prennent le thé à Marmottan (du 3 oct. au 26 janv., www.marmottan.fr) tandis que Joséphine revit à la Malmaison les quatre premières années de son mariage avec Bonaparte. Lorsque le couple habitait à la Chaussée d'Antin une maisonnette aujourd'hui disparue. Du 16 oct. au 6 janv., www.chateau-malmaison.fr
Diderot
Double actualité à l'heure du tricentenaire de sa naissance: sa ville natale de Langres ouvre le 5 octobre un musée (www.maisondeslumieres.org) tandis que Montpellier célèbre le premier des critiques d'art. Du 5 oct. au 12 janv., Musée Fabre de Montpellier. www.museefabre.fr
Matthew Barney
Né en 1967, star de l'art contemporain américain (et conjoint de Björk), il s'est distingué par ses performances alliant le sport et l'art. Comme lorsqu'il crée des dessins en se suspendant au plafond de sa galerie ou en escaladant les murs. Matthew Barney a créé son onde de choc avec son cycle de films «Cremaster» (1994-2002) où il se métamorphose en chimères d'un monde onirique, baroque et hypnotique. Première rétrospective de dessins en France. Du 8 oct. au 5 janv., BnF François-Mitterrand. www.bnf.fr
Kahlo/Rivera
Florence Cassez étant revenue en France, le différend diplomatique s'étant éteint, le projet phare de l'année France-Mexique 2011 a pu reprendre. Il se concrétise à l'Orangerie où le muraliste, chantre des ouvriers et des «péones», Diego Rivera, retrouve sa muse infirme Frida Kahlo. Retour sur un couple mythique du XXe siècle, entre trotskisme et gratte-ciel, entre engagement et individualité. Du 9 oct. au 13 janv., Musée de l'Orangerie. www.musee-orangerie.fr
Kanaks
Considéré jusqu'après-guerre comme un des plus arriérés de la planète, si sauvage qu'il passait pour à peine humain, le peuple kanak a depuis retrouvé identité et fierté, notamment grâce aux ethnologues de l'Hexagone. Des contes aux sculptures, des techniques de pêche ou de chasse aux danses, son patrimoine culturel est immense. Quai Branly, il fait l'objet d'une exposition très riche et précautionneuse à l'heure où l'archipel prend le chemin de la décolonisation tracé par l'accord de Nouméa. Autonomie ou indépendance? Réponse entre 2014 et 2018. Du 15 oct. au 26 janv., Musée du quai Branly. www.quaibranly.fr
Angkor
L'épopée de Louis Delaporte des berges du Mékong à celles de la Seine. Ou comment Angkor est devenu, par la ténacité et le génie de cet explorateur français, l'attraction phare des expositions universelles et, plus généralement, un mythe. Du 16 oct. au 13 janv., Musée Guimet. www.guimet.fr
Poliakoff
Hommage à cet artiste majeur de l'École de Paris, cher aux historiens de l'abstraction et aux collectionneurs français, dopé par les Nouveaux Russes en quête de patrimoine pictural. Les débuts tumultueux d'un jeune émigré russe, l'ambiance artistique d'après guerre et, enfin, les années de succès au cours desquelles ses œuvres séduisent les personnalités du monde politique, de la mode et du cinéma (Yves Saint Laurent, Greta Garbo, Yul Brynner, Anatol Litvak)… sa vie est un roman! Du 18 oct. au 23 fév., Musée d'art moderne de la Ville de Paris. www.mam.paris.fr
Joseph Cornell
Souvent présenté comme un satellite dans la constellation surréaliste, Joseph Cornell (1903-1972) est un pionnier américain du collage, du montage et de l'assemblage, comme le prouve sa création de 1930 à 1950. Près de 200 œuvres le confronteront à Dalí, Duchamp, Ernst et Man Ray alors installés à New York. D u 18 oct. au 10 fév., Musée des beaux-arts de Lyon. www.mba-lyon.fr
Le surréalisme et l'objet
Autour d'une centaine de sculptures et d'une quarantaine de photographies, l'histoire du mouvement surréaliste depuis sa fondation dans les années 1920 à sa reconnaissance à New York pendant la Seconde Guerre mondiale, en passant par son succès international dans les années 1930, à travers le prisme original du rapport à l'objet. Masson, M iró, Arp, Bellmer, Calder, Cornell, Dalí, Duchamp, Ernst, Giacometti, Man Ray incarnent les fortunes de la sculpture surréaliste qui plonge dans l'inconscient humain. Du 30 oct. au 3 mars, Centre Pompidou. www.centrepompidou.fr
Sigmar Polke
Figure de premier plan de la peinture contemporaine, Sigmar Polke (1941-2010) a grandi en Allemagne de l'Est avant de passer à l'Ouest en 1953. Après une formation auprès d'un maître verrier, il fréquente au début des années 1960 les Beaux-Arts de Düsseldorf, institution alors sous le charme du chamane Joseph Beuys. Il y rencontre Gerhard Richter et Konrad Lueg avec lequel il fonde le Réalisme capitaliste, réponse germanique au Pop-Art américain. Un peintre aux faux désordres, tout en sensualité et en rêve. Du 9 nov. au 2 fév., Musée de Grenoble. www.museedegrenoble.fr