Crée en mars 1966, la collection dirigée par André Velter fête ses 50 ans.
Avec plus de cinq cents titres publiés, cette collection au format de poche, entièrement vouée à la poésie, s’attache à mettre en résonance les poèmes d’aujourd’hui avec ceux de tous les siècles passés. Les œuvres des poètes classiques, comme celles des grands contemporains, sont ainsi proposées aux lecteurs à un prix de collection populaire, mais dans une présentation élégante, attrayante, inventive, qui incite à les garder en bibliothèque. Pour la plupart des auteurs consacrés la règle est de donner leurs recueils en version intégrale. Apollinaire, Cendrars, Breton, Éluard, Aragon, Desnos, Saint-John Perse, aussi bien que Villon, Verlaine, Laforgue, Charles Cros ou Lautréamont sont donc publiés avec toutes les garanties qu’offrent des éditions critiques : c’est exemplairement le cas de Baudelaire, Nerval, Mallarmé ou Pierre Reverdy. Le domaine étranger est largement représenté, parfois dans des éditions bilingues, par Blake, Whitman, Rilke, Garcia Lorca, Alberti, Borges, Pasternak, Coleridge, Keats, Milton, Shelley, Dickinson, Holan, Trakl, Neruda, Akhmatova, Maïakovski, Tsvétaïéva, Sylvia Plath, Ted Hughes, Ingeborg Bachmann, Juan Gelman. Et la rencontre de Char, Jouve, Michaux, Catherine Pozzi, André Frénaud, Guillevic, Aimé Césaire, Yves Bonnefoy, Philippe Jaccottet, André du Bouchet, Jacques Dupin, Michel Butor, Jacques Réda, Lorand Gaspar, Bernard Noël, Jacques Roubaud, François Cheng ou Alain Jouffroy avec Charles d’Orléans, Louise Labé, Maurice Scève, Ronsard, Théophile de Viau, Rimbaud ou Valéry, comme avec la poésie arabe (Adonis, Darwich), bengalie (Tagore), indienne (Kabîr, Kolatkar), persane (Omar Khayam), turque (Hikmet), grecque (Cavafis, Séféris, Elytis, Ritsos, Kiki Dimoula), italienne (Gaspara Stampa, Ungaretti, Montale, Luzi), portugaise (Camões, Pessoa, Ramos Rosa, de Andrade, Helder, Judice), suédoise (Tranströmer), finlandaise (Holappa), brésilienne, chinoise, russe, yiddish ou tchèque, donne à cette collection l’allure d’un périple dans la poésie universelle. Aux anthologies de référence, qui suivent le rythme des siècles, s’ajoutent maintenant des ouvrages qui privilégient d’autres approches, soit en célébrant une forme (Soleil du Soleil – le sonnet de Marot à Malherbe -, Haiku – anthologie du poème court japonais -, ou Les Poètes du Tango), soit en ressuscitant un lieu (Les Poètes du Chat Noir), soit en évoquant un dessein éditorial (Mon beau navire ô ma mémoire – un siècle de poésie française, Gallimard 1911-2011), soit en renouant avec une aventure fulgurante (Les Poètes du Grand Jeu), soit en escortant ceux qui veulent courir le monde (Poètes en partance – de Charles Baudelaire à Henri Michaux), soit en faisant place à une expérience jubilante (L’OuLiPo), soit en revisitant les rapports constants entre poésies et chansons (Je voudrais tant que tu te souviennes – poèmes mis en chansons de Rutebeuf à Boris Vian), soit en convoquant les désirs (Éros émerveillé – anthologie de la poésie érotique française), soit en imaginant un ensemble d’un genre inédit (Lycophron et Zétès de Pascal Quignard). Une attention particulière est également réservée aux Grands Singuliers qui, à la suite d’Hölderlin, ont décidé d’habiter poétiquement le monde, quitte à en souffrir, quitte à en mourir : Antonin Artaud, Roger Gilbert-Lecomte, Henri Pichette, Armand Robin, Jean Genet, Pier Paolo Pasolini, Jean-Pierre Duprey, Paul Celan, Ghérasim Luca. Quant aux créations les plus actuelles, elles sont accueillies sans souci d’école ni de parti pris esthétique, avec la volonté de présenter le panorama le plus diversifié et le plus vaste possible. C’est pourquoi Christian Bobin, Guy Goffette, Ludovic Janvier, Abdellatif Laâbi côtoient ici Jean-Pierre Verheggen, Jacques Darras, Zéno Bianu, Valère Novarina, Franck Venaille, ou encore Jean-Pierre Lemaire, Michel Houellebecq, Jean Ristat, et beaucoup d’autres… Établis et commentés par les meilleurs spécialistes, tous ces recueils, classiques ou non, de Sapphô à nos jours, offrent à la fois aux étudiants d’indispensables instruments de travail et d’inépuisables sujets de recherches. D’autant que les progrès techniques permettent de réaliser désormais d’authentiques exploits éditoriaux : l’intégrale de La légende des siècles de Hugo, l’édition bilingue de l’ensemble de La Comédie (enfer . purgatoire . paradis) de Dante, ou l’anthologie des Poètes de la Méditerranée qui explore vingt-quatre pays à travers dix-sept langues. Aussi, des livres rares, somptueusement illustrés : Lettera amorosa de René Char, Georges Braque et Jean Arp, Les Mains libres de Paul Éluard et Man Ray, L’effilage du sac de jute de René Char et Zao Wou-Ki, Glossaire j’y serre mes gloses suivi de Bagatelles végétales de Michel Leiris, André Masson et Joan Miro. Ainsi, un volume de Poésie/Gallimard peut-il aider à passer un examen ou à rédiger un mémoire tout en demeurant un incomparable viatique : le plus tonique des compagnons de voyage, d’évasion, de méditation, de révolte et de rêverie.
Calendrier
le 21 janvier 2016, rencontre – lectures au CNL autour de la collection Poésie/Gallimard, en présence d’André Velter et de : Zéno Bianu, Xavier Bordes, Jacques Darras et Abdellatif Laâbi. La rencontre sera animée par Jean-Claude Perrier
le 25 février 2016, rencontre – lectures au CNL autour de la collection Poésie/Gallimard, en présence d’André Velter et de : Olivier Barbarant, Alain Duault et Vénus Khoury-Ghata. La rencontre sera animée par Jean-Claude Perrier
10 titres appartenant au fonds de Poésie/Gallimard vont être spécialement réimprimés en édition collector sous de nouvelles couvertures:
Paul Eluard, Capitale de la douleur
Guillaume Apollinaire, Poèmes à Lou
Francis Ponge, Le Parti pris des choses
Louis Aragon, Le Roman inachevé
René Char, Fureur et mystère
Saint-John Perse, Eloges
Henri Michaux, Plume
Federico Garcia Lorca, Poète à New York suivi de Chant funèbre pour I.S. Méjias et de Divan du Tamarit
Pablo Neruda, Vingt poèmes d'amour
Haïku, anthologie du poème court japonais
Historique de la collection
En 1953, la Librairie Hachette lance Le Livre de Poche. Les ouvrages les plus diffusés du fonds Gallimard, notamment les romans de Gide, Malraux, Saint-Exupéry, Camus, Sartre, etc, prennent immédiatement place dans cette collection. Seuls quelques poètes (Apollinaire, Éluard, Prévert) y sont accueillis. C’est pourquoi Claude Gallimard imagine, en 1966, de créer un espace autonome exclusivement destiné à la poésie. Décision remarquable, qui anticipe de cinq ans la rupture avec Hachette et le lancement de Folio en 1972. L’idée de Claude Gallimard était simple, mais dans le contexte de l’époque tout à fait audacieuse : publier en format de poche (sur beau papier et avec une maquette inventive de Massin, d’inspiration warholienne), les grands poètes de sa maison d’édition. Voici, par ordre de parution, les noms des premiers publiés : Éluard, Garcia Lorca, Mallarmé, Apollinaire, Claudel, Valéry, Aragon, Queneau, Supervielle, Breton, Larbaud, Jouve, Saint-John Perse, Char, Ponge… À l’exception de Mallarmé, qui bien sûr était dans le domaine public, tous sont sous copyright Gallimard. La préparation et la première programmation de la collection ont été le fait d’Alain Jouffroy et de Robert Carlier. Alain Jouffroy, poète, romancier, critique d’art, était membre du comité de lecture de Gallimard. Robert Carlier avait assuré la direction littéraire du Club français du livre : il devait assez vite prendre seul la responsabilité de l’entreprise, en assurer le suivi éditorial pendant cinq ans en respectant strictement le « cahier des charges » initial : programmer les œuvres poétiques majeures éditées par
Gallimard au XX° siècle. Quant à Alain Jouffroy, sa présence devait perdurer à travers les préfaces qu’il allait consacrer à Aragon, Artaud, Breton, Leiris ou encore Jean-Pierre Duprey. André Fermigier, agrégé de lettres, professeur d’histoire de l’art et critique d’art, prit la direction de la collection à un moment crucial : après la rupture des relations commerciales entre Gallimard et Hachette en 1971, ce qui mettait fin à la collection Le Livre de poche classique, jusque là exploitée en commun. D’où l’entrée quasi immédiate, au catalogue de Poésie/Gallimard, de Baudelaire, Hölderlin, Rimbaud, Lautréamont, Vigny, Hugo, Corbière, Verlaine, Villon, etc. À partir de cette date, la collection ne se limite plus au fonds Gallimard, même si les contemporains désormais programmés continuent d’en être issus, y compris les poètes étrangers. Jusque là, il n’y avait eu que Garcia Lorca, Tagore et Octavio Paz à être retenus, arrivent alors Neruda, Rilke, Pavese, Pasolini, Machado... Jusqu’en 1988, André Fermigier, assisté de Catherine Fotiadi, développe la collection avec les grands poètes classiques de la littérature française et de la littérature mondiale, avec aussi Guillevic, Frénaud, Bonnefoy, Césaire, Jaccottet, Lorand Gaspar, Édouard Glissant, Armand Robin, Georges Perros, Jacques Roubaud et tant d’autres. À noter que le format des livres a changé, s’apparentant à celui des Folio, perdant 4 millimètres de large et en gagnant 12 en hauteur. En 1989, c’est Jean-Loup Champion, écrivain et critique d’art, qui succède brièvement à André Fermigier, avant que Marc de Launay, philosophe et traducteur d’allemand, ne poursuive l’aventure de 1992 à 1997. Pendant ces années là, une mutation de la collection est amorcée. Si les auteurs Gallimard sont toujours privilégiés (Pichette, Claude Roy, Réda, Dadelsen, Jabès), des poètes venus d’autres maisons d’édition entrent au catalogue (Norge, Sabatier, Bernard Noël, Calaferte, André du Bouchet), et il en va de même pour les poètes étrangers (Adonis, Valente, Ramos Rosa, Hofmannsthal, Holappa, Trakl, Celan). En arrivant en 1998, André Velter, poète, essayiste, homme de radio, amplifie le mouvement. Tout en continuant d’explorer les œuvres de ceux qui sont devenus « les grand classiques du XX° siècle », par exemple en ajoutant des titres d’Aragon (Le Fou d’Elsa, Elsa), d’Artaud (Pour en finir avec le jugement de Dieu, Suppôts et suppliciations), et ainsi de suite jusqu’à Valéry (Poésie perdue), il multiplie les approches originales comme avec Ghérasim Luca, Pierre Albert-Birot, François Cheng, Jean-Pierre Duprey, Lubicz-Milosz, Gaston Miron, Marie Noël, Christian Bobin, Pascal Quignard, Valère Novarina… Et cela concerne plus encore les poètes étrangers dont les recueils nécessitent souvent la commande de traductions inédites, d’où un changement majeur : la collection n’est plus seulement un passage en « poche » d’ouvrages pré-existants, mais elle suscite d’emblée des livres pour son propre compte. Il suffit d’évoquer les volumes consacrés à Constantin Cavafis, Nâzim Hikmet, Anna Akhmatova, Ingeborg Bachmann, mais aussi à William Blake ou à Quevedo pour suggérer la mesure d’un tel engagement. En plus d’être le lieu privilégié des rééditions poétiques, Poésie/Gallimard devient donc un lieu de création, voire de re-création. Ainsi, des ouvrages déjà publiés sont-ils entièrement revus, augmentés, repensés afin d’offrir de véritables éditions critiques. C’est exemplairement le cas de Baudelaire, Nerval, Mallarmé, également de Reverdy, également d’Yves Bonnefoy, Jacques Dupin et Michel Deguy qui ont vu leurs œuvres littéralement « réarchitecturées ». Par ailleurs, les progrès techniques ayant ouvert de nouvelles perspectives, il est désormais possible (grâce à un papier quasi Bible et à une colle résistante et souple) de réaliser impeccablement des livres de « poche » de 1500 pages. Sans cela, il n’aurait pas été imaginable d’inscrire au catalogue l’intégrale de La légende des siècles de Hugo, l’intégrale de Feuilles d’herbe de Whitman, l’intégrale bilingue de La Comédie (enfer . purgatoire . paradis) de Dante. Et sur un autre registre, une translation en « poche » d’ouvrages de haute bibliophilie, n’aurait pas non plus été envisageable, avec des reproductions ne trahissant pas les lithographies ou les gravures des artistes : Lettera Amorosa de René Char, Georges Braque et Jean Arp, Les Mains libres d’Éluard et Man Ray, Effilage du sac de jute de René Char et Zao Wouki, Glossaire j’y serre mes gloses, de Michel Leiris, André Masson et Joan Miro. Quant à la présence des auteurs vivants, elle obéit à l’un des buts essentiels de la collection : mettre au contact l’ensemble des grandes œuvres du passé avec celles qui, aujourd’hui, sont parmi les plus représentatives et les plus singulières, d’Adonis à Franck Venaille, Philippe Jaccottet à Jean-Pierre Verheggen, de Tahar Ben Jelloun à Yves Bonnefoy, Christian Bobin, Michel Butor, François Cheng, Georges-Emmanuel Clancier, William Cliff, Michel Deguy, Philippe Delaveau, Kiki Dimoula, Hans Magnus Enzensberger, Lorand Gaspar, Guy Goffette, Pentti Holappa, Michel Houellebecq, Ludovic Janvier, Alain Jouffroy, Nuno Judice, Gérard Macé, Jean-Michel Maulpoix, Bernard Noël, Valère Novarina, Pierre Oster, Pascal Quignard, Lionel Ray, Jacques Réda, Jean Ristat, Jacques Roubaud, Paul de Roux, Jude Stéfan et Kenneth White, désormais rejoints par Olivier Barbarant, Zéno Bianu, Xavier Bordes, Jacques Darras, Alain Duault, Emmanuel Hocquard, Vénus Khoury-Ghata, Anise Koltz, Abdellatif Laâbi, Jean-Pierre Lemaire, Richard Rognet et James Sacré. Une telle énumération suffit à souligner combien l’ensemble du champ poétique, dans sa diversité, dans sa richesse, dans ses lignes de fracture aussi, se retrouve en Poésie/Gallimard.
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