Pourquoi m’attires-tu autant alors que je te hais ? Petit bout de papier et de carton, tu renfermes tant de misère, de danger, de dépendance.

Nicotine et tabac, je vous hais.

Etant enfant, je ne me souviens pas avoir vu des gens fumer. Cigarette, je te hais. Mes parents ne fumaient pas, ne fument pas et ne fumeront jamais.

Dans mon entourage, très restreint, personne ne fumait. De plus, tout le monde réprouvait et réprouve encore cette sale habitude.

« Dieu est un fumeur de gitanes » dit la chanson. J’allais à la messe mais je n’ai jamais vu Dieu fumer.

Quand Brigitte Bardot chante langoureusement ces paroles à l’homme à la tête de chou, tu es un objet de culte.

Mais moi, je te hais.

Les volutes viriles s’échappant de la bouche d’Humphrey Bogart font partie de lui.

Toi, cigarette, tu fais partie de moi mais je te hais.

Ton odeur me poursuit, me colle à la peau. Tu es partout.

Au début, tu as rimé avec première sortie en boîte de nuit. Tu étais mon amie d’un soir. Amie d’un soir, au revoir. Je ne pensais plus à toi au lever du jour lorsque je rentrais fourbue mais heureuse d’avoir dansé.

Je te laissais aux accros de la gitane, aux drogués impénitents.

Je disais fièrement : je ne fumerai jamais.

Et puis avec ton petit air narquois, un jour tu m’as piégé.

J’étais en faiblesse et puis, cette fois-ci, tout le monde fumait. Plus de parents, plus de réprobation. Alors, je t’ai prise entre mes doigts. C’était notre première vraie rencontre.

Coup de foudre ou plutôt coup fatal. Depuis  ce jour, tu ne me quittes plus ou si peu. Trop peu. Cigarette, je te hais avec ta peau blanche et dorée.

Tu veux toujours te montrer élégante et mondaine. Tu en fais trop. Plusieurs fois, il y a quelques jours encore, j’ai essayé de te quitter mais tu t’accroches à moi et je te hais de plus en plus.

Tu as profité de ma faiblesse pour me séduire, avec tes volutes légères.

En plus, tu n’es même pas fidèle. Avec tes perruques blondes et brunes, tu les séduis tous et toutes.

Cigarette, je te hais.

1996