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Catégories : Guibert Hervé

Hervé Guibert

medium_HG-Eugene-1980.jpgHervé Guibert a commencé à photographier en 1972, à 17 ans, avec un petit Rollei 35 offert par son père, et qu'il gardera toute sa vie. En même temps, il écrivait. Son deuxième livre publié a été un "roman-photo", Suzanne et Louise. Il y mêlait textes et photos de ses grand-tantes; il racontait ses relations avec elles et les photos étaient l'occasion de jeux étranges et amoureux, la liberté de la vieillesse et de l'enfance se rejoignaient. Le seul visage, paru en 1984, fait de photos, se présente comme un roman. (Un livre avec des figures et des lieux, n'est-ce pas un roman?).
En 1977, après avoir fait des critiques de cinéma pour plusieurs revues, il entre au journal Le Monde où on lui confie la critique photographique. C'est le début de la grande expansion de la photographie et il fait partie de cette génération de jeunes critiques qui découvrent la photographie en même temps que le public. Ignorant aussi bien l'histoire de la photo que sa pratique, plus facilement proche des jeunes artistes que des grands maîtres qui l'intimident, il est semblable au public, mais un public idéal, sensible, intelligent, assidu, et comme lui, souvent séduit, jamais gagné; il ne se place ni en juge ni en professeur, mais donne une réponse personnelle, injuste quelquefois, mais réelle. Il ne milite pas, reste réservé et indépendant mais il voit. Comme il écrit très bien, qu'il est toujours "intéressant", il est très lu. Son indifférence blesse, ses louanges ravissent, ses coups de griffe laissent des cicatrices; ses lecteurs, de tous bords, se mettent à penser que la photographie est "intéressante", qu'elle mérite toute notre attention. Si en France le monde de la littérature et du cinéma comprend mieux la photographie que le monde des arts plastiques, c'est beaucoup grâce à lui. Mais ses critiques de photo et de cinéma sont un apprentissage et très vite, le temps presse, il prend dans les galeries la place du photographe et tente de faire des films.
Ses photographies, d'emblée différentes, comme un journal, accompagnant et nourrissant l'écriture, font partie des "Aventures d'Hervé Guibert". Photos exquises, fraîches, clairvoyantes. Morbides? Non, plutôt des moments d'acquiescement. C'est de Kertesz qu'on pourrait le rapprocher. Elles ont l'élégance absolue de l'intelligence et du naturel. Ses livres sont quelquefois cruels et agressifs, mais l'écriture était l'arme de son affirmation sociale, l'expression de sa virilité. Si ses photos sont plutôt tendres, c'est sans doute que prendre des photos est une virilité en soi.
Il écrivait comme on photographie : comme un photographe recueille des instants de réel et, sur sa planche-contact, fait le seul choix nécessaire à son propos, abandonnant ce qui lui est maintenant inutile

Hervé Guibert prenait dans la vie, sans pitié mais non sans amour, les instants de réel nécessaires à la création de sa fiction. Ses amis acceptaient le risque aveugle de devenir ses personnages, bien sûr jamais comme ils l'auraient attendu.
Les photographies, c'est le corps des autres, qui résiste à la manipulation de l'artiste, et de la qualité de ce corps à corps naissent les grandes photos et leur pouvoir de fascination. Hervé Guibert, qui croit plus avisé de ne s'intéresser qu'à soi, devient si brave, armé de son appareil, que ses portraits dévoilent la nature secrète de ses modèles, avec une magie qui n'appartient qu'à lui. Qu'il écrive, qu'il photographie, qu'il filme, tout est transparent devant lui et cela donne un étrange et excitant bonheur.
Ses outils étaient simples, un Rollei 35, un Mont-Blanc, une vieille machine à écrire, une caméra vidéo 8, mais surtout sa vie, délibérément, savamment brûlée. Et pour longtemps, pour nous nourrir, nous héritons de cette œuvre intense, sublimation poétique du désir et de la tâche de vivre, les années 1970-80 à Paris.

 

agathe gaillard

http://www.agathegaillard.com/Herve%20Guibert.html

Commentaires

  • J'espère qu'il n'est pas mort ? J'aurais bien voulu le connaître car on ressent toute sa sensibilité. Proche de la mienne.

  • malheureusement, cet artiste (il écrivait aussi) est mort du sida il y a déjà quelques années.

  • Son nom me disait quelque chose et tu m'as éclairé LAURA, merci de toutes tes précisions.

  • Tu fais, ici, Laura un très bel exposé sur Guibert : concis et complet. Pour ma part, j'aime beaucoup la série des "Suzanne et Louise" et tu as raison de le signaler : il est difficile de lire Guibert sans connaître sa photographie et vice-versa. Je pense à un livre terrible dont je ne sais si tu l'as lu : " Les chiens". Tu vois, je regarde dans ton blog et je clique sur les artistes-auteurs que je connais un peu.

  • Je l'ai lu...

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