Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Les bohémiens et la guitare dans la littérature(clin d'oeil à Elisabeth)
La présence de la guitare dans la littérature espagnole est systématiquement liée à l'évocation de la musique et des danses populaires andalouses, très souvent assimilées à la culture gitane. Ainsi, l'instrument subit-il les vicissitudes des rapports entre les intellectuels ibériques et le sud de la péninsule : alternativement, l'austère Vieille-Castille ou la sensuelle Andalousie dominent les forces politiques et les valeurs artistiques du moment, entraînant dans leur triomphe le rejet ou l'exaltation de la culture andalouse, de ses chants et de la guitare.
La première grande référence que nous possédons concernant la guitare dans la littérature espagnole nous est fournie par CERVANTES. Son oeuvre maîtresse, DON QUICHOTTE, reste muette sur ce point. Même les NOUVELLES EXEMPLAIRES évitent ce thème, à l'exception de la Gitanilla, dont le personnage principal, Preciosa, est une jeune chanteuse et danseuse. Par contre, les entremeses et les comédies de CERVANTES abondent en notations sur le rôle de la guitare dans la musique populaire de l'époque.
L'instrument paraît indispensable pour l'accompagnement des danses (La Eleccion de los Alcades de Daganzo et Pedro de Urdemalas). Dans cette dernière oeuvre, Maldonado, "comte" des gitans, adresse ses encouragements aux danseuses.
Dans le "Prologue au lecteur" de ses comédies, CERVANTES écrit que derrière la vieille couverture qui sert de rideau se tiennent les musiciens chantant sans guitare quelque ancienne romance. Cette coutume opposait d'ailleurs les gitans aux Andalous pour lesquels la guitare était l'accompagnement quasi obligatoire du chant.
A la mort de CERVANTES (1616), l'Espagne est entrée dans l'austérité morale imposée par ses monarques, depuis Charles QUINT et son petit-fils, Philippe II. Dès lors, le peuple et les gitans ne sont plus à la mode et il faudra attendre les débuts d'une législation plus "éclairée", à la fin du XVIIIè siècle, pour voir réapparaître une littérature s'attachant à la description des traditions populaires.
Les Cartas marruecas de José Cadalso, écrivain gaditain, publiées en 1774, sont à l'origine d'une longue série d'oeuvres littéraires folkloriques.
Dans la lettre n° 7, Nuno, qui représente l'auteur, prétend stigmatiser la licence des moeurs de la jeunesse de l'époque et prend pour cible une réunion dans une taverne sur la route de Cadix.
On trouverait dans de nombreuses autres oeuvres mineures de la première moitié du XIXè siècle l'association entre la guitare et ces réunions spontanées qui rappelent le carnaval et les rites païens. Mais apparaît vers la même époque un autre personnage : le rebelle populaire, souvent un contrebandier ; la guitare est souvent sa confidente et devient cette fois personnage tragique. Dans El Diablo Mumdo, de ESPRONCEDA, publié vers 1840, le personnage principal apprend en prison à jouer de la guitare.
Dans ses Poesias andaluzas en 1841, Tomas RODRIGUEZ Y DIAS RUBI met lui aussi en scène des bandits-héros populaires environnés de guitares.
Même adéquation de la guitare tragique et de la délinquance-protestation sociale dans Cuentos et romances andaluces de Manuel MARIA DE SANTA ANA, publiés en 1844 et dont succès provoqua une réédition en 1869. Contrebandiers, voleurs, vagabonds, prostituées ... se rencontrent dans le cadre traditionnel de la taverne.
L'Andalousie est d'ailleurs à cette époque à la mode dans toute l'Europe. Les souvenirs de voyages laissés par les Anglais, Georges B0RROW et Richard FORD, l'Italien Carlo DEMBROWSKI, les Français Prosper MERIMEE, Théophile GAUTIER, Alexandre DUMAS notent tous l'omniprésence de la guitare.
Une telle attention des écrivains pour la guitare et la musique populaire andalouses correspondait à un véritable engouement du public. Mais, dans la seconde moitié du XIXè siècle, l'abus fut tel et servit de prétexte à des oeuvres d'une si piètre valeur que les intellectuels réagirent violemment contre cette nouvelle mode littéraire.
Dès 1856, dans son prologue à Souvenirs et beautés de l'Espagne, MADRAZO signale que le thème des coutumes andalouses est épuisé et provoque le dégoût. Des auteurs comme Armando PALACIO VALDES et Leopoldo ALAS CLARIN partagent ce sévère jugement, qui se transforme en hostilité déclarée chez les écrivains de la génération de 1898.
La guitare retourne aux oubliettes de la littérature ibérique. Cest que la situation n'est plus propice aux fêtes, ni à la contestation : désastres coloniaux, misère dans les campagnes, révoltes et répressions partout.
Il faudra attendre l'explosion d'espoir des premières années de la République espagnole pour que les écrivains redécouvrent la culture populaire, et avec elle la guitare.
Les poètes, surtout, sauront exprimer ce nouveau visage de la guitare.
(Editions Atlas "Ma guitare")
J'ai emprunté cette (partie de) note à Elisabeth:http://boulevarddesresistants.hautetfort.com/archive/2007/03/21/guitare-et-litterature.html
Commentaires
Merci beaucoup, j'ai beaucoup appris avec la guitare et son encyclopédie... culture, ah culture !
Bonne soirée.
J'ai encore un article sur la guitare et l'Espagne à publier. Je ne sais plus exactement (à part le flamenco) de quoi parle cet article... Je vais regarder.
C'est moi qui te remercie pour cette pierre apportée à l'édifice de mes recherches sur les bohémiens.
En 1988, mon fils se trouvait à la Clinique avec un petit gitan qui s'était fait opérer d'un oeil. Il avait 7 ans ce petit et il avait appris à jouer de la guitare déjà. Son père avait un nom Allemand. Sa mère était plutôt Espagnole.
Merci pour ce joli souvenir.