Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Catégories : La littérature
Littérature:Rebondissement dans l'affaire Bovary
ASTRID DE LARMINAT.
Publié le 24 mai 2007
Actualisé le 24 mai 2007 : 11h50
Philippe Doumenc - Emma s'émancipe de son créateur. La voilà en reine posthume d'un « polar » qui invente une suite au roman de Flaubert.
FLAUBERT, sur son lit d'agonie, l'avait pressenti : « Cette pute de Bovary va vivre et moi je vais mourir comme un chien. » Mme Bovary s'est émancipée de son créateur. Elle est devenue un mythe, presque un nom commun. L'icône de la femme infidèle est tombée dans le domaine public. Elle s'est commise avec d'autres romanciers qui ont joué avec elle, la travestissant à leur goût. Philippe Doumenc n'est pas le premier de ces profanateurs. Mais on n'était sans doute jamais allé aussi loin dans le « viol littéraire » qu'avec sa Contre-enquête sur la mort d'Emma Bovary...
Doumenc reprend l'histoire au moment de l'agonie d'Emma et lui fait suivre un autre cours. À travers le personnage de Rémi, jeune assistant de police envoyé par la préfecture de Rouen, le romancier diligente une contre-enquête sur la mort de l'héroïne, imaginant qu'elle ne se serait peut-être pas suicidée mais aurait été assassinée.
À première vue, le récit de Doumenc est fidèle à celui de Flaubert, dont il respecte le détail et le genre. Mais, peu à peu, son propos se révèle bien plus irrévérencieux qu'il n'y paraît. Rétrospectivement, il réécrit le roman d'Emma, réinterprète le personnage. La voilà moins sentimentale, plus avertie ; plus prosaïque, moins troublante. Doumenc met en avant tel personnage qui était secondaire chez Flaubert, en efface d'autres. En faisant de Flaubert lui-même un personnage qui apparaît à l'enterrement de sa Mme Bovary, Doumenc brouille les pistes. Il amène le lecteur à l'idée qu'Emma Bovary a réellement existé, qu'elle n'a rien à voir avec la Delphine Delamare dont Flaubert disait s'être inspiré, que son propre récit est une scrupuleuse relation de sa vie, tandis que Flaubert, lui, l'aurait romancée et même interprétée de travers...
Qui voulait la mort d'Emma ?
On aime cette impertinence à l'égard du maître du roman. D'autant que Philippe Doumenc a réussi un divertissant exercice littéraire ainsi qu'une variation bien troussée autour des histoires d'envie et d'amour que recèle une bourgade de province à une époque pudibonde. Son livre est aussi un « polar » efficace, où il apparaît que la culpabilité est la chose la mieux partagée du monde. En effet, comme les interrogatoires le montrent, plusieurs personnes dans l'entourage d'Emma avaient des raisons de souhaiter qu'elle disparaisse...
Pourtant, il suffit de relire le chef-d'oeuvre de Flaubert pour être persuadé que toute copie fait pâle figure. La publication en fac-similé de la première édition de Madame Bovary, et plus précisément de l'exemplaire où Flaubert avait reporté les coupes qu'on voulait lui imposer, est l'occasion de redécouvrir l'original, inégalable.
Sur cet exemplaire qu'il destinait à la postérité, afin que l'on sache à quelle censure inepte on voulait le soumettre, Flaubert, frémissant de rage, a barré, rayé et mis entre crochets les phrases et les passages qui n'étaient pas du goût de l'éditeur de La Revue de Paris où son roman allait paraître en feuilleton. Outre les mots interdits - adultère, concubine, filles, concupiscence -, les descriptions trop détaillées du corps humain et l'évocation de réalités jugées triviales - « le morceau de veau cuit au four », « un long jet de salive brune » - sont mises à l'index par le bon goût du temps. L'éditeur voulait également que le romancier refasse deux ou trois scènes qui tiraient en longueur : les noces de Charles et d'Emma et la fameuse fête des comices...
Scandale avant parution
Mais Flaubert, après quatre ans et demi de travail et 4 500 pages raturées, n'était pas d'humeur à laisser frelater son texte. Il envisageait de traîner en justice l'éditeur (lequel était un peu surpris de l'irascibilité de cet auteur inconnu auquel il pensait faire un honneur en le publiant) quand le ministère public l'attaqua le premier pour immoralité...
Préfacé par Yvan Leclerc, professeur à l'université de Rouen et directeur du Centre Flaubert, un livret qui rassemble des extraits des pièces concernant cette affaire ainsi que des lettres et notes inédites de l'auteur accompagne judicieusement la publication de « l'exemplaire témoin ». Lequel atteste aussi qu'Emma Bovary défrayait la chronique judiciaire avant la parution du roman de Flaubert. Et si c'était Doumenc qui avait raison ?
Contre-enquête sur la mort d'Emma Bovary de Philippe Doumenc Actes Sud, 185 p., 18 €. Madame Bovary de Gustave Flaubert Coédition Alinéa-Point de vues-Élisabeth Brunet, Libraires éditeurs, 490 p., 29 €.
Doumenc reprend l'histoire au moment de l'agonie d'Emma et lui fait suivre un autre cours. À travers le personnage de Rémi, jeune assistant de police envoyé par la préfecture de Rouen, le romancier diligente une contre-enquête sur la mort de l'héroïne, imaginant qu'elle ne se serait peut-être pas suicidée mais aurait été assassinée.
À première vue, le récit de Doumenc est fidèle à celui de Flaubert, dont il respecte le détail et le genre. Mais, peu à peu, son propos se révèle bien plus irrévérencieux qu'il n'y paraît. Rétrospectivement, il réécrit le roman d'Emma, réinterprète le personnage. La voilà moins sentimentale, plus avertie ; plus prosaïque, moins troublante. Doumenc met en avant tel personnage qui était secondaire chez Flaubert, en efface d'autres. En faisant de Flaubert lui-même un personnage qui apparaît à l'enterrement de sa Mme Bovary, Doumenc brouille les pistes. Il amène le lecteur à l'idée qu'Emma Bovary a réellement existé, qu'elle n'a rien à voir avec la Delphine Delamare dont Flaubert disait s'être inspiré, que son propre récit est une scrupuleuse relation de sa vie, tandis que Flaubert, lui, l'aurait romancée et même interprétée de travers...
Qui voulait la mort d'Emma ?
On aime cette impertinence à l'égard du maître du roman. D'autant que Philippe Doumenc a réussi un divertissant exercice littéraire ainsi qu'une variation bien troussée autour des histoires d'envie et d'amour que recèle une bourgade de province à une époque pudibonde. Son livre est aussi un « polar » efficace, où il apparaît que la culpabilité est la chose la mieux partagée du monde. En effet, comme les interrogatoires le montrent, plusieurs personnes dans l'entourage d'Emma avaient des raisons de souhaiter qu'elle disparaisse...
Pourtant, il suffit de relire le chef-d'oeuvre de Flaubert pour être persuadé que toute copie fait pâle figure. La publication en fac-similé de la première édition de Madame Bovary, et plus précisément de l'exemplaire où Flaubert avait reporté les coupes qu'on voulait lui imposer, est l'occasion de redécouvrir l'original, inégalable.
Sur cet exemplaire qu'il destinait à la postérité, afin que l'on sache à quelle censure inepte on voulait le soumettre, Flaubert, frémissant de rage, a barré, rayé et mis entre crochets les phrases et les passages qui n'étaient pas du goût de l'éditeur de La Revue de Paris où son roman allait paraître en feuilleton. Outre les mots interdits - adultère, concubine, filles, concupiscence -, les descriptions trop détaillées du corps humain et l'évocation de réalités jugées triviales - « le morceau de veau cuit au four », « un long jet de salive brune » - sont mises à l'index par le bon goût du temps. L'éditeur voulait également que le romancier refasse deux ou trois scènes qui tiraient en longueur : les noces de Charles et d'Emma et la fameuse fête des comices...
Scandale avant parution
Mais Flaubert, après quatre ans et demi de travail et 4 500 pages raturées, n'était pas d'humeur à laisser frelater son texte. Il envisageait de traîner en justice l'éditeur (lequel était un peu surpris de l'irascibilité de cet auteur inconnu auquel il pensait faire un honneur en le publiant) quand le ministère public l'attaqua le premier pour immoralité...
Préfacé par Yvan Leclerc, professeur à l'université de Rouen et directeur du Centre Flaubert, un livret qui rassemble des extraits des pièces concernant cette affaire ainsi que des lettres et notes inédites de l'auteur accompagne judicieusement la publication de « l'exemplaire témoin ». Lequel atteste aussi qu'Emma Bovary défrayait la chronique judiciaire avant la parution du roman de Flaubert. Et si c'était Doumenc qui avait raison ?
Contre-enquête sur la mort d'Emma Bovary de Philippe Doumenc Actes Sud, 185 p., 18 €. Madame Bovary de Gustave Flaubert Coédition Alinéa-Point de vues-Élisabeth Brunet, Libraires éditeurs, 490 p., 29 €.
Commentaires
Bonjour Laura,
Il est bon d'en parler car on ne lit que le roman et on oublie vite ce qui s'est passé autour.
Merci pour tes commentaires. Pour mon poème, oui c'est un nouveau que j'ai fait hier matin....
Bon dimanche.
iL faut penser que ce qui est aujourd'hui banal faisait scandale à l'époque.
cf. en même temps le scandale des "Fleurs du Mal"
iL faut penser que ce qui est aujourd'hui banal faisait scandale à l'époque.
cf. en même temps le scandale des "Fleurs du Mal"
J'ai lu Madame Bovary il y a peu de temps, et j'avoue que cela ne m'a pas trop plu !
Vous me trouverez peut-être un peu réactionnaire, mais finalement, je comprends le procès qu'on a intenté à Flaubert.
J'ai lu les 3 comtes de Flaubert, il y a plus longtemps, que j'ai beaucoup aimés, eux.
Vous comprenez ce procès sur le fond ou sur la forme?
Flaubert avait raison de defendre son oeuvre telle qu'il l'avait ecrite!!!
Je suis tout à fait d'accord avec toi,Monette.