Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Catégories : La littérature
Isa Dick : "Mon père, ce visionnaire"
PROPOS RECUEILLIS PAR OLIVIER DELCROIX.
Publié le 11 octobre 2007
Actualisé le 11 octobre 2007 : 11h12
Pour la première fois en France, la fille de Philip K. Dick, Isa Dick-Hackett, évoque la vie et l’oeuvre de son père. Entretien exclusif.
Philip K. Dick a été marié cinq fois. Isa Dick est la deuxième fille de l’auteur de Blade Runner.Depuis sa mort en 1982, ses trois enfants (Laura, Isa et Christopher) ont fondé le Philip K. Dick Trust qui veille à l’intégrité de l’oeuvre de leur père. Isa Dick-Hackett vit à San Francisco. Elle évoque la mémoire de son père, et raconte comment a été retrouvé et édité son premier roman de littérature générale.
LE FIGARO LITTÉRAIRE. – Quels souvenirs gardez-vous de votre père ?
ISA DICK-HACKETT. –Mamère, Nancy Hackett, et lui ont divorcé alors que je n’avais que trois ans et demi. Néanmoins, j’ai continué de le voir jusqu’à sa mort. Jeme souviens surtout de son sens de l’humour. Il avait une façon unique de prendre de la distance. Il me faisaitmourir de rire. Et cela restera toujours là, au fond de mon coeur. Toute mon enfance, j’ai eu
conscience que mon père était un écrivain. Pourtant, à chaque fois que j’entrais dans une librairie, et que je cherchais ses livres, ils ne s’y trouvaient pas. Bientôt, j’ai eu l’étrange sensation que si un jour je finissais par en voir un, alors, alorsmoi aussi, je serais réelle.
Et aujourd’hui ?
Je n’ai plus du tout ce genre de dilemme : on trouve ses romans dans toutes les librairies dumonde…
Quel genre d’homme était-il ?
C’était quelqu’un de très intelligent, de très cultivé, de trèsmalin. Il était capable de parler de tout avec aisance, des champignons comme de l’histoire de la Russie. De littérature française comme de politique internationale. C’était hallucinant. Pourtant, il ne me faisait jamais sentir mon inculture. Enfant, il faisait tout pourme rassurer, pourm’encourager. Un soir, je me souviens qu’il m’a lu Rough, la première nouvelle qu’il avait publiée. Ce texte dépeint la terreur qu’éprouve un chien devant les éboueurs… Mais du point de vue de l’animal ! Il essayait de savoir si je devinerais rapidement qui était le narrateur de l’histoire. Et comme j’ai vite trouvé, ilm’a dit que certains professeurs d’université n’avaient toujours pas compris.
Vous souvenez-vous de l’avoir vu au travail ? Quelles étaient ses habitudes ? Ses rituels ?
Je me rappelle surtout de sa machine à écrire. Une Olympia qu’il avait achetée en 1964, et dont il ne s’est jamais séparé. C’était fascinant de le voir travailler, parce qu’il tapait avec ses deux index. Mais avec quelle rapidité ! Le reste du temps, il le passait à déambuler dans la maison, à tourner en rond, en pensant sans doute à son prochain livre. À l’époque, il travaillait principalement sur La Trilogie divine et sur son journal intime, L’Exégèse.
La mort prématurée de sa soeur jumelle a-t-elle influencé sa vie et son oeuvre ?
Oui. Bien sûr. Sa soeur jumelle Jane est morte à deux mois. Et il est clair que cela a influencé sa vie et son oeuvre. Il parlait souvent d’elle. Jenny était devenue son obsession au fil des ans. C’est sans doute pour cela que, souvent dans ses romans, revient le thème de l’ubiquité… Moi aussi, j’ai des jumeaux, Lucas et Dilan. Dans la famille, il semble que nous ayons des prédispositions…
Que pensez-vous de sa lente reconnaissance dans les milieux littéraires américains ?
Il faut du temps pour être reconnu. Philip K. Dick n’aura pas échappé à cette règle. Ce qui me fait plaisir, c’est qu’il y a six mois, quatre de ses romans ont été publiés dans la prestigieuse collection « Library of America ». Un peu comme s’il entrait en « Pléiade » en France…Cela m’a ravi d’autant plus qu’il y a encore une vingtaine d’années, les mêmes considéraient que mon père n’était qu’un petit écrivain de science fiction, au mieux le chantre d’une certaine contre-culture.
Comment êtes-vous entrée en possession des Voix de l’asphalte ?
Nous avons retrouvé ce gros manuscrit dans les archives personnelles de mon père, conservées dans sa maison de Santa Ana. Comme on le sait, Philip K. Dick a écrit huit romans hors genre, principalement dans les années 1950. Tous restés inédits jusqu’à sa mort. Personne ne s’intéressait vraiment à ses ouvrages de littérature générale, à l’exception de Confession d’un barjo, publiée en 1975. À partir du milieu des années 1980, les éditeurs ont commencé à les éditer. Toutefois, lemanuscrit des Voix de l’asphalte, qui faisait près de 600 pages, ne trouva pas grâce à leurs yeux. Pour d’obscures raisons, les directeurs de collection pensaient qu’il n’y aurait pas de marché pour un tel roman. Il faut dire que la tâche était énorme. Ce texte avait besoin d’être relu, corrigé et intégralement retapé sur ordinateur. C’est un petit miracle que nous ayons fini par trouver une maison d’édition qui accepte de se lancer dans l’aventure, avec ce qu’il considérait lui-même comme un roman expérimental, un livre d’initiation…
Est-ce son premier roman de littérature générale ?
Je crois bien que oui. C’est surtout un livre de jeunesse, écrit entre 1952 et 1953, à l’époque où il était employé dans un magasin de disques, qui réparait également les téléviseurs. Exactement comme le héros des Voix de l’asphalte. À cette époque, il écoutait de la musique classique, passion qu’il gardera jusqu’à samort, et lisait Proust, Joyce, Stendhal et Flaubert. Il vivait avec sa deuxième femme, Kleo Apostolides, dans une grande maison de Berkeley, avec un vaste jardin où pouvaient s’ébattre ses chats. Il commençait à souffrir d’agoraphobie. Depuis sa rencontre avec l’éditeur Anthony Boucher, sonmentor, il écrivait à jet continu des nouvelles de science-fiction, payées chacune 350 dollars. Une misère. C’est pour ça qu’il passait ses jours et ses nuits à taper sur samachine à écrire. Fin 1954, il avait publié soixante-deux nouvelles, alors qu’il n’était dans lemétier que depuis trois ans.
Que préparez-vous en ce moment, en rapport avec l’oeuvre de votre père ?
Nous sommes en train de travailler sur un film biographique. Deux projets se font actuellement concurrence. L’un avec l’acteur Bill Pullman. L’autre avec Paul Giamatti, serait produit via notre société de production, Electric Shepherds. Blade Runner, de Ridley Scott, que mon père n’a pas pu voir, a été restauré image par image. J’ai eu la chance de le revoir à Venice, et je suis ressortie bouleversée. L’émotion est encore plus forte aujourd’hui car certaines scènes inédites ont été ajoutées, replaçant l’intrigue initiale au coeur du film. C’est-à-dire les préoccupations obsessionnelles demon père, son éternel questionnement sur ce qui définit un être humain.
LE FIGARO LITTÉRAIRE. – Quels souvenirs gardez-vous de votre père ?
ISA DICK-HACKETT. –Mamère, Nancy Hackett, et lui ont divorcé alors que je n’avais que trois ans et demi. Néanmoins, j’ai continué de le voir jusqu’à sa mort. Jeme souviens surtout de son sens de l’humour. Il avait une façon unique de prendre de la distance. Il me faisaitmourir de rire. Et cela restera toujours là, au fond de mon coeur. Toute mon enfance, j’ai eu
conscience que mon père était un écrivain. Pourtant, à chaque fois que j’entrais dans une librairie, et que je cherchais ses livres, ils ne s’y trouvaient pas. Bientôt, j’ai eu l’étrange sensation que si un jour je finissais par en voir un, alors, alorsmoi aussi, je serais réelle.
Et aujourd’hui ?
Je n’ai plus du tout ce genre de dilemme : on trouve ses romans dans toutes les librairies dumonde…
Quel genre d’homme était-il ?
C’était quelqu’un de très intelligent, de très cultivé, de trèsmalin. Il était capable de parler de tout avec aisance, des champignons comme de l’histoire de la Russie. De littérature française comme de politique internationale. C’était hallucinant. Pourtant, il ne me faisait jamais sentir mon inculture. Enfant, il faisait tout pourme rassurer, pourm’encourager. Un soir, je me souviens qu’il m’a lu Rough, la première nouvelle qu’il avait publiée. Ce texte dépeint la terreur qu’éprouve un chien devant les éboueurs… Mais du point de vue de l’animal ! Il essayait de savoir si je devinerais rapidement qui était le narrateur de l’histoire. Et comme j’ai vite trouvé, ilm’a dit que certains professeurs d’université n’avaient toujours pas compris.
Vous souvenez-vous de l’avoir vu au travail ? Quelles étaient ses habitudes ? Ses rituels ?
Je me rappelle surtout de sa machine à écrire. Une Olympia qu’il avait achetée en 1964, et dont il ne s’est jamais séparé. C’était fascinant de le voir travailler, parce qu’il tapait avec ses deux index. Mais avec quelle rapidité ! Le reste du temps, il le passait à déambuler dans la maison, à tourner en rond, en pensant sans doute à son prochain livre. À l’époque, il travaillait principalement sur La Trilogie divine et sur son journal intime, L’Exégèse.
La mort prématurée de sa soeur jumelle a-t-elle influencé sa vie et son oeuvre ?
Oui. Bien sûr. Sa soeur jumelle Jane est morte à deux mois. Et il est clair que cela a influencé sa vie et son oeuvre. Il parlait souvent d’elle. Jenny était devenue son obsession au fil des ans. C’est sans doute pour cela que, souvent dans ses romans, revient le thème de l’ubiquité… Moi aussi, j’ai des jumeaux, Lucas et Dilan. Dans la famille, il semble que nous ayons des prédispositions…
Que pensez-vous de sa lente reconnaissance dans les milieux littéraires américains ?
Il faut du temps pour être reconnu. Philip K. Dick n’aura pas échappé à cette règle. Ce qui me fait plaisir, c’est qu’il y a six mois, quatre de ses romans ont été publiés dans la prestigieuse collection « Library of America ». Un peu comme s’il entrait en « Pléiade » en France…Cela m’a ravi d’autant plus qu’il y a encore une vingtaine d’années, les mêmes considéraient que mon père n’était qu’un petit écrivain de science fiction, au mieux le chantre d’une certaine contre-culture.
Comment êtes-vous entrée en possession des Voix de l’asphalte ?
Nous avons retrouvé ce gros manuscrit dans les archives personnelles de mon père, conservées dans sa maison de Santa Ana. Comme on le sait, Philip K. Dick a écrit huit romans hors genre, principalement dans les années 1950. Tous restés inédits jusqu’à sa mort. Personne ne s’intéressait vraiment à ses ouvrages de littérature générale, à l’exception de Confession d’un barjo, publiée en 1975. À partir du milieu des années 1980, les éditeurs ont commencé à les éditer. Toutefois, lemanuscrit des Voix de l’asphalte, qui faisait près de 600 pages, ne trouva pas grâce à leurs yeux. Pour d’obscures raisons, les directeurs de collection pensaient qu’il n’y aurait pas de marché pour un tel roman. Il faut dire que la tâche était énorme. Ce texte avait besoin d’être relu, corrigé et intégralement retapé sur ordinateur. C’est un petit miracle que nous ayons fini par trouver une maison d’édition qui accepte de se lancer dans l’aventure, avec ce qu’il considérait lui-même comme un roman expérimental, un livre d’initiation…
Est-ce son premier roman de littérature générale ?
Je crois bien que oui. C’est surtout un livre de jeunesse, écrit entre 1952 et 1953, à l’époque où il était employé dans un magasin de disques, qui réparait également les téléviseurs. Exactement comme le héros des Voix de l’asphalte. À cette époque, il écoutait de la musique classique, passion qu’il gardera jusqu’à samort, et lisait Proust, Joyce, Stendhal et Flaubert. Il vivait avec sa deuxième femme, Kleo Apostolides, dans une grande maison de Berkeley, avec un vaste jardin où pouvaient s’ébattre ses chats. Il commençait à souffrir d’agoraphobie. Depuis sa rencontre avec l’éditeur Anthony Boucher, sonmentor, il écrivait à jet continu des nouvelles de science-fiction, payées chacune 350 dollars. Une misère. C’est pour ça qu’il passait ses jours et ses nuits à taper sur samachine à écrire. Fin 1954, il avait publié soixante-deux nouvelles, alors qu’il n’était dans lemétier que depuis trois ans.
Que préparez-vous en ce moment, en rapport avec l’oeuvre de votre père ?
Nous sommes en train de travailler sur un film biographique. Deux projets se font actuellement concurrence. L’un avec l’acteur Bill Pullman. L’autre avec Paul Giamatti, serait produit via notre société de production, Electric Shepherds. Blade Runner, de Ridley Scott, que mon père n’a pas pu voir, a été restauré image par image. J’ai eu la chance de le revoir à Venice, et je suis ressortie bouleversée. L’émotion est encore plus forte aujourd’hui car certaines scènes inédites ont été ajoutées, replaçant l’intrigue initiale au coeur du film. C’est-à-dire les préoccupations obsessionnelles demon père, son éternel questionnement sur ce qui définit un être humain.
Commentaires
Son père et le père d'un genre que j'ai lu il y a longtemps...
Bonjour Laura,
Personnellement je ne connais pas cet auteur, je ne peux pas porter de jugement bien que son nom me dit quelque chose.
Le père de la science-fiction ....