Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Colloque Les Salons de Diderot.
(Autour du programme d'agrégation 2008)
Colloque « Diderot, Salons »
Université de Toulouse-Le Mirail
24-26 janvier 2008
Maison de la recherche, salle D31
Responsables scientifiques :
Stéphane Lojkine, université de Toulouse-Le Mirail
Franziska Sick, université de Kassel
partir de 1759, Diderot a été chargé par Grimm, le directeur de la Correspondance littéraire, de rédiger les comptes rendus des expositions de peinture, de gravure et de sculpture que l’Académie royale organisait tous les deux ans au Salon carré du Louvre. Ces comptes rendus, qui constituent, en 1765 et 1767 notamment, de gros volumes, ont été appelés Salons, du nom du lieu des expositions.
Réhabiliter les Salons de Diderot
Alors que les Salons de Diderot ont fait l’objet de travaux importants aux Etats-Unis ces dernières années (Michael Fried, Thomas Crow, Bernadette Lefort), le travail fondamental d’édition des textes effectué en France (Michel Delon, Annette Lorenceau, Else-Marie Bukdahl) n’a encore été que timidement suivi de la réflexion critique et théorique, nécessairement interdisciplinaire, qu’exige une œuvre au statut aussi indéfinissable. L’écriture des Salons a été trop longtemps considérée comme un passage à vide dans la carrière de Diderot, entre l’Encyclopédie et les dialogues philosophiques, et le texte était réputé n’avoir d’intérêt que comme document pour les historiens de l’art, où glaner des realia, ou comme une sorte de brouillon préparatoire où l’on repérait les prémisses des futures grandes pages du Rêve de D’Alembert et du Paradoxe sur le comédien.
L’expérience diderotienne de l’image
Les progrès dans la connaissance et l’établissement des textes qu’apporte l’édition Hermann, l’immense travail d’identification des peintures commentées par Diderot commencé par Else-Marie Bukdahl, complété dans le cadre d’Utpictura18, permettent aujourd’hui d’aborder les Salons avec des outils de travail inconnus jusqu’ici. Le regain d’intérêt que connaissent ces textes est lié d’autre part à l’écho qu’ils font, depuis le dix-huitième siècle, au changement de civilisation que nous connaissons aujourd’hui : passant d’une civilisation du texte à une civilisation de l’image, nous redécouvrons avec surprise et fascination cette expérience diderotienne de l’image, par laquelle le philosophe des Lumières avait en quelque sorte anticipé la révolution médiologique contemporaine. Peut-être aussi ne pouvons-nous comprendre qu’aujourd’hui la nature et les enjeux réels de cette expérience et mettre en évidence combien ces Salons longtemps jugés documentaires et périphériques constituent un tournant décisif dans l’œuvre et dans la pensée du Philosophe.
Modéliser la représentation
A cause de la réflexion qu’ils nourrisent sur le rapport entre pictura et poesis, entre le technique (qui relève du métier du peintre) et l’idéal (dont la fabrication est commune aux génies du peintre et du poète), les Salons de Diderot n’intéressent pas seulement le public restreint des dix-huitiémistes érudits. Ils mettent en question plus généralement ce qu’il en est du processus même de la représentation, qu’elle soit textuelle ou iconique. Ils s’interrogent, avec la notion de modèle idéal, sur la possibilité d’une modélisation non rhétorique de la représentation, conçue non plus comme le déroulement d’une histoire, mais comme la mise en œuvre d’un dispositif.
Le problème du genre
Cette conception nouvelle de la représentation ne s’applique pas seulement aux œuvres que Diderot commente. Elle informe le texte même des Salons, son organisation, sa disposition, sa signification : tributaire de l’ordre des tableaux dans le livret de l’exposition, ce texte décousu, digressif, inégal ne serait-ce qu’à cause de l’inégale valeur artistique des œuvres dont il traite, se dérobe à l’analyse tant structurale que narratologique. Sur le plan générique, il se présente comme une série de lettres à Grimm, où celui-ci d’ailleurs intercale ses commentaires. Diderot parfois anticipe cet échange en mettant lui-même, d’avance, Grimm en scène, et de là d’autres personnages. Il se fait également l’écho des commentaires entendus dans la foule des visiteurs du Salon. La lettre devient alors polyphonie dialogique.
Mais décrire un tableau pour un lecteur qui ne le verra qu’au travers de la description renvoie également à un exercice rhétorique fort ancien, l’ekphrasis, qui est un genre de l’éloge, peu compatible avec la dissension dialogique. Enfin, la critique souvent acerbe qu’exige la pratique journalistique introduit une troisième contrainte générique, de sorte que le texte doit sans cesse être lu selon ces différents niveaux de performance et de compétence.
Vision / Fiction : le programme franco-allemand
C’est cette complexité des genres que convoquent et que superposent les Salons qui en fait un terrain d’étude privilégié du rapport entre vision et fiction, le sujet du programme franco-allemand dont ce colloque constitue le premier volet. Diderot nous rapporte ce qu’il voit, ou croit voir, ou aurait voulu voir : « On voit », « voyez », « voilà » sont les formules récurrentes de ce texte qui enchaîne visions sur visions, celles des tableaux réels, et celles des tableaux idéaux que, bien souvent, Diderot voudrait leur substituer. La vision est l’instrument à la fois du dialogisme (le tableau imaginé contre le tableau vu), de l’ekphrasis (donner à voir un tableau) et de la critique journalistique (voir pour juger, voir pour évaluer). Elle devient de plus en plus consciente d’elle-même au fur et à mesure qu’on avance dans les Salons, jusqu’aux deux morceaux de bravoure que sont « l’Antre de Platon » en 1765 (la vision du Corésus et Callirhoé de Fragonard), et la Promenade Vernet (la vision en pleine nature des Vernet du Salon de 1767).
Lorsque la vision se déploie dans ces trois dimensions, elle ne peut plus être réduite à l’enchaînement des commentaires de tableau, à une rhétorique de la liste : la vision devient dispositif textuel et construit toute une fiction pour la soutenir. Cette fiction dépasse le seul cadre des deux textes phares consacrés à Fragonard et à Vernet : Diderot se plaît à raconter mille anecdotes ; « faire un conte » devient la ressource du poète face à la peinture médiocre ou au sujet stérile. La fiction fournit alors une vision alternative, en supplément.
Programme
Jeudi 24 janvier 2008
8h30 : Accueil des participants. Inscription au colloque.
9h00 : Ouverture du colloque
Ressemblance et portrait
9h30 :
Martin SCHIEDER, Freie Universität de Berlin
Le mérite de ressembler est passager : Diderot et le Portrait
10h10 :
Anthony WALL, université de Calgary
Diderot et quelques-unes de ses têtes curieuses
10h50 : Pause
11h10 :
Roland GALLE, université d’Essen
Diderot et le portrait : une nouvelle mise en scène de la « ressemblance »
11h50 :
Odile RICHARD-PAUCHET, université Paul Sabatier - Toulouse 3
Nature et vérité dans les Salons de Diderot : La passion de la ressemblance.
12h30 : Déjeûner
Théorie esthétique
14h30 :
Carole TALON-HUGON, université de Nice-Sophia Antipolis
Iconicité et picturalité : effets et finalités de la peinture
15h10 :
Pierre CHARTIER, université de Paris VII-Denis Diderot
Structure du modèle idéal : le préambule du Salon de 1767
15h50 : Pause
La question du sublime
16h10
Jean-Pierre DUBOST, université de Clermont-Ferrand
Combien de sublimes dans les Salons ?
16h50
Helmut PFEIFFER, université Humbolt de Berlin
Diderot et l'esthétique du sublime
18h30 : Rencontre et débat sur L’Œil révolté à la librairie Ombres Blanches, 48-50 rue Gambetta, ou 5-7 rue des Gestes, métro Capitole.
20h : Repas au restaurant Au Gascon, 9, rue des Jacobins.
Vendredi 25 janvier 2008
L’écriture des Salons
8h30
Jens HÄSELER, Centre européen des Lumières à Potsdam
L’écriture des Salons – tensions entre journalisme et fiction littéraire
9h10
Geneviève CAMMAGRE, université de Toulouse-Le Mirail
Grimm une voix dissonante? Les commentaires de Grimm aux Salons de 1761, 1763, 1765
9h50 :
Annette GRACZYK, Centre de recherche sur les Lumières en Europe, Halle
Du hiéroglyphe au tableau: Diderot théoricien et critique d'art
10h30 : Pause
10h50
Christina VOGEL, université de Zürich
La pluralité des regards dans la critique et l’écriture des Salons
11h30
Pierre PIRET, université catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve
L’écriture des Salons ou comment produire un savoir sans devenir un maître
12h40 Déjeûner
Fiction / Vision
14h30 :
Christof SCHÖCH, université de Kassel
Un type de picturalité textuelle dans la fiction romanesque et les Salons de Diderot
15h10 :
Stéphane LOJKINE, université de Toulouse-Le Mirail
« si nous continuions à faire des contes ? » Dérapage de la vision et supplément fictionnel dans les Salons
15h50 : Pause
16h10
Franziska SICK, université de Kassel
Paysages et portraits visionnaires dans les Salons de Diderot
16h50
Bruno Nassim ABOUDRAR, université de Paris III-Sorbonne nouvelle
Effets de cadre et de cadrage
20h00 : Dîner en ville
Samedi 26 janvier 2008
Perception et savoirs faire
9h00
Marian HOBSON, Queen Mary, University of London
« Faire que tout perde ou gagne proportionnellement » : Diderot et la proportion
9h40
Peter BEXTE, Institut d’études en communication, FH de Potsdam
Le paradoxe de la perception. Au Salon avec des lunettes
10h20 : Pause
10h40
Benoît TANE, université de Toulouse-Le Mirail
La gravure dans les Salons : un art « en creux » ?
11h20
Guido REUTER, université Heinrich-Heine de Düsseldorf
« Vous revoilà donc, grand magicien que vous êtes …. » Les pensées de Diderot sur l’art et la nature dans les tableaux de Jean Siméon Chardin
12h Déjeuner
Informations pratiques, contact, présentations des communications sur Utpictura18 :
http://galatea.univ-tlse2.fr/pictura/UtpicturaServeur/ColloqueDiderot.php