Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
La vie rêvée de Nerval
Aurélie Loiseleur
Corinne Bayle, Gérard de Nerval, L’Inconsolé, Aden, 2008, « le cercle des poètes disparus », 425 p., EAN 9782848400174
La biographie que Corinne Bayle consacre à Nerval, sous le titre Gérard de Nerval, L’Inconsolé, parue au printemps 2008 pour le bicentenaire de la naissance du poète, vient s’inscrire dans le vaste projet lancé par les éditions Aden depuis 2002. La collection « Le Cercle des poètes disparus » vise à raviver les voix des grands auteurs qui continuent à nous parler.
Cette biographie se présente comme un roman véridique, en ce sens que Gérard de Nerval est un personnage dont la vie reste inséparable de ses fictions. Cette somme très dense revendique d’emblée un mode d’approche personnel, en se faisant attentive à « ce “je” qui a tant confondu les pistes existentielles et les voix narratives ». Il s’agit en effet de mieux saisir un visage à la fois révélé et oblitéré par sa légende, d’en faire réapparaître patiemment les traits sous les croûtes durcies des caricatures, des racontars, des approximations ou des mensonges. Car cet être mythologique qu’est Nerval se prête particulièrement à des récits tronqués, truqués, aussi bien par les autres que par lui-même, et il faut toute la patience d’un auteur à l’écoute de ses écrits depuis des années pour restituer l’authenticité d’un parcours et renouer le fil.
Voilà l’originalité de cette enquête, à sa façon une quête : elle sait associer les exigences de la recherche universitaire au rapport à l’être dans cette réflexion d’écrivain que mène C. Bayle. En ce sens, Nerval n’est pas le prétexte de ce livre mais il en est le sujet au sens fort, centre irradiant, figure questionnée et questionnante. La biographe revient vers ce frère en souffrance et en mélancolie, qui porta très haut l’exigence de lucidité dans la folie et fit de la vie une expérience risquée, en passeur de mythes, en sondeur de rêves. Que peut signifier Nerval pour nous ? En quoi, flamboyant et désabusé, nous reste-t-il contemporain ?
Chaque paragraphe, nourri, fouillé, est placé sous le signe d’un triptyque : trois noms aux qualités évocatoires tissent entre eux des échos et apportent une scansion dans la vie de Nerval. C’est par exemple, pour la période de formation, « Enfances — Racines — Friches », avec à chaque fois des indications de dates (1808-1814), facilitant le repérage chronologique. Le lecteur est invité à s’aventurer à sa suite sur « les territoires du songe ». Car Nerval se trouve à la clef de notre rapport au réel et au rêve, il est celui qui ouvre l’un à l’autre ces deux mondes, dit C. Bayle, qui affirme, au seuil de son livre et avec constance, la nécessité d’une empathie : lire Nerval, écrire Nerval, revient à rencontrer une souffrance, à considérer ce qui la transmue en œuvre d’art, à revenir sur les dérèglements de la raison et à retrouver les traces de cette marche tournoyante jusqu’au suicide. C’est prendre la mesure d’un destin lumineux et catastrophique, marginal et exemplaire, tout en relisant traductions, poèmes, correspondance, souvenirs, récits de voyage, nouvelles et romans comme autant de constellations chiffrées.
Nerval, raconte cette biographie, fait partie de nous, de notre culture collective, de ce romantisme hérité de l’Allemagne, et notamment à travers lui. Pari tenu d’une œuvre érudite, renseignée à fond, étayée par une solide bibliographie. On ne trouvera pas ici une critique à froid, une dissection ni rien de distancié, mais un récit humain, plein de pudeur et chaleureux : à travers les travaux de C. Bayle, le lecteur peut se laisser porter à la rencontre de ce grand mort qui ne veut pas être consolé.
Pour citer cet article : Aurélie Loiseleur , "La vie rêvée de Nerval", Acta Fabula, Notes de lecture, URL : http://www.fabula.org/revue/document4635.php
Commentaires
Il va falloir que je mette à lire ces livres que tu proposes sur Nerval. Je ne le connais pas assez, je dois dire très peu. J'écoute ceux qui veulent bien parler de lui.
Bon dimanche Laura.
Tu as lu mon mémoire,une des peu nombreux(ses)... tu en sais déjà plus qu'avant...
Oui c'est grâce à toi que je le connais plus. Avant je ne connaissais que son nom, j'étais trop occupée entre mon travail, la maison, le jardin et la vie de famille. Le temps courait à une vitesse folle... Bon dimanche Laura et à ton mari aussi.
Merci Elisabeth; contente d'avoir réussi à te le faire connaître mieux et aimer?