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Catégories : L'art

La bête noire du roi Poire

tiensbonpeuple.jpgFrançois Taillandier
04/12/2008 | Mise à jour : 11:05 |

Républicain farouche, le caricaturiste Daumier ne cessa de moquer le bedonnant Louis-Philippe. Mais il fut aussi un visionnaire de son siècle,à l'égal de Balzac.

Fêtons pour son bicentenaire Honoré Daumier (1808-1879), qui trône en son siècle comme un roi. Roi, il le devint en défiant l'autre roi, le médiocre Louis-Philippe, qu'il représenta en poire, puis en Gargantua mangeur d'impôts, déféquant des prébendes et nominations pour sa clientèle politique. L'esprit de Rabelais se réincarnait ainsi dans ce républicain farouche. Les quelques mois de prison qu'il subit à cette occasion furent son sacre.

En 1835, le roi Poire interdit la caricature politique. Pour Daumier, dessinateur vedette du Charivari et autres feuilles contestataires, cet oukase fut une chance. Ne pouvant plus taper directement sur le monarque et ses ministres, il entreprit de dessiner les Français tels qu'ils étaient, bourgeois, artistes, hommes de loi, ouvriers… Il devint ainsi l'autre Honoré, le Balzac de la lithographie. Il contribua d'ailleurs à illustrer la grande édition de La Comédie humaine. Il multiplia les séries consacrées aux divers types sociaux. Ainsi disposons-nous pour la France du XIXe siècle de ce que les Bruegel nous donnèrent pour la Flandre du XVIe. Il est bien sûr le grand-père de tous les caricaturistes de presse. Pourtant, son œuvre ne se réduit pas à cela. Daumier est un visionnaire. Il y a chez lui la malice des chapiteaux médiévaux, la violence d'un Jacques Callot, la maestria souveraine des esquisses d'un Rembrandt ou d'un Rubens et toute la tradition de l'estampe populaire (très vivace sous la Révolution). Son art de la caricature emprunte aux grandes sources classiques. Avant de faire ses portraits charges, il réalise ces extraordinaires petits bustes polychromes qu'on peut voir au Musée d'Orsay. Il tord les formes, dramatise le mouvement.

Il y a en lui un sculpteur, un statuaire nerveux et puissant comme son compatriote Puget. Lorsque l'histoire s'en mêle, il atteint à la grandeur épique : l'homme mort du massacre de la rue Transnonain (1834) est un cri d'horreur à la Goya devant la répression. Mais ce moderne pourra aussi, en des satires amicales, figurer Nadar en ballon « élevant la photographie à la hauteur d'un art », ou Victor Hugo « répondant par des pensées sombres à des questions graves ». Le sourire ne perd jamais ses droits.


Très en avance sur son temps

On peut regretter le texte parfois trop savant et parfois trop elliptique de ce livre ; l'essentiel est qu'on y trouve toutes les facettes de son art, et les pistes multiples de son inspiration et de son influence. Baudelaire voyait en lui « un des hommes les plus importants pas seulement de la caricature, mais de l'art moderne ». Son œuvre de peintre compte des toiles très en avance sur son temps, Le Fardeau, Les Lutteurs, La Partie de dames. Les grands novateurs, les Manet, les Degas, ont médité cette œuvre. Les dessinateurs du début du XXe, les Capiello et les Steinlen, les George Grosz et les Félicien Rops, lui doivent tous quelque chose. Et probablement Flaubert ou Zola n'eussent pas été ce qu'ils sont sans la vision de Daumier, qui avait commencé en tant que saute-ruisseau chez un notaire. Exactement comme l'autre Honoré.

Daumier et la caricature de Ségolène Le Men Citadelles & Mazenod, 240 p., 69 €.

http://www.lefigaro.fr/livres/2008/12/04/03005-20081204ARTFIG00403-la-bete-noire-du-roi-poire-.php

Image:

Tiens bon peuple !
1862
Gravure
10 x 15 cm
Musée d'Orsay Paris

http://www.honore-daumier.com/

Toutes mes notes sur Daumier:

http://www.lauravanel-coytte.com/search/daumier

 

Commentaires

  • J'aime beaucoup ce caricaturiste.

  • Cela iui mais bien plus, je pense...

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