Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Dix albums en sélection
CritiqueUne sélection du service Livres de Libération
Par GÉRARD LEFORT
Michel Le Bris
N.C. Wyeth, l’esprit d’aventure
Hoëbeke, 144 pp., 35 euros.
Umberto Eco (sous la direction de)
Histoire de la beauté. Histoire de la laideur
Traduit par Myriem Bouzaher (italien), et François Rosso (grec et latin). Flammarion, 438 et 452 pp., 78,90 euros les deux volumes en coffret.
Dictionnaire international de la sculpture moderne et contemporaine
Editions du Regard, 560 pp., 86 euros.
30 000 ans d’art. Histoire de la créativité humaine à travers le monde et le temps
Phaidon, 1 064 pp., 49,95 euros.
Stéphane Audoin-Rouzeau et Gerd Krumeich
Cicatrices. La Grande Guerre aujourd’hui
Photographies de Jean Richardot Tallandier, 180 pp., 39 euros.
Eugene Richards
The Blue Room
Phaidon, 168 pp., 75 euros.
Théophile Gautier
Venise
Editions de l’Amateur, 160 pp., 15 euros.
DENIS DAILLEUX
Fils de roi
Gallimard, 127 pp., 29 euros.
L’Œil du IIIe Reich. Walter Frentz, le photographe de Hitler
Perrin, 256 pp., 29,90 euros.
Pierre Dubois et Camille Renversade
Dragons et chimères, carnets d’expédition
Hoëbeke «Légendaire», 128 pp., 32 euros.
art
Si Michel Le Bris, fondateur du festival Etonnants Voyageurs, n’avait pas, enfant, feuilleté dans le grenier familial les vieux livres d’aventures des éditions Scribner illustrés par N.C. Wyeth, cet ouvrage superbe n’aurait jamais vu le jour. L’écrivain incollable sur la saga des pirates et sur Stevenson rend hommage à l’illustrateur de l’Ile au Trésor,Robinson Crusoe et autre Dernier des Mohicans. N.C. Wyeth (1882-1945) a réalisé plus de 3 000 dessins dans sa carrière et donné vie à 112 ouvrages. Western, pirates, fées ou vikings, il les a tous ressuscités. Dans ce livre qui compte plus de 130 illustrations, on retrouve le génie de celui qui fut aussi le créateur des premières pubs Coca-Cola et Lucky Strike : une force de trait, une énergie, un tremplin merveilleux à l’imagination. Et une vision rêvée de l’Amérique.
D.Py
L’Histoire de la beauté a connu un beau succès : traduite en près de trente langues. Par une riche iconographie et une anthologie de textes littéraires, philosophiques, esthétiques, Umberto Eco y reconstruisait les modes dont tour à tour, de la Grèce antique à nos jours, a été conçue la beauté de la nature, la beauté artistique, la beauté des astres, des formes mathématiques, des parures, des palais, des corps… Aussi magnifiquement illustrée, mais d’un plus grand raffinement encore, les sources iconographiques étant plus secrètes ou enfouies que celles de la beauté, l’Histoire de la laideur n’a pas égalé ce succès : l’acheter était simple, l’offrir plus compliqué. Problème résolu : les deux volumes sont aujourd’hui réunis en un élégant coffret. Rapprochement heureux, car, sans faire de l’un le contraire de l’autre, il montre que le beau et le laid sont indissociables et ont pour «enfant» l’ambiguïté, aussi attirante que repoussante, plus attirante que la parfaite beauté, qui ne charme guère, moins repoussante que la simple laideur, qui toujours intrigue ou fascine.
R.M.
Déjà, il y a très peu de dictionnaires entièrement consacrés à la sculpture. Et en plus ce Dictionnaire international, réalisé par Alain Monvoisin, est le premier à traiter uniquement le XXe siècle et le début du XXIe. Il est aussi le seul à aborder cette discipline dans toutes ses formes et tous ses champs en mentionnant des artistes qui peuvent se revendiquer sculpteurs comme certains vidéastes (Bill Viola, Gary Hill) ou certains photographes (Thomas Demand)… Avec 1 500 entrées, 600 illustrations couleur, des notices bien faites rédigées en petits caractères, il s’agit indéniablement d’un vrai dictionnaire. En prime, une belle couverture matelassée avec une photo du fameux Ballon Dog (red) de Jeff Koons.
H.-F.D.
Un voyage autour de la terre en 30 000 ans et à travers 1 000 chefs- d’œuvre de la préhistoire à nos jours, voilà l’ambitieux programme que propose cette Histoire de la créativité humaine… Gageure a priori impossible mais projet éditorial in fine réussi. On a quitté l’histoire de l’art chapitrée à la Ernst Gombrich pour une encyclopédie visuelle au fil chronologique mêlant tout aussi bien l’art occidental (de l’Antiquité à l’art moderne en passant par le Moyen Age ou la Renaissance), les arts dits «premiers» et l’art de l’Orient musulman ou de l’Asie bouddhique. Il ne s’agit plus de circonscrire la création dans des aires géographiques hermétiques ni de la cloisonner dans des nomenclatures hiérarchisées : Art, arts décoratifs. Vers 450 avant J.-C. on passe du Discobole de Myron (Grèce classique) à une tête d’homme Sokoto (Nigeria). Chacune en pleine page avec article indiquant la période et le style, les œuvres forment des diptyques et offrent des parallèles originaux : une bannière funéraire des Han occidentaux en regard d’un visage d’albâtre du Royaume de Saba ; un portrait de dignitaire coréen de la dynastie Choson à côté d’un Vieillard assis par Rembrandt.
S.J.R.
histoire
La guerre détruit les corps, elle mutile et éventre aussi les paysages. Des Vosges à la mer du Nord, le photographe Jean Richardot a suivi l’ancienne ligne de front à la recherche des blessures toujours visibles de la Première Guerre mondiale. Des barbelés qui sortent encore de terre pour barrer le passage, des sols jonchés de vestiges et de débris métalliques, des trous, des ruines ou des «dunes» sculptées par les obus, des croix et des mémoriaux oubliés, des graffiti sur les casemates ou les blocs de béton effondrés. Deux spécialistes de la Grande Guerre, l’un Français, l’autre Allemand, commentent ce parcours qui dit à sa manière, distante et silencieuse, toute la violence du combat.
D.K.
photo
Eugene Richards (né en 1944, à Dorchester, Massachusetts) offre à ses sujets le cadre d’une dimension universelle. Il est un photographe rare. Il donne l’impression qu’il a réalisé le sujet pour que vous compreniez un peu mieux ce qui se passe autour de vous. Il est l’ambassadeur des oubliés, des paumés, des drogués, il est l’un des nôtres. Jusqu’au Gros Bébé et autres histoires, également publié par Phaidon, il voyait en noir & blanc. The Blue Room est en couleurs, avec beaucoup de rouge. C’est un voyage de trois ans et demi dans l’Amérique rurale, champs, chevaux, granges. Tout est là de la vie, et pourtant tout est mort. Silence total, pas âme qui vive, rien. Eugene Richards entre dans des maisons abandonnées et photographie les restes. Insectes morts. Poupées aux yeux vides. Robe de mariée pendue. Vaisselle cassée. Mégots. Jeu de cartes perdues dans la poussière. Vieilles chaussures. Pendule arrêtée. Et lui qui remonte le temps, et reconstitue des albums de famille disparue. Un puzzle providentiel.
B.O.
Désormais riche de huit titres, la collection Sépia accueille Théophile Gautier (1811-1872) à Venise, aussi excité qu’un chercheur d’or. Tout lui plaît, et il s’attache à décrire au plus près les merveilles qu’il découvre, de la gondole, «mollusque» indigène, à la basilique Saint-Marc, «colossal reliquaire des civilisations disparues». Jamais tenté par les béquilles de l’histoire, toujours proche de la peinture, Gautier flâne dans Venise, «coquette des aquarelles», et jouit du spectacle. Des pêcheurs exhibant un dauphin. Le chien qui tire les numéros pour la loterie. La soupe aux pidocchi sous une treille de Quintavalle. La fabrication des jaserons, ces «imperceptibles petites chaînettes d’or, ténues comme des cheveux». Les glaces du café Florian. Le long récit de Gautier est accompagné de photographies anonymes. L’ensemble a un charme fou.
B.O.
Denis Dailleux, fidèle à sa tradition, poursuit ses portraits de jeunes Egyptiens qui, à en croire le titre de son dernier ouvrage, sont tous fils et filles de roi. De fait, sous les traits de tel garçon, on peut imaginer le physique de Pharaon et sa beauté et, sous le visage énigmatique d’une jeune fille, ce que devait être la splendeur débarrassée de Néfertiti. Mais aussi des rois et des reines du macadam, des palmeraies ou des bistros du Caire. La mise en page est intelligente qui, en regard des visages, place des paysages, qu’ils soient urbains ou de la campagne. Ces contrepoints disent autrement la même chose : l’amour fou d’un pays, ses sortilèges aussi. Quand on passe la main sur les images de Denis Dailleux, on sent la chaleur.
G.L.
Moins connu que la cinéaste Leni Riefenstahl - dont il fut le cameraman pour les Dieux du stade - ou que Heinrich Hoffmann, le photographe personnel de Hitler, Walter Frentz a pourtant «profondément marqué l’iconographie du IIIe Reich». Un livre «sans complaisance ni fascination» montre son œuvre au travers de plusieurs centaines de photos, dont beaucoup en couleurs, et l’explique grâce aux contributions d’une dizaine de spécialistes allemands et de l’historien français Fabrice d’Almeida. Vie quotidienne dans l’entourage du Führer, portraits de personnalités, quelques scènes de guerre dont certaines d’une rare violence, mais aussi visites dans les camps et vues des villes allemandes bombardées : un très impressionnant panorama, vu par «l’œil du IIIe Reich», enrichi de textes d’une grande qualité - par exemple sur l’usage de la couleur en photographie à des fins de propagande politique. Le tout pour un prix extrêmement raisonnable.
J.-D.M.
dragons
Un carnet d’expédition oublié, rempli d’images, de croquis et de schémas, a été retrouvé dans un tiroir du Muséum d’histoire naturelle. Enfin, imaginons que… C’est à quoi invitent le conteur Pierre Dubois et l’illustrateur Camille Renversade dans un livre au bon goût de chimères et de XIXe siècle. Une première expédition part en novembre 1897 en Afrique à la recherche de dragons. Le séjour n’est pas de tout repos, tant les animaux les plus exotiques assaillent l’équipe, dont des Rhacodactylus Draco minus, en gros de petits dragons volants qui n’auraient pas déparé dans l’enfer de Jérôme Bosch. Les membres de l’expédition, bientôt repartis aux Indes, auront fort à faire avec des harpies de cauchemar, croiseront la licorne issue de nos rêves et le fameux dodo, hélas disparu pour l’humanité mais pas pour la postérité.
F.Rl
Pour les lire les autres articles du supplément livres de Libération du jeudi que je lis depuis...
http://www.liberation.fr/culture
Pour lire mes autres notes "lu dans la presse":
http://www.lauravanel-coytte.com/search/lu%20dans%20la%20presse