Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
HÖLDERLIN 1770 - 1843
«Je suis glacé, figé de froid dans cet hiver qui m'environne,/ Et de fer est mon ciel ; et de pierre je suis.»
"Lyrisme, en français, ne veut pas dire grand'chose. Pour Hölderlin, il faut nécessairement revenir et penser à ce moment mystérieux et capital de la Genèse, qui vit l'homme - dans sa lucidité antérieure au péché, sa transparence antérieure au tout premier sommeil - recevoir de Dieu la responsabilité, le soin et le pouvoir de nommer de leur nom toutes les créatures. Puissance mystique du verbe: la poésie vient de là, de ce sanctuaire fait de lumière et d'ombre, où les générations faillies peuvent retrouver toujours, « par ces armes du verbe », la permission suprême de
« Parler seul / Avec Dieu, »
comme Hölderlin a su le dire au plus près.
Toutes les autres disciplines humaines ne sont guère que des distractions plus ou moins abusives, où l'essentiel est ce dont on ne parle jamais.
Armel Guerne
"Je suis certaine que pour Hölderlin, c'est comme si une puissance céleste l'avait inondé de ses flots; et c'est le verbe, dans la violence de sa précipitation sur lui, qui a comme submergé et noyé ses sens. Et quand les flots se sont retirés, ses sens étaient tout débilités et la puissance de son esprit subjuguée et anéantie. Et St. Clair le confirme. « Oui, c'est cela. » Et il raconte encore: « Mais pour qui l'écoute, ce serait juste de le comparer au mugissement du vent, car il ne cesse d'éclater en hymnes, qui tout à coup s'interrompent, comme lorsque le vent tourne. Alors, de lui s'empare comme une science plus profonde, et l'idée qu'il soit fou s'évanouit totalement en vous: à entendre ce qu'il dit de la langue et du vers, on croirait qu'il est tout proche, avec ses lumières, du mystère divin du langage; et puis tout retombe pour lui dans la ténèbre et il sombre dans la confusion, songeant qu'il n'arrivera jamais à se faire comprendre. Il dit que c'est la langue qui forme tout de la pensée, car la langue est plus grande que l'esprit humain, qui n'est que son esclave; et tant que la langue seule ne le fait pas éclore en lui, c'est que l'esprit de l'homme n'a pas atteint la perfection."
Bettina Brentano