Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
La peinture hollandaise en état de grâce
Scène d'Intérieur avec une mère épouillant son enfant (Le devoir d'une mère), de Pieter de Hooch, 1658-1660.(Image Department Rijksmuseum, Amsterdam, 2009 )
Éric Biétry-Rivierre
20/10/2009 | Mise à jour : 17:23
La Pinacothèque de Paris réunit une sélection représentative du fonds du Rijksmuseum d'Amsterdam.
MULTIMÉDIA - «La Lettre d'amour» de Vermeer décryptée
Belle performance de Marc Restellini. Le directeur de la Pinacothèque de Paris a signé un accord avec le Rijksmuseum d'Amsterdam, aux trois quarts fermé pour travaux jusqu'en 2013, pour une sélection de prêts très représentative du siècle d'or hollandais. «Nous exposons toujours chez nous nos quatre cents plus grands chefs-d'œuvre, rappelle Ruud Priem, commissaire du Rijksmuseum. Mais c'est la première fois depuis 2003, date du début du chantier de désamiantage, que l'on peut avoir ailleurs une idée nette du million de pièces se trouvant dans nos réserves.»
Au XVIIe siècle dans la république des Provinces-Unies, l'essor commercial et la tolérance de pensée se conjuguaient pour faire fleurir les arts comme autant de précieuses tulipes. «Des historiens ont calculé que plus de six millions de toiles avaient pu être peintes à cette époque, résume Ruud Priem. Chaque maison se devait d'en couvrir ses salons. Il y en avait jusque dans l'atelier du tailleur, comme le montre dans l'exposition une œuvre de Brekelenkam. Remarquez aussi les tableaux dans le décor de cette Mère épouillant son enfant, de Pieter de Hooch, ou dans la célèbre Lettre d'amour de Vermeer, également prêtée.» Que de mises en abyme, en effet !
Rêveuse et mystérieuse
Vermeer est donc là, évoqué par ce seul mais inépuisable chef-d'œuvre. Sa lettre, Gerard ter Borch semble l'avoir ouverte. Dans sa toile accrochée non loin, il l'a fait lire à sa sœur, habillée en paysanne. Celle-ci se tourne, rêveuse, elle aussi mystérieuse, dans la pénombre de l'arrière-plan. Plus loin, Rembrandt se fait moins rare mais pareillement précieux. Voici son renversant clair-obscur du Reniement de saint Pierre et son auguste et mélancolique Oriental. Un des plus beaux turbans jamais peints.
Sur une autre cimaise est accroché le portrait de son fils Titus qui ne fut jamais franciscain mais qui apparaît vêtu d'une robe de bure. Prétexte à une époustouflante variation marron et à un effet si mélancolique qu'il en devient visionnaire : Titus mourra un an avant son père. On regrette de ne pouvoir admirer plus de ces maîtres, même si pour Rembrandt plusieurs œuvres d'atelier et d'élèves compensent.
Au demeurant, ni l'un ni l'autre ne sont vraiment représentatifs de leur temps. L'âge d'or hollandais ne se caractérise pas par le seul portrait, la seule scène biblique ou d'intimité profane. De Delft à Haarlem, la profusion des genres est telle que les artistes choisissent souvent de se spécialiser pour mieux cibler la clientèle. Willem Claesz Heda, Willem Kalf, Jan Van Huysum et Peter Claesz se concentrent sur la nature morte ou la vanité. Il faut avoir le nez sur l'improbable bouquet attribué à Jan de Heem ou sur ceux de son suiveur, Abraham Mignon, pour remarquer une araignée pendue à son fil. Ou bien le reflet d'une fenêtre dans un vase. On y distingue des nuages. Pour un peu on en déduirait la météo…Un Jan Van Goyen ou un Meindert Hobbema vendent surtout des paysages. Parfois ils les nimbent d'une lumière dorée, italianisante, alors qu'on voit des polders ou des canaux. Parfois encore, un paysage devient un leitmotiv, comme chez Jacob Van Ruysdael avec son château de Benheim dont l'ombrage grandiose ravissait les préromantiques. De leur côté, un Adrian Van Ostade fait rire par ses satires villageoises tandis qu'un Jan Steen ose peindre une jeunesse ôtant ses bas (elle a encore leur marque à mi-mollet) et qu'un Pieter Codde multiplie les allusions grivoises dans ses retours de chasse. À l'inverse, un Emanuel de Witte ou un Pieter Jansz Saenredam magnifient l'austère grandeur des monuments dans des géométries dont un futur compatriote, Mondrian, saura tirer toute la substance. Le précieux Dirck Santvoort et, dans un style beaucoup plus enlevé, Frans Hals sont avant tout des portraitistes, Willem Van de Velde s'impose comme peintre de marines et Paulus Potter adore si bien les animaux que l'humanité jaillit de l'œil de ses vaches… Par la réunion de cette soixantaine de tableaux enrichis d'objets précieux ainsi que d'une trentaine d'aquarelles et de dessins (dont un génial autoportrait de Moses Ter Borch réalisé à l'âge de 8 ans !), l'exposition réussit à aborder correctement chacun de ces genres.
» EN IMAGES - Les trésors d'Amsterdam
Jusqu'au 7 février, 28, place de la Madeleine, Paris (VIIIe).
Catalogue Pinacothèque 304 p., 45 €. Hors-série du «Figaro», 114 p., 7,90 €.
Le Club Figaro Loisirs organise des visites. Rens. : 01 57 08 70 02.
http://www.lefigaro.fr/culture/2009/10/13/03004-20091013ARTFIG00355-la-peinture-hollandaise-en-etat-de-grace-.php