Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Mur de Berlin : notre sélection littéraire
De nombreux ouvrages analysent ce séisme qui préfigure la fin du «rêve» communiste.
Levez la barrière, levez la barrière !» Voilà vingt ans, le mur de Berlin s'effondrait, entraînant la fin du «rêve» communiste. Commémorer un tel événement ne relève pas seulement de l'exercice historique classique, tant cette chute touche aussi à la plus brûlante actualité. Qu'avons-nous fait de cette liberté si chèrement acquise et tant espérée par des générations de dissidents, de combattants de l'ombre et de victimes de la répression bolchevique ? La question mérite autant d'être posée que les circonstances de la chute supposent d'être rappelées. D'où les deux types de publications qui se côtoient actuellement dans les rayons des libraires. Celles qui, non sans intérêt, reviennent par le menu sur l'enchaînement des événements cruciaux de cet automne 1989 qui ont conduit à la chute finale. Citons parmi tant de livres le récit de Jean-Marc Gonin et d'Olivier Guez qui ont procédé à une enquête précise, sur fond de témoignages et d'archives, de ces deux mois de 1989.
Cela commence le 6 octobre 1989, lorsque la RDA reçoit Gorbatchev pour célébrer les 40 ans de sa création. Les dirigeants sont encore confiants. Un mois plus tard, le tourbillon de l'Histoire emporte ce régime sans une goutte de sang. Le mur de Berlin tombe dans la nuit du 9 au 10 novembre. Pendant ces quelques semaines, Gonin et Guez montrent ce qui se joue en coulisses. Ils sont des dizaines à affronter la Stasi au prix de leur liberté. À un moment, la pression est trop forte et le régime cède, comme une digue, sous la pression de la foule.
Formidable promesse
C'est aussi ce que montre Georges Marion dans Berlin 1989 où, à travers une série de portraits des acteurs de l'époque, on comprend comment un État totalitaire finit par plier face à la détermination des masses. Car, contrairement à tant de fausses « révolutions » qui viendront après, dans certains pays de l'Est, c'est la rue qui, à Leipzig ou à Berlin, a pris son sort en main.
On lira aussi les récits de Cyril Buffet et de Michel Meyer sur toutes ces péripéties. Bien entendu, pour bien saisir les véritables causes de cette chute, il faut remonter longtemps en amont car la chute du Mur marque aussi la fin d'une époque, celle de la guerre froide, que Frederick Taylor illustre avec beaucoup de talent dans son Mur de Berlin (1961-1989). Spécialiste de l'Allemagne, cet historien de renom retrace certainement la plus passionnante histoire du Mur depuis sa création jusqu'à sa chute.
Mais, au fond, ce qu'il y a de plus intéressant dans cet événement, c'est la formidable promesse dont il a été porteur et les bouleversements géopolitiques qu'il a engendrés.
De ce point de vue, on lira avec intérêt l'essai de Pierre Grosser, qui, malgré son titre (1989. L'année où le monde a basculé), ne se limite nullement à une seule année. C'est au contraire une histoire de la mondialisation qui a suivi. Car, plus que 1989, c'est finalement 1990 qui structure le nouveau monde avec, cette année-là, l'adoption du « consensus de Washington » dont on sait combien les principes inspirés par le néolibéralisme anglo-saxon (privatisation, déréglementation, ajustements structurels) vont contribuer à dessiner les contours de la nouvelle planète. L'analyse de Pierre Grosser est complète, à une lacune près, très fréquente chez les géopoliticiens : l'ignorance de ce que les criminologues appellent « le contexte criminogène » généré par cette mondialisation financière. Désormais, vingt ans après la chute du Mur, le monde n'a peut-être jamais été aussi instable et dangereux. Et ce n'est pas le moindre paradoxe de voir, moins de vingt ans après Berlin, « le retour des murs », comme le soulignait la revue Cités en 2007 (à Gaza, à Ceuta et Melilla, à Bagdad, etc.) (1). Ces nouvelles barrières, même si elles ont des causes différentes, visent toutes à répondre au regain de la peur. Vingt ans après la chute du mur de Berlin, c'est un point qui assombrit fortement ce bel anniversaire.
«La chute du mur» d'Olivier Guez et Jean-Marc Gonin - Fayard, 360 p., 21,90 €.
«1989, l'année où le monde a basculé» de Pierre Grosser, Perrin, 606 p., 25,50 €.
(1) Revue Cités, n° 31, 2007.
À LIRE AUSSI
«Berlin 1989» de Georges Marion, Seuil, 246 p., 19 €.
«Histoire secrète de la chute du mur de Berlin» de Michel Meyer, Odile Jacob, 346 p., 21 €.
«Le jour où le Mur est tombé» de Cyril Buffet, Larousse, 296 p., 18 €.
«Le mur de Berlin 1961-1898» de Frederick Taylor, traduit de l'anglais par Sabine Boulongne et Philippe Bonnet, Lattès, 620 p., 25 €.
» DOSSIER SPECIAL - La chute du Mur, 20 ans après