Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
La France adoptera-t-elle le "coaching littéraire" ?
Mais d'abord, qu'est-ce exactement que le coaching ? "Il s'agit d'une activité fondée sur l'idée que chacun d'entre nous possède en lui les ressources pour résoudre ses problèmes, explique Jean-Christophe Vidal, coach en entreprise. A la différence du conseil, où le client vient voir un "sachant" (médecin, comptable, avocat...), le coaching postule que le client est porteur de la solution. Le coach est là pour l'aider à en accoucher."
Quoi de plus attirant que ces talents de maïeutique pour tous ceux qui portent un livre en eux ? "Vous écrivez, nous vous accompagnons jusqu'à la publication de votre manuscrit, nous vous trouvons le bon éditeur", promet la publicité de Katia Joffo, l'une des pionnières en France du coaching littéraire. Il y a quelques années, Katia Joffo - nièce de Joseph, l'auteur d'Un sac de billes - a créé son entreprise. "Auparavant, je travaillais dans un journal, au sein d'une régie où je dirigeais la publicité littéraire, raconte-t-elle. J'étais sans cesse sollicitée par mon entourage professionnel ou amical pour des conseils de publication. En 2005, j'ai décidé d'en faire une véritable activité."
Le coach n'est ni un éditeur, ni un agent littéraire, ni ce qui s'appelle dans le jargon éditorial un "scout", c'est-à-dire une tête chercheuse de talents. Que fait-il ? Comment travaille-t-il ? "Les gens viennent me voir avec un manuscrit, une idée d'histoire ou une simple ébauche, explique Chantal Vaillancourt, qui a travaillé pendant vingt ans dans l'édition avant de se lancer dans le coaching. Souvent, ces gens sont de jeunes auteurs - au sens où c'est la première fois qu'ils écrivent - ou des gens qui n'ont aucune connaissance du milieu de l'édition, et qui veulent un avis éclairé sur leur texte avant de l'envoyer à un éditeur." En fonction du manuscrit, de sa qualité, de son potentiel, le coach peut proposer plusieurs types de services, allant d'un simple aiguillage (une rencontre, un conseil gratuit) jusqu'à une réécriture du texte, qui sera ensuite (ou non) suivie d'une proposition à un éditeur. "Je ne refuse aucun manuscrit, explique Mireille Bertrand, une coach québécoise, parce que je trouve admirable d'être parvenu au bout d'un manuscrit. Mais je peux diriger certains clients vers des ateliers d'écriture, leur suggérer de lire davantage... Je ne présente pas tous mes auteurs, mais sur ceux que je présente, j'ai un taux de réussite de 75 %."
Katia Joffo, elle, "écrème" beaucoup en amont. "On est très élitistes. On fonctionne comme les boîtes à bac qui ne gardent que les meilleurs. Du coup, nous visons 100 % de réussite ! Cela peut paraître prétentieux, mais nous tenons à rester professionnels, nous ne présentons que les textes qui ont leur chance. Si ça vaut le coup, on se lance dans la recherche de l'éditeur. Cela peut prendre trois mois ou trois ans."
En réalité, tous les auteurs ne souhaitent pas systématiquement être publiés. Ce qu'ils recherchent d'abord, c'est un avis circonstancié - et neutre - sur ce qu'ils ont produit. "Ma hantise, quand je donne un roman à un éditeur, c'est qu'il parte directement à l'imprimerie, confesse un auteur ayant pignon sur rue. Je veux qu'on travaille ensemble sur mon texte, qu'on m'aide à l'améliorer. Je sais qu'il y a des auteurs qui détestent qu'on leur touche une virgule, mais c'est rare. La plupart sont désespérément en quête de feed-back." Certains coachs littéraires se sont ainsi entourés d'un "comité de lecture" produisant sur chaque texte une évaluation précise. "J'ai une armée de lecteurs, explique Mireille Bertrand. Chacun est spécialisé en littérature, littérature de jeunesse, polar... La fiche de lecture qu'ils établissent sert aux éditeurs pour savoir où retravailler. Car je ne peux pas mener complètement à terme le travail de rewriting. Chaque maison a sa ligne, ses critères. Disons que ce que je fais est un travail de pré-édition."
Le coaching littéraire a-t-il de l'avenir ? La plupart des coachs affirment que c'est un "boulot de chien" que de se plonger dans le détail d'un texte, qu'il faut déployer des trésors de diplomatie et de patience, et que l'activité est peu rémunératrice au bout du compte. "Le plus difficile, c'est d'être en symbiose avec l'auteur, explique Maria Paola Romeo, de l'agence littéraire Laura Grandi, à Milan. Il faut comprendre ce qu'il veut faire, penser avec lui, accepter de passer de l'autre côté pour être aussi dans sa tête." Un métier ingrat ? "Je ne le garde que parce que j'adore faire ça", dit Mireille Bertrand.
Aux Etats-Unis, au Canada, en Italie (où on ne dit pas coach mais "consultant éditorial"), c'est une activité qui, pourtant, semble installée. "Je vous souhaite que ce soit le cas aussi en France, conclut-elle. Il y a un vrai besoin. La preuve : j'ai de plus en plus de demandes de Français qui me trouvent sur Internet et m'envoient leur texte. J'en ai eu deux cette année et, oui, les deux ont été "pris", en France et au Québec."
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