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Jean Raoux, maître de la sensualité Régence

Même si c'est Montpellier, sa ville natale, qui l'honore d'une première rétrospective, on aurait tort de croire que Jean Raoux (1677-1734) n'est qu'un peintre d'intérêt régional. Certes, son ami Antoine Watteau lui a fait de l'ombre dans les manuels d'histoire de l'art. Pourtant, comme le démontre brillamment le Musée Fabre, en quatre-vingts pièces dont plus de la moitié sont des tableaux, Raoux a largement contribué à imposer dans le goût français une autre voie que celle du «Grand Genre ».

«En opérant la synthèse de la peinture vénitienne, flamande et hollandaise, Jean Raoux assure la transition entre le classicisme, fixé de Poussin à Le Brun, et la peinture galante, de Watteau à Boucher », résume le directeur du lieu, Michel Hilaire. De fait, on reconnaît aisément les charmants minois féminins qu'il aimait, ainsi que son mécène, le grand libertin Philippe de Vendôme dont l'étonnant portrait en vieillard débraillé et las des plaisirs temporels mériterait de quitter l'ambassade de France à Bruxelles, où il demeure en dépôt, pour rejoindre les cimaises du Louvre.

Ces visages typiquement Régence ont des joues aussi rondes que celles des satyres et de charmantes petites lèvres rosées surmontées d'un nez grec. Les plus beaux sont ceux de La Liseuse et de son pendant, Le Silence ou l'Indiscrète, tableaux presque aussi mystérieux que ceux de Vermeer desquels ils découlent. Conservés au Musée Calvet d'Avignon, ils ont également fait le voyage.

Un expert en jeux de lumière

Quant aux formes dodues des nymphes du Bain de Diane, elles sont rendues ­encore plus désirables par l'eau, dont la transparence laisse voir le bas des cuisses.

Comme ces scènes mythologiques, les scènes allégoriques (L'Odorat et Le Goût, prêts du Musée Pouchkine venus pour la première fois en France) et de genre (magnifique et inédit clair-obscur de La Liseuse à la lampe, issu d'une collection particulière) se voient systématiquement magnifiées par un grand rayon de lumière éclairant l'action principale.

En début de parcours, La Vierge du Rosaire, médiocre toile religieuse venue de l'église Notre-Dame-du-Lac de Lunel, prouve qu'un jeune rapin peut parfois réaliser de rapides progrès. Suit une période italienne. Raoux est déjà un virtuose du coloris en demi-teintes, un expert en jeux de lumière et reflets complexes. Son trait est fin, le rendu des satins et des soieries magistral, enfin, la facture alterne : tantôt porcelainée, tantôt moelleuse.

La période française, celle où Raoux loge à la commanderie du Temple, chez Vendôme, et durant laquelle il côtoie le jeune Voltaire qui l'admire, est celle de l'aisance. Si son époque le prise d'abord pour ses qualités de portraitiste, on préfère aujourd'hui les exquises et émouvantes allusions grivoises. Comme cette Jeune Fille faisant voler un oiseau (venue de Sarasota, Floride), à la lumière mi-vénitienne mi-rembranesque. « Le chardonneret est depuis l'Antiquité romaine associé au sexe mâle », explique Michel Hilaire. Le fait qu'il soit attaché à un fil tenu par une jeune fille joyeuse signifie que dans les mains de la Beauté, nous sommes toujours le jouet du désir. Une loi éternelle.

Jusqu'au 14 mars au Musée Fabre 39, bd Bonne-Nouvelle 34000 Montpellier. Catalogue 208 p., 30 €. Tél. : 04 67 14 83 00. www.museefabre.fr

http://www.lefigaro.fr/culture/2009/11/30/03004-20091130ARTFIG00639-jean-raoux-maitre-de-la-sensualite-regence-.php

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