Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
La France des larmes, deuil politique à l’âge romantique (1814-1840)- Prix Chateaubriand
L’émotion est-elle compatible avec le parlementarisme ? A l’évidence, une réponse affirmative s’impose à la lecture de l’ouvrage d’Emmanuel Fureix, qui réconcilie le romantisme et la violence populaire avec l’histoire des idées et des apprentissages politiques, trop souvent dissociés. Tiré d’une thèse soutenue il y a peu, ce travail, fort remarqué alors, présente une double originalité : il porte, des années 1815 à 1840, sur la Restauration et la monarchie de Juillet, période longtemps délaissée ou dévolue à une histoire quelque peu académique, et articule avec bonheur l’histoire politique et l’histoire des représentations, la naissance du libéralisme et l’imagerie populaire. Si l’on savait déjà combien nombreuses et tumultueuses furent les mobilisations politiques suscitées par le culte public des morts, pendant la Révolution française, il manquait, pour la monarchie restaurée, une même étude approfondie et stimulante des cérémonies funéraires consacrées aux rois, aux princes et aux “grands hommes”.
On pleure beaucoup dans cette « France des larmes », non par sensiblerie, mais par souci de réconciliation nationale, dans un Etat où la royauté expie le passé et tente, pour se faire aimer, de se trouver une nouvelle dignité en invoquant la famille autant que l’autorité. Le deuil appartient aussi au registre de la contestation. La mort des opposants devient, à partir des années 1820, l’occasion de démonstrations d’opinion. Dans le Paris de la Restauration s’invente un nouveau rituel politique, celui du cortège funèbre, proche à certains égards de la manifestation, confinant même à la révolte ou à l’insurrection. Dans un espace public souvent réduit à néant pour le grand nombre de ceux qui n’ont pas accès à la représentation politique, ce rite de passage individuel s’efface au profit d’une mise en scène publique et d’une prise de parole où le sentiment intime le cède à la passion politique et collective. Ce « moment nécrophile » -Emmanuel Fureix a l’art des titres et sous-titres - est plus particulièrement étudié à travers les temporalités et les lieux de cette nouvelle dramaturgie des funérailles : le service funèbre, les tombeaux, l’invention des panthéons consacrant vainqueurs ou vaincus. On redécouvre avec intérêt les enjeux du retour des cendres qui accompagne « la plus grande mort du siècle » : un tel épisode joue un rôle central dans la construction politique de la mémoire et de la propagande napoléoniennes et s’ajoute au vaste panorama de tous les deuils dynastiques ou frondeurs qui allient nouveaux et anciens morts et qui hantent les consciences, les discours et les images. L’épée et les épaulettes du général Foy, posées sur le cercueil, saluées et baisées par la foule, évoquent aux spectateurs le souvenir de Jemmapes et Waterloo, autant de références proscrites sous la Restauration, mais relayées par la presse et les brochures libérales du moment. Le phénomène se prolonge au cours des années 1820-1830, et en juin 1832, on observe encore une forte mobilisation patriotique autour du passé révolutionnaire et impérial du général Lamarque. On le voit, à partir d’évènements connus, mais dont on a souvent oublié la profonde résonance, Emmanuel Fureix dresse un tableau encore inédit de cette période trop souvent caricaturée ou mal connue, où l’imaginaire romantique se mêle aux mécanismes des institutions et, où la substance même du politique se nourrit des affects d’une nation et d’un peuple.
Par Sylvie Aprile
Éditions : Champ Vallon
Parution : 29 janvier 2009
Prix : 30 euros
ISBN : 9782876734975
Publié avec le soutien du CNL
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