Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Edvard Munch sans un «Cri»
Par Valérie Duponchelle
22/02/2010 | Mise à jour : 17:08
Nuit d’été à Studenterlunden, 1899.
La Pinacothèque de Paris propose de découvrir l'artiste norvégien hors des sentiers battus. Peu d'œuvres majeures mais des peintures et gravures souvent inédites, sorties de collections privées.
Enfant blond pâle aux yeux bleu délavé, Edvard Munch détourne de l'objectif son regard sensible, mi-rêveur mi-inquiet, vers un ailleurs que le cliché ne capte pas. Les mains retenues dans un geste sage, le garçonnet fait figure d'étranger dans la scène familiale photographiée en 1868 à la gloire de Laura Catherine Munch avec ses enfants. Étranger, ce deuxième fils du médecin militaire Christian Munch, né dans l'hiver norvégien 1863, le reste jusqu'à sa mort en janvier 1944. Pour le XXe siècle endeuillé, toute sa singularité expressionniste s'est concentrée dans Le Cri (Skrik, 1893), icône de l'homme moderne, hurlant son angoisse existentielle au bord d'un fjord entre violet et noir sur fond de ciel en feu.
Le Cri n'est pas à la Pinacothèque de Paris qui a transformé cette absence flagrante en prise de position médiatique. D'où le titre de l'exposition : «Edvard Munch ou l'Anti-Cri». Car la Norvège est désormais réticente. Volée en plein jour au musée Munch d'Oslo, le 22 août 2004, la plus fameuse des quatre versions du Cri avait été retrouvée le 31 août 2006, mais dans un «état intermédiaire» dû aux mauvais traitements infligés par ses voleurs (une tache d'eau est irrécupérable).
Labyrinthe
«Ce n'est pas une exposition par défaut, assure Dieter Buchhart, commissaire de cet «Anti-Cri» et à qui on doit aussi celle de la Fondation Beyeler en 2007. Nous n'avons pas voulu montrer les mêmes vingt tableaux mythiques de Munch, exposés partout. Nous ne les avons même pas demandés . Ces vingt icônes renvoient toujours à la prestigieuse salle rouge de la Nasjonalgalleriet à Oslo. Elle résume à peine deux-trois ans de la vie du «peintre de la modernité», réunissant tous les grands formats peints autour de 1890. Elle se cristallise autour du Cri car elle fut conçue après la Seconde Guerre mondiale et la mort du Munch. Aux yeux de l'artiste, son tableau le plus important était L'Enfant malade (1885-1886). Nous montrons un autre visage d'un peintre à l'évolution constante, sous l'influence de la photographie et du film. Et le Munch intime des collections privées.»
Une des plus belles versions de Madonna - Munch y a soufflé la peinture sur la toile avec une paille - est dans une grande collection privée outre-Altlantique, mais pas à la Pinacothèque. Pas plus que la version de Vampyr qui décrocha l'en-chère record pour Munch à 35 millions de dollars en novembre 2008 chez Sotheby's à New York : elle est restée au chaud, avec ses boucles rousses de séductrice, chez son collectionneur jaloux. La jalousie était au cœur de la vente chez Sotheby's à Londres en 2006 de Summer Day, grande huile de 1904-1908 où le bleu de la pénombre traverse le visage coupable de l'amoureuse. Les frères ennemis Fred et Petter Olsen se disputaient aux enchères l'héritage de leur père Thomas, ami et voisin de Munch à Hvitsen. L'artiste demeure captivant, même sans ces trophées. Avec ses gravures sur bois qui jouent de la mélodie de la couleur (Les Solitaires en six variations).
Avec la transparence des huiles qui accentue le caractère fantomatique des nuits d'été en Norvège et leur temps suspendu. Malgré le labyrinthe de la Pinacothèque, on en oublie presque Oslo et sa lumière laiteuse sur les chefs-d'œuvre.
SERVICE
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