Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Les trésors de Méroé dévoilés au Louvre
Khartoum (Soudan) Envoyée spéciale
A deux siècles d'écart, les mots changent mais l'émerveillement est intact : "Qu'on se peigne la joie que j'éprouvai en découvrant les sommets d'une foule de pyramides. (...) J'y restai immobile de plaisir et d'admiration", écrit Frédéric Cailliaud, le 25 avril 1822.
Ce Nantais explora la nécropole royale de Méroé, à 220 km de Khartoum, capitale du Soudan. Comme lui, il a fallu "gravir une éminence pour embrasser d'un coup d'oeil" le site antique. Les dunes ondulent à perte de vue, hérissées de pyramides : tombeaux de princes, de 42 rois et de 5 reines, bâtis entre 290 avant J.-C. et l'an 350.
L'endroit est désert, sauvage, dans un état d'abandon. Personne à l'horizon, hormis le gardien et trois chameliers avec leurs montures. En djellabas et turbans blancs, ils tuent le temps à jouer aux dominos, dans l'attente de touristes qui ne viendront pas.
Le Soudan, grand comme cinq fois la France, plus vaste pays d'Afrique, reçoit 800 visiteurs par an, ce que l'Egypte accueille en un jour. Le régime islamique n'a pas bonne presse, le pays est jugé dangereux, et l'hôtellerie est inexistante.
Très pentues, serrées les unes contre les autres, les pyramides ont été décapitées par les chercheurs d'or. Certaines sont à moitié enfouies. D'autres se devinent sous les dunes ou sont réduites à un simple anneau de poussière noire.
Avec la force du vent, "le sable abrase la pierre comme une toile émeri", précise Claude Rilly, égyptologue, représentant français permanent à la direction des antiquités soudanaises, chargé du chantier de Sedeinga, plus au nord. "Les enduits ocre, jaunes et rouges ont disparu", dit-il. Les bas-reliefs des chapelles funéraires, ouvertes à tout vent, illustrant la pesée de l'âme des défunts, sont lacérés.
Le plus fameux pillage revient à Guiseppe Ferlini, aventurier italien qui, en 1834, dynamita la pyramide de la "candace" (reine) Amanitore, où se trouvait un chaudron de bronze empli de bijoux. Des bijoux qu'il dispersa et dont on pourra admirer la délicatesse dans l'exposition "Méroé, un empire sur le Nil", présentée, à partir du 26 mars, au Louvre, à Paris.
PHARAONS NOIRS
Cette exposition vise à dévoiler la créativité du plus ancien empire d'Afrique noire. Guillemette Andreu-Lanoë, directrice du département des antiquités égyptiennes du Louvre, veut montrer que Méroé "n'est pas l'Egypte pharaonique, mais l'antiquité kouchique, qu'il faut apprécier à sa juste valeur, avec ce côté très rude, très violent, d'influence africaine". Une civilisation qui invente une écriture que "l'on sait lire, prononcer, mais que l'on ne comprend pas encore".
Héritière de l'ancien royaume de Napata et des pharaons noirs kouchites qui ont dominé un temps l'Egypte - de 747 à 656 avant J.-C. -, la royauté de Méroé, qui vénère le dieu Apedemak, incarné par un lion dévorant ses ennemis, cultive sa différence avec des emprunts à la Grèce, à Rome, à l'Afrique.
Sur les monumentaux bas-reliefs, remarquables de finesse, de Moussawarat, sorte de Pompéi religieuse, la candace Amanishakheto brandit une épée et tient par les cheveux les soldats d'Auguste, qu'elle affronte à cheval. Dans les réserves du Musée de Khartoum ont été choisis stèles, céramiques, bijoux, statues... que le Louvre a analysés et restaurés comme il s'y était engagé en échange de ce prêt.
Seront aussi exposés des objets issus de la fouille de Mouweis : un chantier ouvert, en 2007, par Michel Baud et financé par le Louvre. Dans la savane d'épineux, le responsable de la section Nubie-Soudan a délimité une cité de 16 hectares, datant des IIe et IIIe siècles avant J.-C., avec les fondations d'un palais de 3 600 m2, d'un temple, et observé les restes d'une activité métallurgique intense.
Quantité de céramiques ont été trouvées par Simone Wolf, de l'Institut d'archéologie de Berlin, dans l'antique ville de Méroé où elle travaille depuis sept ans. De couleurs éclatantes, vertes et bleues, les faïences du "bain" aux colonnades animées de treilles et de grappes de raisin, illustrent le goût du vin et l'influence du monde méditerranéen.
Cette exposition est née, en 2004, d'un "choc esthétique", à l'aube, entre deux pyramides de Méroé, lors du voyage de Guillemette Andreu-Lanoë et d'Henri Loyrette. Le président-directeur du Louvre veut redonner au musée sa vocation universelle et présenter les zones géographiques délaissées. Une reconnaissance pour le Soudan, qui a demandé, en janvier, l'inscription du site de Méroé sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco.
"Méroé, un empire sur le Nil".
Musée du Louvre, Paris-1er. M° Palais-Royal.
Du mercredi au lundi, de 9 heures à 18 heures ; mercredi et vendredi, jusqu'à 22 heures. De 6 € à 9,5€. Du 26 mars au 6 septembre.
Catalogue, éd. Louvre/Officina Libraria, 288 p., 39 €.