Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
L'abstraction géométrique, un art qui bouge toujours
| 22.04.10 | 16h48 • Mis à jour le 22.04.10 | 16h48
Bâle (Suisse) Envoyé spécial
En 1955 s'est tenue à la galerie Denise René, à Paris, une exposition collective intitulée "Le mouvement". Elle fit date, car la galeriste défendait - elle défend toujours, et ce depuis 1944 - l'abstraction géométrique. Le Musée Tinguely, à Bâle (Suisse), a eu la belle idée de reconstituer cette exposition, à voir jusqu'au 15 mai.
En 1955, ce courant, dit "froid", de l'abstraction géométrique était battu en brèche par une nouvelle peinture, plus "chaude", gestuelle, agitée : l'abstraction lyrique. Conseillée par le peintre Victor Vasarely, qui eut l'idée de l'exposition, et soutenue par un jeune critique nommé Pontus Hulten, qui deviendra vingt ans plus tard le premier directeur du Centre Pompidou, Denise René regroupa des artistes pour montrer qu'eux aussi pouvaient être dynamiques.
Au sens propre : toutes les oeuvres exposées bougeaient, ou pouvaient le faire. Toutes sont mobiles. Manuel, optique ou mécanique, le mouvement était partout. La petite exposition eut des répercussions considérables.
Elle amena tout d'abord des artistes, attirés par la rigueur et la cohérence des choix de Denise René. La galerie redevint le centre de l'avant-garde parisienne, drainant vers Paris des artistes venus de l'Europe du Nord comme de l'Amérique latine. Selon le joli mot du critique Pierre Descargues, "le cinétisme, parce qu'il offrait au regard la possibilité de douter de soi, fut un succès universel".
Après une exposition au Musée d'art moderne de New York, en 1964, intitulée "The Responsive Eye", on crut que l'abstraction géométrique allait remplacer le pop art, et qu'un mouvement européen pouvait à nouveau concurrencer l'école de New York. Sentiment renforcé par l'attribution du grand prix de la Biennale de Venise à Julio Le Parc, en 1966, et à Nicolas Schöffer lors de l'édition suivante. Des artistes de Denise René.
L'idée du Musée Tinguely est simple mais rude à -mettre en pratique : reconstituer l'exposition à l'identique. Y compris dans la scénographie, puisque les trois pièces de l'appartement du 124, de la rue La -Boétie, qui abritaient la galerie parisienne, ont été reconstruites fidèlement.
Les adeptes de voyages dans le temps sont servis, même si certaines oeuvres n'ont pu être retrouvées, remplacées par leurs équivalents. On revoit ainsi, ou on découvre, les travaux de Jacobsen, Mortensen et Calder, Duchamp, Agam et Bury, Soto et Vasarely. Et Tinguely bien sûr, qui n'était pas encore le sculpteur délirant que l'on connaît. Il faisait bouger, avec des petits -moteurs cachés, des formes géométriques blanches inspirées des tableaux de Malevitch. Il y a aussi, seule dérogation par rapport à l'exposition originale, un petit carnet de l'Américain Robert Breer, un folioscope ou flipbook , dont les dessins s'animent lorsqu'on en feuillette les pages.
LE CINÉMA AUSSI
Car, et c'est l'une des révélations de l'exposition bâloise, "Le mouvement" était accompagné d'un programme de cinéma expérimental. Projetés à la Cinémathèque le 21 avril 1955, les films de Robert Breer, d'Henri Chomette, d'Edgar Pillet ou de Richard Mortensen passèrent largement inaperçus. Injustice réparée à Bâle, qui ajoute une série passionnante d'autres essais sur pellicule réalisés à partir des années 1920 par Duchamp, Man Ray ou Moholy-Nagy, mais aussi Fernand Léger, Hans Richter, Walther Ruttmann et Viking Eggeling, dont les oeuvres furent projetées dès 1925 à Berlin sous le titre de "Films absolus". Dieu que les utopies étaient belles alors !
"Le mouvement. Du cinéma à l'art cinétique". Musée Tinguely, Paul Sacher Anlage 1, Bâle (Suisse). Tous les jours, sauf lundi, de 11 heures à 17 heures. Tél. : (00-41)-61-681-93-20. Entrée : 15 CHF (10,46 €). Jusqu'au 15 mai. Catalogue, éd. Kehrer, 160 p., 18 €,