Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Du beau monde à Marmottan
Par Eric Bietry-Rivierre
04/05/2010 | Mise à jour : 14:04
Portrait de Marie de Bénardaky, de Madeleine Lemaire, vers 1887-1889.
Le musée rend hommage à cinq femmes des années 1900. Compter parmi les élégantes les plus en vue du Tout-Paris ne leur suffisait pas: elles entendaient être reconnues comme artiste.
Proust, ou au moins son narrateur, aimait «faire catleya». Une variété d'orchidées que Madeleine Lemaire «l'impératrice des roses» peignait aussi, peut-être avec les mêmes arrière-pensées. À Marmottan, ces effluves de femmes fleurs s'entremêlent, recomposant le parfum unique de la vie de salon vers 1900.
On n'y verra guère que par allusions Odette de Crécy ou Mme Verdurin. Trop bourgeoises, pas assez aristocratiques. Le musée, qui a conservé son charme d'hôtel lambrissé, sanctuaire du XVIe arrondissement, vise plus haut. Du côté de Guermantes.
Ici, dans les bals donnés par les princesses Mathilde, de Polignac ou chez Marguerite de Saint-Marceaux, seul le frou-frou de crinolines aussi huppées que celles des richissimes misses Singer ou Cartwright semble admis.
Complimentée sans retenue par Anatole France
Volent les lettres, les bristols, les faces-à-main et les éventails signés de cette époque. Vestiges d'existences exquises; comme elles à la fois raffinés et superficiels. Demeurent avant tout l'œuvre cathédrale, La Recherche, cette vocation à tout dire de l'âme et du monde. Et aussi quelques bijoux et tableaux. Pas ceux d'Elstir, ce personnage que Proust imagina en s'inspirant de plusieurs peintres symbolistes et impressionnistes. Mais ceux, moins connus, de femmes peintres.
Mondaines, décoratives, mais aussi affranchies, ces dames se revendiquaient artistes entre deux thés et deux valses avec le gotha et l'intelligentsia. Un pied dans leur salon, un autre dans leur atelier. Elles en avaient du caractère. Et leurs œuvres, parfois, aussi.
L'exposition fait la part belle à Madeleine Lemaire (1845-1928), peintre et aquarelliste du Tout-Paris, souvent moquée, aujourd'hui presque oubliée, qui recevait et composait de jolis bouquets rue de Monceau (le plus beau est une harmonie de prunes et chrysanthèmes). Elle fut l'amie de Proust, qui lui consacra un article dans Le Figaro du 11 mai 1903, et complimentée sans retenue par Anatole France («cette main divine qui répand les roses avec leur rosée»).
En même temps qu'elle, Louise Abbéma, Louise Breslau, Rosa Bonheur qui acquit une renommée internationale grâce à ses représentations animalières et, beaucoup plus intéressante, Berthe Morisot, figure majeure du groupe impressionniste, revendiquèrent un droit égal à celui des hommes à faire carrière dans le domaine artistique.
Fétichisme dandy
Preuve que leur combat continue: exceptées pour les deux dernières, leurs œuvres se trouvent moins dans les musées qu'entre des mains privées. La princesse de Beauvau-Craon, la duchesse de Montesquiou-Fezensac, Daphné de Saint-Marceaux, Carole Weisweiller ou encore la princesse Alexandre de Yougoslavie les conservent par nostalgie. Pour sa part, le collectionneur Yvan Guillaume Boscher justifie sa passion pour les travaux de Madeleine Lemaire par leurs qualités intrinsèques. Certes, c'est aussi un peu par fétichisme dandy qu'il les traque. Comme des mouchoirs brodés oubliés un soir de fête sur une banquette capitonnée ou une causeuse de velours: on les enferme dans une commode et on les hume de temps en temps. Mais de telles compositions aux sujets souvent conventionnels -floraux ou portraits posés- s'avèrent à la réflexion moins anecdotiques qu'il n'y paraît. On mentionnera par exemple le profil très maîtrisé de Sarah Bernhardt dessiné par Louise Abbéma ou ces portraits en pied d'autres actrices merveilleusement aquarellés de Madeleine Lemaire.
«Femmes peintres et salons au temps de Proust, de Madeleine Lemaire à Berthe Morisot», jusqu'au 6 juin au Musée Marmottan 2, rue Louis-Boilly 75016 Paris. Catalogue Hazan, 144 p., 29 €. Tél.: 01 44 96 50 33. www.marmottan.com
POUR ACHETER LE LIVRE :
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