Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Bouillon de culture à Istanbul
New-look. Elue Capitale européenne de la culture 2010, Istanbul se rêve en New York du IIIe millénaire.
Par Christophe Migeon
©Christophe Migeon
Nerval et Flaubert auraient bien du mal à reconnaître leur Constantinople. Voilà un siècle que les pachas ne se déplacent plus en chaise à porteurs et que les caïques ne glissent plus le long des yalis - palais ottomans. Rien ne semble pouvoir arrêter l’expansion de cette mégalopole de 14 millions d’habitants au ronronnement de chaudière sous pression. Mais, à l’occasion de son élection au titre de Capitale européenne de la culture, Istanbul s’est lancée dans un ambitieux programme de régénération urbaine. Les tours de verre y jaillissent avec bonheur, entre murailles byzantines restaurées et sites industriels reconvertis en galeries d’art contemporain.
Les projets de rénovation et de reconversion virevoltent comme les ailes des goélands sur le bleu du Bosphore : la caserne Rami, bientôt transformée en centre culturel et bibliothèque publique, les anciens abattoirs de la Corne d’Or métamorphosés en palais des congrès ultramoderne ou encore la vieille usine électrique de Silahtaraga, devenue nouvel espace d’exposition d’art contemporain. Entre turbines et poutrelles eczémateuses, les murs, subtil mélange de métal fatigué et de cloisons défraîchies, y accueillent désormais les créations avant-gardistes du pays. Après l’expo Yüksel Arslan, fameux artiste turc qui a pour habitude de faire ses couleurs en mélangeant des pigments à de la terre, du sang, de l’urine ou de la salive, les 5 000 mètres carrés de la grande galerie accueilleront une rétrospective sur l’histoire de la ville, organisée par les architectes les plus talentueux du pays, comme Han Tümertekin ou Emre Arolat. Depuis quatre ou cinq ans, d’autres espaces consacrés aux artistes contemporains ont vu le jour : Istanbul Modern et ses 8 000 mètres carrés sur les rives du Bosphore ou encore la collection Elgiz. Can et Sevda Elgiz, couple de collectionneurs privés, louent un vaste espace dans le quartier des tours Maslak pour y exposer des oeuvres glanées depuis vingt ans dans le monde entier, comme cette curieuse sculpture anthropomorphe de Jan Fabre, constituée de carapaces de scarabées.
A deux pas de ce monde en ébullition, derrière une lourde porte ou au fond d’une cour, c’est un chat aux yeux vairons qui philosophe sur le marbre d’une tombe ottomane ou le tintement cristallin d’une cuillère en argent dans un verre à thé qui se fait entendre. Subtiles parenthèses de sérénité qui donnent tout le croustillant du mille-feuille culturel stanbouliote.