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Catégories : La littérature

Michel Le Bris: «Les artistes donnent à voir l'inconnu du monde»

TCHAT

A l'occasion du XXIème Festival international du livre et du film, qui se déroulera à Saint-Malo du 22 au 24 mai 2010, l'écrivain Michel Le Bris, auteur du «Dictionnaire amoureux des explorateurs» (Plon), et d'un ouvrage collectif «Je est un autre, pour une identité-monde»(Gallimard), a répondu à vos questions.

 

Novice. Comment est née l'aventure des «Etonnants voyageurs»?

Michel Le Bris. D'un ras-le-bol d'écrivain, devant ce qu'était les modes dominantes à l'époque, en France: l'idéologie avant-gardiste dans ces derniers sursauts, et la culture en «pot de nombril», imaginant, curieusement, que qu'elle était le centre du monde. J'avais le sentiment qu'un monde disparaissait et qu'un autre naissait. Ce sont les artistes qui donnent à voir l'inconnu du monde, qui retrouvent les voix du monde.
 Le sous-titre de la première édition,  «Quand les écrivains redécouvrent le monde», ce courant que j'avais un peu impulsé n'était qu'un des aspects de cette présence au monde.
L'année dernière, on a fêté le centenaire de la NRF, et si on s'intéresse aux déclarations d'intention des auteurs au départ de la revue c'était, pour faire court, «ras-le-bol du roman psychologique à la française, vive le roman d'aventure, vive Stevenson, vive Conrad, vive le roman russe, vive la littérature de voyage». Soit, à peu près, ce qu'était la déclaration d'intention d'Etonnants voyageurs. Ce qui me fait sourire, parce que nous, on est resté fidèle à l'intention de départ.

Tarte. Les Etonnants n'ont pas pu se dérouler à Port aux Princes, plutôt que de consacrer cette édition à la Russie, pourquoi n'avez-vous pas fait le choix d'inviter à Saint-Malo les écrivains haïtiens?
 On les a tous invités. On s'était juré, le vendredi après le séisme, quand on s'est quitté à Port-au-Prince, de remonter l'événement à Saint-Malo. Le programme était fixé, et tout ce que l'on avait prévu à Port-au-Prince ont la remonté ici. Et tous les auteurs sont présents. Ce sont rajouté en plus, une grande expo des peintres haïtiens, la pièce de théâtre «Melovivi ou le piège» de Frankétienne. Samedi, une grande soirée avec écrivains, comédiens, chanteurs sera diffusée de 20 à 22 heures sur les ondes de France Culture. Non seulement, on a remonté l'événement à Saint-Malo, dans son entier, mais on s'est juré de le remonter à Port-au-Prince, le plus vite possible. Et on le fera.

Berebert. Est-ce la première fois qu'une soirée musicale est organisée dans le cadre des Etonnants voyageurs?
 Depuis vingt ans, il y a des spectacles tous les soirs à Saint-Malo. Dès la première ou deuxième édition Cesaria Evora, qui était au début de sa carrière, est venue chanter pendant le festival.

H. Cette année, la Russie est à l'honneur des Etonnants Voyageur, comment vivent les auteurs russes de la nouvelle génération? subissent-ils la censure? Avez-vous pu inviter qui vous vouliez? des auteurs de tchéchènes par exemple?
 On a invité qui on voulait. La condition pour nous était l'absolue liberté de choix. On découvrira à Saint-Malo qu'une nouvelle génération d'écrivains russes est extraordinairement insolente, irrespectueuse, inventive. Elle se méfie des idéologies, décrivant sans complaisance un monde en plein chaos, très loin d'une littérature «officielle».
 On y projette le film de Manon Loizeau, «Grozny, chronique d'une disparition», et «Lettre à Anna Politkowskaïa», il y aura des débats sur ces sujets-là. C'était la condition d'acceptation de participer à l'année France Russie. On s'appelle «Etonnants voyageurs», si on programme quelque chose, c'est qu'on le cautionne, on n'est pas là pour passer des plats.

Gilou. Quels messages avez-vous envie de faire passer avec ce rendez-vous annuel que sont les Etonnants voyageurs ?
 Que la littérature, et plus généralement les artistes, disent l'inconnu qui vient. On n'y pense pas souvent, mais les «experts» par définition sont les experts de ce qui est connu, et ce sont donc les plus inaptes à interprêter le nouveau. Les seuls experts de l'inconnu que je connaisse ce sont les artistes.

Roman. Vous avez participé à l'ouvrage collectif «Je est un autre», comment est venu ce projet? qui sont ces écrivains qui revendiquent une identité multiple? Sont-ils francophones?
Ils écrivent tous en français. Ce projet est né lors d'une conversation que j'avais eue avec Jean Rouaud dans un bistrot, où je trouvais curieux que ceux qui exprimaient leur point de vue dans les colonnes des journaux, sur cette histoire d'identité, n'avaient jamais songé à la phrase de Rimbaud, «Je est un autre». Elle résume bien les choses, et notre ministre aurait gagné à la lire avant de se lancer. Elle est importante parce qu'elle définit l'espace même de la littérature depuis son origine. Ce livre est le prolongement de ce que l'on avait amorcé avec le précédent livre «Pour une littérature-monde» sorti, il y a deux ans, chez Gallimard.

Ile. Existe-t-il encore des «explorateurs amoureux»? Où sont-ils? auriez-vous envie un jour d'écrire sur eux?
 «Des explorateurs amoureux», j'en sors, puisque je viens de publier un «Dictionnaire amoureux des explorateurs», je peux souffler un petit moment!

Chloé. Qu'est-ce que la «littérature-monde»? Ce terme est un peu effrayant, s'agirait-il de globaliser la littérature?
 Je ne voudrais pas m'énerver, parce que quand j'entends ce moulin à prière sur la mondialisation, ça a tendance à m'énerver. L'idéologie a encore de beau jour devant elle, hélas. Ce dont il s'agit, c'est exactement l'inverse. Mais, si maintenant, dès qu'on prononce le mot «monde» on doit s'évanouir d'effroi, où est-ce qu'on va? nous sommes devenu un pays de petits vieux qui ont peur d'ouvrir les fenêtres.

Jean. Est-ce que l'accès aux livres est facile en Russie, trouve-t-on facilement des librairies, des bibliothèques?
 Je n'en sais trop rien. Ce qui m'intéresse, c'est la curiosité envers à ces auteurs. Pour moi, le festival est une manière d'apprendre, de découvrir, des continents nouveaux. Et ça été le cas, j'ai été séduit, étonné, j'ai plein de questions à leur poser sur la liberté, la création. Ce sont des questions que j'ai envie leur poser, je ne fais pas un festival à partir de mes certitudes, mais un festival à partir de mes questions.

Francois. Gardez-vous une nostalgie des années 70, quand vous étiez directeur de la «Cause du peuple»? croyez-vous encore à quelque chose?
 Oui, sinon je ne ferais pas le festival. Ce sont des années pendant lesquelles j'ai appris énormément de choses, ces années-là ont été fondatrice pour beaucoup de ma génération. Il y avait cette envie de se frotter au monde pour remettre en question nos certitudes, et j'ai l'impression que c'est cette idée-là que je défends au travers le festival des Etonnants voyageurs. Une nostalgie, mais une nostalgie qui aura été, je pense créative.

http://www.liberation.fr/livres/1201291-livres-les-etonnants-voyageurs

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