Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Un thermomètre à remonter dans le temps
Par Tristan Vey
25/05/2010 |
Pour tester leur méthode, les scientifiques ont déterminé à partir de dents la température corporelle d'espèces vivantes comme l'éléphant ou le requin. Avec succès. (crédits: Florida Museum of Natural History/Jeff Gage)
En analysant la composition atomique de dents et d'os fossilisés, les scientifiques parviennent désormais à mesurer la température corporelle d'espèces disparues. Une technique qui permettra à terme de savoir si les dinosaures étaient ou non à sang chaud.
Les dinosaures étaient-ils capables de réguler leur température corporelle comme les mammifères, ou bien dépendaient-ils des conditions extérieures comme les lézards ? Quand les premiers animaux à sang chaud sont-ils apparus ? Pour quelles raisons ? Toutes ces questions, et bien d'autres, auront probablement bientôt des réponses grâce à une équipe internationale dirigée par des chercheurs du California Institute of Technology (Caltech). Ces derniers ont en effet mis au point une nouvelle méthode permettant de déterminer la température corporelle d'animaux vertébrés à partir de leurs os fossilisés. Les résultats de calibrage de cette méthode sont publiés en ligne lundi dans The Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS). Et ils sont très encourageants.
«Ce n'est pas tout à fait comme revenir dans le temps et enfoncer un thermomètre dans le fondement d'une créature, mais cela s'en rapproche», explique un des co-auteurs de l'étude, professeur de géochimie au Caltech. Pour déterminer la température d'une espèce disparue, il fallait jusqu'à présent se baser sur son régime alimentaire, son anatomie et son comportement présumés, et émettre des hypothèses. La méthode que propose Robert Eagle, auteur principal de l'étude, est radicalement différente.
Deux isotopes* du carbone et de l'oxygène, respectivement le carbone-13 et l'oxygène-18, ont en effet tendance à s'associer entre eux pendant la formation de certains cristaux, appelés bioapatite qui composent l'émail des dents, la coquille des oeufs et les os. En fonction de la température de formation de ces cristaux, le nombre de ces paires atomiques particulières varie. Il est donc possible de déterminer la température de formation d'une dent ou d'un os en mesurant la quantité de ces atomes accollés. Et donc de remonter à la température corporelle de l'animal à laquelle ils appartenaient au moment précis où le morceau de dent ou d'os étudié a été conçu.
Trancher le débat sur les dinosaures
Afin de valider leur théorie, Robert Eagle a procédé avec son équipe à des mesures sur des ossements d'espèces encore vivantes, comme les éléphants, les crocodiles ou encore les requins. A un ou deux degrés près, les géochimistes ont retrouvé la température corporelle exacte de ces espèces. En se penchant sur des espèces disparues, âgées de quelques milliers d'années seulement, comme le mammouth ou certains types de rhinocéros, ils ont trouvé des températures en parfaite adéquation avec les estimations existantes basées sur la très bonne connaissance de ces animaux assez proches de leurs descendants directs.
Maintenant que les chercheurs disposent d'un «thermomètre» étalonné, ils vont remonter sans plus attendre dans le temps. Première étape de ce voyage en arrière, les dinosaures. «Nous étudions déjà quelques dents pour voir si les principales espèces étaient à sang chaud ou à sang froid», s'enthousiasme Robert Eagle. Il faut dire que ce débat brûlant n'a jamais été tranché de manière définitive et fait régulièrement l'objet d'affrontements virulents.
Mais cette méthode devrait aussi renseigner de manière indirecte les paléoclimatologues. La température des animaux à sang froid étant en relation directe avec les conditions extérieures, les scientifiques disposeront en effet avec cet outil d'un nouveau «paléothermomètre».
*isotope : un élément atomique est défini par le nombre de protons contenus dans son noyau (un atome de carbone en compte 6). En fonction du nombre de neutrons également contenus dans le noyau, un même élément possède différents isotopes. Le carbone-14, par exemple, qui permet de dater des objets ou des fossiles, est un isotope du carbone contenant 8 neutrons (ajoutés aux 6 protons, cela fait 14 nucléons, d'où le nom de carbone-14). Le carbone-12 ne contient que 6 neutrons (soit 12 nucléons).