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Catégories : Des expositions

Dessinateurs et architectes sur la même ligne

ar Béatrice De Rochebouet, Olivier Delcroix
07/06/2010 | Mise à jour : 12:25

À la Cité de l'architecture, une passionnante exposition relate la fascination des auteurs de bandes dessinées pour la ville, et celle des architectes pour les cités imaginaires.

 


 

À peine franchies les portes de l'exposition, une planche monumentale de Little Nemo aspire le regard. Un petit garçon en pyjama glisse le long de buildings miniatures, pour finir par patauger dans l'Hudson comme s'il s'agissait d'une mare aux canards ! En une planche, tout est dit. «C'est plus le sentiment urbain, le fait métropolitain que nous avons voulu capter dans cette expo que l'influence de l'architecture dans la BD et inversement», explique Francis Rambert, directeur de l'Institut français d'architecture.

«Le choix a été cruel pour réunir en deux ans 350 œuvres de 150 auteurs, observe le commissaire Jean-Marc Thévenet, ancien directeur du Festival d'Angoulême, mais finalement je ne regrette rien.»

Une scénographie innovante de l'agence Projectiles transforme l'interminable galerie de Chaillot en une ruelle pleine de surprises, grâce à un matériau nouveau, le Barrisol. Cette membrane blanche déformable à volonté, est rétroéclairée, ce qui permet d'enrober le parcours d'une lumière quasi irréelle. Un peu comme dans les couloirs du vaisseau de 2001:l'odyssée de l'espace.

On ressort d'ailleurs de l'exposition en ayant le sentiment d'avoir fait un gigantesque voyage dans le temps et l'espace. Le jeu de cache-cache entre BD et architecture fonctionne pleinement. «Le mode ludique de la BD est plus actuel que jamais», confie Jean-Marc Thévenet. Et Francis Rambert de conclure:«C'est un signe si les plus grands architectes du moment, Herzog et de Meuron, se servent des cases et des bulles pour faire comprendre leurs projets futurs.»

 

1905 - New York, la première icône

Il était une fois l'Amérique…» Fasciné par Detroit, New York, Cincinnati et Chicago où a lieu l'Exposition universelle de 1893, le dessinateur ­Winsor McCay (1871-1934) se sert de la ville comme écrin à son personnage de Little Nemo , rêveur plongé dans le monde merveilleux de Slumberland. Publiée chaque semaine dans le New York Herald puis le New York American , jusqu'en 1913, Little Nemo fait de New York la première icône urbaine de la BD et de l'architecture comme en témoigne le projet d'immeuble de verre imaginé par Mies Van Der Rohe, en 1928, sur la Friedrich Strasse, à Berlin. L'univers de McCay fait aussi penser à celui du jeune architecte italien issu du mouvement futuriste, Antonio Sant'Elia.

 

 

 

(Franquin/Dupuis)
(Franquin/Dupuis)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1958 Des bulles sous la mer

L'Atomium de ­l'Exposition universelle de 1958 à Bruxelles marque une vraie rupture, tant au niveau de l'architecture que de la BD. 42 millions de visiteurs découvrent ce qu'est l'architecture moderne porteuse de la promesse d'un monde meilleur. C'est l'époque où Jacques Tati met en scène la villa avant-gardiste de Mr Arpel dans le film Mon oncle. Au moment de la conquête spatiale, tout semble possible, même les cités sous-marines de Jacques Rougerie , cet architecte de la mer qui vit toujours sur une péniche à Paris. Prêtée par le Centre Pompidou, la maquette qui matérialise une ville sous­marine sous une bulle nous fait penser au travail d'André Franquin dans Spirou et les hommes-bulles (1964).

 

 

 

Daredevil 1968 (Courtesy Galerie 9ème art, Paris © DR ) et Amazing Archigram Couverture, numéro 4 - Warren Chalk, Archigram 1654 © The Archigram Archives
Daredevil 1968 (Courtesy Galerie 9ème art, Paris © DR ) et Amazing Archigram Couverture, numéro 4 - Warren Chalk, Archigram 1654 © The Archigram Archives

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1960-70 Daredevil contre «Archigram»

Depuis vingt ans, les superhéros américains issus des comics survolent la ville de part en part. Jack Kirby imagine un Surfer d'Argent sillonnant les hauteurs de New York à la vitesse de l'éclair. Cela donne aussi l'occasion à Gene Colan (1926), l'auteur de Daredevil, de créer une cité lumière, turbulente, violente et fourmillant de gratte-ciel. Le «pop art» s'empare rapidement du phénomène pour en détourner les codes, le graphisme, les couleurs et les trames mécaniques. Dans le sillage du mouvement lancé par Andy Warhol, le groupe d'architectes libertaires Archigram publie un projet intitulé Plug-in City, où il reprend à son compte l'image du superhéros planant au-dessus d'une ligne d'immeubles futuristes. Une vision délibérément utopiste et optimiste.

1970-1980 Les utopies citadines

Ils en ont tous rêvé. La ville idéale a toujours nourri l'imaginaire des architectes comme celui des auteurs de BD. De Claude Parent, avec ses études de ville surréalistes en spirales, à Philippe Druillet et à son univers baroque, sans limite, sans oublier les virtuoses de la science-fiction, tel Jean-Claude Mézières , qui a inspiré Luc Besson pour Le Cinquième Élément. Dans le domaine de la BD, la saga rétrofuturiste des Cités obscures, de François Schuiten et Benoît Peeters, s'impose également comme un des chefs-d'œuvre du genre. Moebius et Jodorowsky s'attaquent eux aussi à la ville futuriste dans ce qu'elle a d'oppressant et de destructeur dans leur série L'Incal.

2000 Apocalypse now

La fin des temps est venue, faites pénitence ! » prévient le prophète Philipulus dans L'Étoile mystérieuse, la neuvième aventure de Tintin et Milou. Cette planche de Hergé, présentée à l'exposition, exacerbe l'atmosphère apocalyptique d'une ville à bout de souffle. Les enfants, inquiets, sont descendus dans la rue en pyjama tandis que Tintin s'enlise dans le goudron chauffé à blanc par cette «maudite étoile» qui s'approche. Autre vision d'une ville infernale, consumée par les flammes, celle, beaucoup plus actuelle, du jeune dessinateur chinois Benjamin , Savior, édité en France par les éditions Xia Pan, en 2010.

«Archi & BD. La ville dessinée», du 9 juin au 28 novembre, à la Cité de l'architecture et du patrimoine, 1, place du Trocadéro, Paris XVIe. www.citechaillot.fr.

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