Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
San Antonio (rééditions)
Il aurait aimé cela : dix ans après sa mort, voilà Frédéric Dard (1921-2000) réédité à tour de bras. Fleuve Noir propose ses meilleurs romans noirs, comme Le Monte-charge et La Pelouse (1), publiés sous son nom propre. Chez Bouquins Laffont viennent de paraître les deux premiers tomes (2) de l'intégrale San-Antonio, organisée par François Rivière afin de réunir les 175 romans de la série.
Plus chic encore, un colloque international a rassemblé à la Sorbonne, au printemps dernier, de nombreux universitaires pour disserter sur le thème : « San-Antonio et la culture française ». Le prince du néologisme mérite bien cette reconnaissance officielle. Cependant, Frédéric Dard continue de traîner une image de tâcheron rigolo. Trop de livres (286 romans publiés), trop de succès (plus de 220 millions d'exemplaires vendus) ont fait oublier le talent rabelaisien de ce bâtisseur unique en son genre. Sur son IBM à boule devenu une pièce de musée, l'enfant de Bourgoin-Jallieu était non seulement un forçat de l'écriture, mais un créateur qui savait mêler truculence et humanisme. Le relire aujourd'hui, c'est comprendre qu'il n'y a pas, chez Frédéric Dard/San-Antonio, deux écrivains opposés, mais un seul auteur qui tantôt aime jouer avec la langue pour la distordre et la recréer, tantôt dévoile sa part d'ombre avec une écriture classique, portée par l'angoisse et un pessimisme existentiel. « Jusqu'à quel âge un homme se sent-il orphelin lorsqu'il a perdu sa mère ? », s'interroge le héros du Monte-charge (1961). Frédéric Dard évitait de répondre, sortant le nez rouge de San-Antonio pour cacher ses démons.
(1) Ed. Fleuve noir, 192 p. et 224 p., 6,50 EUR chacun.
(2) Ed. Bouquins Laffont, env. 1 280 p., 28 EUR chacun.
Et aussi : Frédéric Dard ou la vie privée de San-Antonio, de François Rivière, éd. Fleuve Noir, 324 p., 20 EUR.
Telerama n° 3152 - 12 juin 2010