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Catégories : Des poètes et poétesses

"L'Assemblée littéraire. Petite anthologie des députés poètes", sous la direction de Bruno Fuligni : ces parlementaires qui font des vers...

Mais le Conseil constitutionnel, pas plus que le ministère des affaires étrangères, ne parvinrent à distraire ces politiques de leur passion pour Thalie, Calliope et Melpomène - car il faut bien trois Muses pour couvrir le spectre du chant poétique. Passion qui n'a rien de surprenant pour qui se souvient que Lamartine fut un éphémère mais emblématique ministre des affaires étrangères et qu'Hugo se fit élire à l'Assemblée de 1848.

C'est avec une réelle pertinence que Bruno Fuligni, grand connaisseur des arcanes parlementaires, retrace le très informel groupe parlementaire des poètes de la République, de Fabre d'Eglantine et Marie-Joseph Chénier à Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire ou Ernest Moutoussamy, benjamin de cette Chambre imaginaire.

Cela nous vaut une ballade instructive sur le lyrisme politique. Si la Convention, dès l'an II, appelait les poètes "à transmettre à la postérité les grandes époques de la régénération des Français", bien des élus prennent la plume pour célébrer le nouveau régime, dans des veines contrastées, du lyrisme de Chénier au classicisme de Robespierre jusqu'à la polémique chère à Collot d'Herbois ou à la verve héroïco-pamphlétaire de Saint-Just.

Accents hugoliens

Le même ressort jouera à chaque résurrection de la République. Avec Jean-Baptiste Baudin, qui tombe à 40 ans sur les barricades parisiennes lors du coup d'Etat du 2 décembre - "Vous allez voir comment on meurt pour 25 francs !" -, mais qui avait, vingt ans plus tôt, célébré par une "chanson patriotique", L'Astre français, l'adoption du drapeau tricolore.

Avec Victor de Laprade qui reprend dans ses Poèmes civiques parus en 1873 des oeuvres écrites sous et contre le Second Empire ou Gustave Rivet qui fit campagne pour le transfert de Zola au Panthéon (1908) et troussa en vers le compliment de réception du président Wilson en 1919 et dont la complainte républicaine Egalité, Fraternité a des accents hugoliens.

Si on ne s'étonne pas de retrouver Paul Vaillant-Couturier, qui de chansons en spectacles, célébra l'avènement des congés payés - dans Jeunesse, il ose la formule appelée à une gloire durable : "Nous bâtirons un lendemain qui chante" -, ni le député gaulliste Hector Rolland, autodidacte capable de lancer ses diatribes en alexandrins - ce qui reste sans exemple à la Chambre -, on constate la sagesse de Guesde, Poincaré ou Blum, disciples du Parnasse, comme la veine généalogique d'élus moins connus (Paul-François Morucci célébrant la Corse ou Charles Daniélou la Bretagne).

Mais si Jean Jaurès ou Edgar Faure sont à l'égal d'eux-mêmes, inventifs et puissants, on s'incline plus encore devant la poésie de Jacques Rabemananjara, champion de l'indépendance malgache, qui, torturé, condamné à la prison à perpétuité, se refugia dans l'écriture. Ne fût-ce que pour rétablir la stature de cet autre chantre inspiré de la négritude, cette promenade parlementaire est une proposition aussi récréative que civique.


L'ASSEMBLÉE LITTÉRAIRE. PETITE ANTHOLOGIE DES DÉPUTÉS POÈTES sous la direction de Bruno Fuligni. Ginkgo, 240 p., 14 €.

 

Philippe-Jean Catinchi
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http://www.lemonde.fr/livres/article/2010/06/11/l-assemblee-litteraire-petite-anthologie-des-deputes-poetes-sous-la-direction-de-bruno-fuligni_1371221_3260.html

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