Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Les trésors disputés d'Ambroise Vollard
Par Béatrice De Rochebouet
22/06/2010 | Mise à jour : 17:09 Réagir
Arbres à Collioure (1905), d'André Derain, qui sera vendu à Londres mardi soir, est estimé entre 10 et 15 millions d'euros. (DR)
Après des années de procédures, l'héritage de ce grand marchand crée l'événement, dès ce mardi soir, à Londres, puis à Paris, chez Sotheby's.
Du talent, du culot et du flair peuvent permettre de se retrouver à la tête d'un trésor ! La rencontre entre Erich Chlomovitch, petit Belgradois d'origine juive, et Ambroise Vollard, fils de notaire réunionnais devenu l'une des figures les plus emblématiques de l'art moderne, tient du miracle. Comment cet inconnu se retrouva-t-il le propriétaire légal et légitime de plusieurs centaines d'œuvres venant de la collection Vollard ? Le voile est en partie levé avec la dispersion le 29 juin, chez Sotheby's, à Paris, de 140 pièces dont un paysage d'André Derain, de la période fauve, vendu, dès ce soir, à Londres, pour une coquette estimation de 9 à 14 millions de livres, soit 10,6 à 16,6 millions d'euros.
L'histoire commence en 1928. Alors âgé de 13 ans, le garçonnet solitaire passe ses nuits à dévorer un livre sur Renoir rédigé par l'homme qui a organisé les premières expositions de Cézanne, Matisse, Maillol et Picasso. «Lorsque je serai grand, j'aimerais être comme vous», écrit, plein d'enthousiasme, Eric Chlomovitch, à Ambroise Vollard. Et ce dernier, tout heureux, de répondre:«Étudiez, travaillez, formez-vous et lorsque vous serez grand et que vous viendrez à Paris, j'aurai grand plaisir à vous recevoir.»
Sept ans plus tard, ce fils de tailleur juif yougoslave frappe à la porte du légendaire marchand. Séduit par son goût éclairé, Vollard l'engage le soir même. Pendant cinq ans, il va le former et lui présenter les plus grands artistes de son temps. En juillet 1939, revenant à Paris d'un séjour passé dans sa maison de campagne de Tremblay-sur-Mauldre, Vollard trouve la mort dans un accident de voiture. Deux mois plus tard, la guerre éclate. La collection est dispersée dans le chaos sans que le nombre d'œuvres accumulées dans l'hôtel particulier de la rue de Marignac ne soit jamais vraiment connu. Certains l'estiment à 5.000, d'autres à 10.000.
En 1911, Vollard qui n'a pas d'héritiers directs laisse un testament. C'est alors que Lucien Vollard, son frère, confie sur les conseils d'un autre marchand, Lucien Fabiani, près de 600 œuvres à Chlomovitch. Ce dernier regagne la Yougoslavie avec un trésor de 48 Renoir, 29 Degas, 12 Vlaminck, 11 Bonnard, 11 Redon, des bronzes de Maillol et de nombreuses aquarelles de Gauguin, Cézanne, Pissaro qui seront exposées en partie à Zagreb en 1940 avant de dormir définitivement dans les caves du musée de Belgrade.
«Mon raseur sympathique»
Avant de regagner son pays, le jeune Yougoslave met aussi en sécurité un ensemble d'œuvres dans un coffre de la Société générale à Paris. Erich Chlomovitch étant mort en déportation en 1942 avec son père et son frère, après avoir été arrêté par les nazis à Bacina, au sud de Belgrade, nul ne connaît l'existence du coffre jusqu'à ce qu'il ne soit ouvert le 7 novembre 1980. Trente-deux ans plus tôt, le coffre en déshérence avait déjà été forcé, mais les banquiers jugeant le contenu sans grande importance l'avait refermé aussitôt (Le Figaro du 26 avril) .
Pour régler les arriérés des frais de garde, une vente par les commissaires-priseurs Lenormand et Dayen est alors envisagée, les 19 et 20 mars 1981, à Paris, pour une estimation de 5 millions de francs. Un catalogue est imprimé comprenant le fameux paysage de Collioure de Derain mais aussi le portrait historique de Zola, alors très jeune, peint vers 1862-1864 par son camarade de classe Paul Cézanne ou encore l'autoportrait de Renoir dédicacé par l'artiste à «Ambroise Vollard, mon raseur sympathique». T rois actions en référé - par l'État yougoslave, la famille Chlomovitch et les héritiers Vollard estimant qu'Erich se serait emparé illégalement des œuvres chez Vollard - aboutissent à son interdiction.
Le procès va durer quinze ans au terme desquels les Chlomovitch sont déboutés en 1996. Seules quelques photos et archives dédicacées à Erich leur reviennent. Ce qui reste est aujourd'hui vendu par les héritiers Vollard sans que le mystère sur l'acquisition de ce trésor par Erich Chlomovitch ne soit vraiment élucidé.
Autre note à ce sujet: