Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Un «dictionnaire des enfants» rattrapé par les préjugés
Par Natacha Polony
01/07/2010 | Mise à jour : 08:15
700 classes de CE2,CM1 et CM2 se sont vu attribuer dix mots à définir pour aboutir à cet ouvrage collectif.
L'académie de Créteil a mis en ligne l'ouvrage élaboré par ses élèves, avant de le retirer.
L'initiative est belle, et son promoteur, Jean-Michel Blanquer, ancien recteur de l'académie de Créteil aujourd'hui directeur de l'enseignement scolaire, en est fier. Un dictionnaire de 7 000 mots, entièrement rédigé par les élèves de cycle 3 (CE2, CM1 et CM2) de l'académie de Créteil. Le projet, réalisé en partenariat avec l'Académie française, doit permettre aux enfants de s'approprier les mots et d'accomplir un travail dont le résultat doit se concrétiser en un ouvrage auquel ils pourront se référer. Pour cela, 700 classes de l'académie se sont vu attribuer dix mots, à charge pour leur professeur d'organiser le travail de définition, le choix des exemples, des synonymes… Le dictionnaire a été mis en ligne et l'expérience est à ce point plébiscitée que le ministère la généralisera l'an prochain.
Pourtant, certaines définitions de ce dictionnaire interactif ont de quoi surprendre. Et plus encore si l'on se penche sur la version numérique, mise en ligne directement par les professeurs de chaque classe, et non sur la version papier, visée par le rectorat. Ainsi, le dictionnaire illustre le mot «arabe» par l'exemple : «Je suis arabe et je fais l'Aïde (sic, corrigé dans la version papier)», la conjonction de coordination induisant une nuance de conséquence qui laisse entendre que tout Arabe devrait célébrer l'Aïd.
Grands absents
Plus gênant, la définition des mots «juif», «chrétien» ou «bouddhiste». Dans la version validée par les professeurs après délibération de la classe, on lit : «Juif, juive : nom commun. Ce sont des personnes dont la religion est le judaïsme. Ils ne croient qu'en un seul dieu. Exemple : Un juif va s'installer dans notre immeuble. » Pour «chrétien», l'exemple est : «Les chrétiens partent en croisade pour défendre le tombeau du Christ en Terre Sainte», étonnamment formulé au présent. Les bouddhistes, eux, sont censés croire en «le dieu Bouddha ». Les musulmans se voient gratifiés d'une définition précise, d'une origine et d'une étymologie, de même que le mot «ramadan», qui est défini comme un «mois de jeun (sic)» dans la version numérique. Grands absents du dictionnaire, les mots «république» et «laïcité». Le français, lui, n'est que la discipline scolaire, et pas la langue parlée en France.
«Nous avons pris les mots les plus courants de la langue française, plaide Dominique Roure, adjoint au recteur de Créteil, en charge du premier degré. Quant aux définitions, il ne faut pas les lire avec nos yeux d'adultes, ce sont les enfants qui les ont élaborées. Le rectorat n'est quasiment pas intervenu sur le sens, pour conserver cet aspect.» La définition du mot «juif» a cependant été modifiée dans la version papier, l'exemple donné étant cette fois : «L'histoire des juifs est décrite dans l'Ancien Testament. » Même si «la Torah» eût été préférable, l'exemple passe mieux.
Au ministère, on craint que ces phrases «étonnantes » ne fassent oublier «la réussite éducative» de l'expérience. Mercredi après-midi, le rectorat de Créteil avait retiré du site le lien vers la version numérique.