Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
"Le Grand Maghreb contemporain", de Bruno Callies de Salies : diversité nord-africaine
Qu'est-ce qui rapproche les cinq pays du Grand Maghreb ? L'Algérie, la Libye, le Maroc, la Mauritanie, et la Tunisie ont certes en commun une langue, l'arabe, et une culture. Mais pas de marché commun, pas le plus petit début d'intégration économique. Ils ont en partage le fait d'avoir tous été, à des degrés divers, la cible d'islamistes combattants, ce qui a eu pour corollaire de renforcer des régimes autoritaires. Mais ils sont très différents les uns des autres. Ils ont signé la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. Mais ne tolèrent guère la contestation. "La situation n'est pas très florissante", constate Bruno Callies de Salies, auteur d'un essai sur les cinq Etats, qui relève "assez peu de points communs".
Observateur attentif, ce professeur à l'Ecole militaire de spécialisation de l'outre-mer et de l'étranger (Emsome) et à l'Institut d'économie scientifique et de gestion (Ieseg) s'est attaché à passer en revue chacun des pays du club des cinq. Courtes monographies documentées, précises, utiles. Elections, situation des droits de l'homme, rôle des institutions et de l'armée, conflits, tout y est.
L'exceptionnelle longévité des dirigeants, aussi : la palme revient à Mouammar Kadhafi, au pouvoir en Libye depuis 1970, suivi de Zine El-Abidine Ben Ali, président de la Tunisie depuis 1987, puis d'Abdelaziz Bouteflika, réélu trois fois à la tête de l'Algérie depuis 1999. Il y a dix ans déjà, au Maroc, Mohammed VI a pris la succession de son père qui régna pendant trente-huit ans. Seule la Mauritanie, avec une succession de coups d'Etat, se distingue, par l'alternance politique plus que par la forme.
Scène mondiale
Tous ont pris appui sur la lutte contre les islamistes, qu'ils ont sévèrement réprimés, pour parvenir ou se maintenir au pouvoir. C'est, en partie, ce qui permettra au régime de Mouammar Kadhafi de revenir, au début des années 2000, sur la scène mondiale, après avoir été mis au ban de la communauté internationale pour son implication dans des actions terroristes. C'est l'une des raisons invoquées pour justifier, en août 2008, le coup d'Etat en Mauritanie du général Mohamed Ould Abdel Aziz, légitimé par des élections, un an plus tard. C'est l'un des principaux arguments avancés par le président tunisien. Et c'est bien sûr ce qui a permis au chef d'Etat algérien d'accéder au pouvoir, avec pour mission la "réconciliation nationale".
Au nom de cette lutte contre l'islamisme, les Occidentaux fermeront les yeux sur d'autres aspects politiques visant à réprimer l'opposition, voire toute contestation et liberté d'expression. "L'attentat contre le World Trade Center, le 11 septembre 2001, écrit M. Callies de Salies, modifie totalement la position de la Tunisie dans les relations internationales. Le pays apparaît comme un partenaire important par les succès obtenus dans la lutte contre l'islamisme, et les Etats occidentaux envoient des responsables qui manifestent parfois leur admiration en découvrant l'organisation du système sécuritaire."
Partout, les mesures prises, souligne-t-il, "ont abouti à des sévères atteintes à la Déclaration universelle des droits de l'homme". L'auteur est cependant bien en peine de conclure. En témoigne la structure de l'essai, qui isole l'Algérie, joint la Tunisie et la Libye sous le label de "régimes autoritaires à l'apparence démocratique" et mêle la Mauritanie et le Maroc dans un prudent chapitre qui pourrait s'intituler "progrès et reculs".
LE GRAND MAGHREB CONTEMPORAIN de Bruno Callies de Salies. J. Maisonneuve, 248 p., 28 €.