Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Mystérieuse île de Pâques
Par Tristan Savin, publié le 19/07/2010 à 07:00
Carte et croquis de l'île de Pâques réalisés par J. Gilbert lors du voyage du HMS Resolution dans le Pacifique en 1772-5.
Flickr commons/The National Archives UK
Ce sont les navigateurs qui, les premiers, vont explorer cette terre qui ne cessera de fasciner. Son peuple étrange et ses statues gigantesques interrogent les ethnologues et les explorateurs en tous genres, comme James Cook ou Pierre Loti. Mais, malgré les tentatives, Rapa-Nui conserve son charme fantastique.
"Il est au milieu du Grand Océan, dans une région où l'on ne passe jamais, une île mystérieuse et isolée ; aucune terre ne gît en son voisinage et, à plus de huit cents lieues de toutes parts, des immensités vides et mouvantes l'environnent." (L'île de Pâques. Journal d'un aspirant de La Flore, p. 5.) Julien Viaud, plus connu sous le nom de plume de Pierre Loti, quittait Valparaíso le 19 décembre 1871 sur la frégate à voile La Flore. Au matin du 3 janvier, l'"île du silence" est en vue. Il y passe quatre jours à dessiner. En publiant le premier reportage du futur écrivain, L'Illustration participe à la naissance d'un mythe.
Le navigateur James Cook fut l'un des premiers à explorer l'île chilienne, découverte en 1722 par des matelots hollandais, le soir du dimanche de Pâques : "Peu d'endroits au monde offrent moins de commodités pour la navigation. Il n'y a pas de mouillage sûr, ni d'eau douce qui vaille le transport. La nature s'est montrée fort avare de ses dons à l'égard de cette île." (Relations de voyages autour du monde)
Naturaliste et journaliste allemand, considéré comme le père de la littérature de voyage scientifique, Johann Georg Adam Forster accompagnait Cook lors de son expédition : "Nous ne cessions de regarder le rivage composé de rochers brisés dont l'aspect caverneux et la couleur noire et ferrugineuse annonçaient les vestiges d'un feu souterrain..." (Voyage autour du monde)
Les rares marins à accoster cet univers hostile s'étonnent d'y trouver un peuple. En 1786, Jean-François de La Pérouse commande la première expédition française sur les lieux. Il se plaint du vol de ses mouchoirs par les indigènes, s'amuse des "agaceries" et de la disponibilité des femmes. "La population, dont la provenance est d'ailleurs entourée d'un inquiétant mystère, écrit Loti, s'éteint peu à peu, pour des causes inconnues, et il reste, nous a-t-on dit, quelques douzaines seulement de sauvages, affamés et craintifs, qui se nourrissent de racines. [...] Rapa-Nui est le nom donné par les indigènes à l'île de Pâques, et, rien que dans les consonances de ce mot, il y a, me semble-t-il, de la tristesse, de la sauvagerie et de la nuit... Nuit des temps, nuit des origines ou nuit du ciel, on ne sait trop de quelle obscurité il s'agit."
Le principal mystère étant bien sûr celui des fameuses statues "se dressant comme pour sonder ces lointains toujours immobiles et vides". La Pérouse se posait, au sujet des moais - "ces bustes de taille colossale" - une question qui hantera tous les visiteurs : "Il ne reste plus qu'à expliquer comment on est parvenu à élever sans point d'appui un poids si considérable." (Voyage autour du monde sur l'Astrolabe et la Boussole, p. 69.)
Pour élucider ces interrogations, une mission scientifique est dépêchée par la France en 1934. L'ethnologue Alfred Métraux y participe. "Notre premier contact avec les grandes statues fut mêlé de déception. [...] Ces statues sont, pour la plupart, étalées sur le ventre et l'on ne voit que leur nuque plate et mince et leur dos légèrement arqué qui s'évase au-dessous de la ceinture. Ce sont en fait d'énormes bustes, de monstrueux culs-de-jatte avec une tête trop longue pour leur tronc massif." (L'île de Pâques, p. 124.)
Dans les années 1960, l'explorateur Francis Mazière séjourne à son tour sur le "nombril du monde". Son récit relance la polémique : "Le problème le plus insolite qui demeure est l'existence d'une écriture que l'on a dite idéographique, pictographique, mais dont on n'a, jusqu'à présent, jamais pu définir l'exacte valeur." La Polynésie fut-elle le foyer d'une civilisation prédiluvienne, originaire des étoiles ? "Là demeure le grand problème que l'archéologie devra résoudre, car l'île de Pâques n'a rien à voir avec un problème d'esthète ; elle demeure inquiétante." (Fantastique île de Pâques, p. 230.)
Quelles que soient les explications avancées, déplore Métraux, "elles exercent un tel charme sur l'esprit qu'aucune preuve scientifique [...] ne dérobera les mystères de l'île de Pâques aux rêveurs..."
On serait tenté de dire : tant mieux. Que serait la littérature s'il n'y avait plus d'île mystérieuse ?
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