Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
À la source de Pagnol
Françoise Dargent
28/07/2010 | Mise à jour : 11:53
Un psychiatre a enquêté sur les lieux et les personnages qui ont inspiré l'auteur du Château de ma mère.
Bruno Lizé a cherché quels fantômes auraient pu se glisser dans l'œuvre de Pagnol. Crédits photo : AFP
À l'inverse de la source de Jean de Florette, le flot des visiteurs qui viennent en pèlerinage autour d'Aubagne sur les traces de Marcel Pagnol ne tarit jamais. Mais quiconque entreprend de suivre l'odyssée familiale du petit Marcel racontée dans Le Château de ma mère se heurte vite à la réalité:l'autoroute et les grandes surfaces ont défiguré la Suisse provençale. Cela n'a pas découragé Bruno Lizé, psychiatre parisien, qui a mené une véritable enquête pour retrouver les sources de l'auteur des Souvenirs d'enfance . Il est retourné sur les lieux du livre pour débusquer les traces géographiques, a fouillé la mémoire des habitants. Son livre Histoires de Pagnolie rend compte de cette enquête de terrain, tout en reconstituant l'univers romanesque de l'écrivain.
Évoquant la genèse de son travail, Bruno Lizé parle des romans qui l'ont marqué lorsqu'il était enfant, Le Grand Meaulnes ou Le Château de ma mère par exemple, «ouvrages chargés d'un potentiel de mobilisation quasi magique probablement responsable de la “hantise” qui m'a entraîné dans cette aventure de lecteur sur les traces des héros de Pagnol».
Une carte d'état-major, datée de 1904, sur laquelle la moindre grange est reproduite, a permis à Bruno Lizé de retracer l'itinéraire précis qu'empruntait la famille Pagnol, bagage à la main, de l'arrêt de tram de La Barasse aux Bellons, soit huit kilomètres à pied. De nos jours, l'élan de «ce joli petit chemin de Provence» est brisé net par l'autoroute A 50.
Dans la lignée de Rouletabille
«Je n'ai pas eu la démarche d'un érudit, reconnaît l'auteur qui se situe plutôt dans la lignée de Rouletabille et de Tintin. Il faut m'imaginer sur le terrain avec le livre de Pagnol sous le bras, comme une sorte d'archéologue pagnolesque dans la banlieue de Marseille. On découvre une trace du chemin sous l'autoroute, un bout d'aqueduc avant de tomber dans une zone pavillonnaire. Aujourd'hui, il ne reste plus vraiment de paysage authentique, si ce n'est dans les collines.»
Bruno Lizé raconte volontiers l'émulation qu'il a suscitée sur Internet à travers les forums de passionnés de Pagnol. Auprès des habitants, il a récolté une moisson de cartes postales et de photographies dont un grand nombre est reproduit dans son livre. Il a ainsi retrouvé la trace des grands domaines que traversait subrepticement la famille, grâce aux clefs données par Bouzigue. Pour identifier ceux qui ont inspiré les personnages, il est parti de suppositions. Au sein de l'Association des anciens du canal de Marseille, par exemple, nombreux sont ceux qui se sont déclarés descendants de Bouzigue! En tant que psychanalyste, il décrypte aussi le rôle symbolique de ce personnage, étranger à la famille, qui sert de passeur et bientôt de guide au jeune Marcel. Il retrouve également la trace du comte Jean de X., colonel lors de la guerre franco-prussienne, que le petit Provençal aurait pu croiser lors des cérémonies commémoratives des combats d'août 1870, très suivies au début du XXe siècle.
L'auteur a cherché, par ailleurs, quels fantômes auraient pu se glisser dans l'œuvre de Pagnol. Il évoque son frère aîné, décédé à l'âge de 6 mois, alors qu'Augustine sa mère était déjà enceinte de Marcel, et qui donna son deuxième prénom au célèbre frère de l'auteur, le petit Paul-Maurice. Sur la tombe de ce dernier, à La Treille, seul demeure aujourd'hui inscrit le deuxième prénom. Bruno Lizé a trouvé d'autres traces de ce grand frère mort, dont la famille ne parlait jamais, dans les textes de Pagnol qui, selon le psychiatre, réinstallait ainsi les disparus dans l'univers mythique des collines. «Des centaines de lecteurs de Pagnol courent encore aujourd'hui les collines de Marseille», témoigne Bruno Lizé. Il suffit d'aller s'y promener cet été pour le vérifier.