Sylvie Neeman

Quand une illustratrice et un écrivain engagé suivent les traces de l’auteur du «Livre de la jungle»

Ses gravures sur bois convenaient à merveille à l’univers de Kipling, qu’elle a illustré à maintes reprises: les Histoires comme ça, Le Livre de la jungle ont trouvé avec l’art de May Angeli des échos remarquables.

Après la jungle, la mer, et une même force, une même évidence guident le trait, que quelques couleurs amènent du côté de la douceur du jour finissant, ou de l’épaisseur somptueuse de la nuit; des jaunes, des orangés, des bleus pâles pour une fin de journée limpide, repris plus loin en touches nettes pour délimiter le tracé des containers et des phares, seuls points lumineux dans une superbe double page ténébreuse: un cargo croise derrière le petit voilier où une fillette a pris place avec son père. C’est ce que dit l’histoire, un soir en mer, dans la baie de Tunis, les émotions, les difficultés, et soudain l’instant magique où toute une famille de dauphins surgit et accompagne quelques instants les navigateurs. Dans cet album remarquable, l’écriture de May Angeli est aussi captivante que ses gravures.

Le père du jeune Anglais Will vient de mourir en Irak; l’enfant part avec sa mère en Indonésie, mais ce qui devait être un peu de baume sur leur douleur se transforme en drame plus grand encore; le tsunami emporte la mère, tandis que le garçon est sauvé par Oona: l’éléphante, sur laquelle il se promenait, a senti et anticipé les événements. S’ensuit une année de vie sauvage, rude et périlleuse, mais si intense qu’aucune autre existence ne paraît plus possible à Will: il est devenu un enfant de la jungle.

Michael Morpurgo est un homme de passions et de révoltes, et ces deux sentiments sont à l’origine de ce dernier roman. Passion pour Kipling – L’Enfant d’éléphant et, bien sûr, Le Livre de la jungle –, et révoltes contre les forces, naturelles ou humaines, qui ravagent notre terre et ceux qui y vivent: la guerre en Irak, le tsunami de 2004, le saccage de la jungle dû à la cupidité des hommes. Tout cela donne une histoire… et quelle histoire! On la lit d’une traite, parce que Morpurgo est un conteur généreux et talentueux, qui s’engage corps et âme dans ses écrits, même si pour la première fois ici il frôle le militantisme un peu appuyé. Mais on lui pardonne, tant le plaisir de la lecture éclaire chaque page de cette aventure.

Traduit par Diane Ménard

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/157995de-9bf3-11df-9b43-26a69dacf01d/Après_Kipling