Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
«Des affaires César, il y en a vingt-cinq»
Par Anne-Hélène Pommier
04/08/2010 | Mise à jour : 15:04
Éric Woerth et l'artiste César. Crédits photo : AFP/ Montage lefigaro.fr
INTERVIEW - Pour Alain Maillot, avocat associé au cabinet Darrois Villey Maillot Brochier, le traitement d'un dossier de contrôle fiscal par le ministère du Budget est une procédure normale.
Lefigaro.fr: Eric Woerth a affirmé qu'il n'était jamais intervenu dans un contrôle fiscal. Le courrier concernant la succession du sculpteur César signé de sa main prouve-t-il le contraire ?
Alain Maillot - Je pense qu'Eric Woerth a été desservi par la terminologie qu'il a employée pour se défendre dans l'affaire Bettencourt. Au lieu de dire qu'il n'était « jamais intervenu » dans aucun contrôle fiscal, il aurait dû dire qu'il n'avait « jamais influencé l'issue d'un contrôle fiscal». Evidemment, les ministres interviennent tous les jours dans des dossiers de contrôles fiscaux puisqu'ils signent les courriers adressés aux contribuables. C'est seulement ce mot mal utilisé qui provoque la situation actuelle.
S'agit-il d'une étape normale dans une procédure de redressement fiscal ?
Quand il y a un désaccord entre l'administration fiscale et un contribuable, par exemple quand une administration fiscale locale adresse un avis de redressement, le contribuable dispose d'un recours hiérarchique pour contester cet avis. Dans le cadre d'un dossier important ou sensible par son montant, par sa complexité juridique, du fait de l'identité de la personne qu'il concerne, il est possible que ce recours remonte jusqu'au ministre du Budget. C'est lui qui signe alors le courrier.
La personnalité du contribuable peut donc être prise en compte pour justifier une intervention du ministère ?
Quand un désaccord existe entre l'administration fiscale et un citoyen lambda, l'affaire est traitée localement. En l'occurrence, César est un artiste connu internationalement, le dossier remonte au ministère. Il n'y a là rien que de très normal. Le fait qu'Alain-Dominique Perrin (NDLR : exécuteur testamentaire du sculpteur) connaisse le ministre a peut-être eu pour seul avantage d'assurer l'ouverture du dossier. Les journaux peuvent écrire tous les mois un article concernant un courrier signé par le ministre. Des affaires César, il y en a vingt-cinq. Depuis que je suis fiscaliste, j'en ai traité 10 à 15 similaires.
Un ministre peut-il intervenir plus avant dans l'instruction du dossier ?
C'est mal connaître le fonctionnement de l'administration que de penser qu'un ministre peut imposer sa propre décision à ses services. Lorsqu'il signe la lettre, le ministre ne fait qu'entériner la décision préconisée par les agents de l'administration qui ont travaillé sur le dossier. Le ministre ne peut pas piétiner les recommandations de ses services. S'il décidait de passer outre leur avis pour prendre une décision contraire, cela serait consigné dans une note ajoutée au dossier. Je ne pense pas qu'une telle note existe, Eric Woerth n'a pas la réputation de quelqu'un qui fait pression sur ses services.
D'autres ministres sont donc intervenus dans le même type d'affaires ?
C'est une situation classique de relation entre l'administration fiscale et les contribuables. Lorsque l'Etat français est entré au capital d'EADS, les agréments fiscaux ont été signés par Laurent Fabius. Et il n'est pas le seul. Dominique Strauss-Kahn, Michel Charasse, Jacques Chirac, Henri Emmanuelli… tous les ministres ont signé des courriers similaires. Et c'est une très bonne chose que les contribuables et l'administration puissent ainsi transiger. Si tel n'était pas le cas, tous les différends se termineraient systématiquement au contentieux. Pour le contribuable, cela entraînerait le paiement d'intérêts de retard, et pour l'administration, l'obligation de mobiliser des agents du Fisc pendant tout le temps de la procédure. Par ailleurs le dénouement du dossier serait remis à l'appréciation d'un juge bien moins au courant de l'affaire que l'administration. Cette possibilité de transiger existe dans tous les pays, elle garantit que tout le monde soit traité de la même manière.
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Par Le Figaro