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Catégories : Des lieux

Le fabuleux destin du familistère de Guise

Par Claire Bommelaer
13/08/2010 | Mise à jour : 11:53

Une bonne partie des anciens appartements du familistère de Guise, classé monument historique en 1991, a été transformé en musée. (crédits photo : Philippe Huguen/AFP)
Une bonne partie des anciens appartements du familistère de Guise, classé monument historique en 1991, a été transformé en musée. (crédits photo : Philippe Huguen/AFP)

Situé dans l'Aisne, ce système d'habitation sociale créé au XIX e siècle par l'industriel visionnaire Godin est patiemment restauré depuis près de dix ans. 

On ne peut pas vraiment imaginer ce que l'on va trouver lorsque l'on part visiter le ­familistère de Guise. Cité ouvrière à visée sociale construite au XIX e siècle par l'industriel Godin, elle porte un nom qui ne renvoie qu'à lui-même et fut au cœur d'un système aujourd'hui disparu. Mais le lieu, situé dans l'Aisne, a encore une âme et présente un intérêt historique indéniable.

Le familistère est, à l'origine, un système d'habitation sociale né dans la tête d'un patron visionnaire. Organisé autour des fonderies et de la manufacture de poêles à chauffer Godin, il se proposait d'être un ensemble en autogestion dans lequel hygiène, participation sociale et valeurs éducatives faisaient bon ménage. Jusqu'à 2000 personnes, dont Godin, vécurent dans la cité, et profitèrent des écoles, du théâtre, de l'économat, du jardin d'agrément et de la buanderie-piscine. «Le plaisir de chacun est augmenté du plaisir de tous», indiquait Jean-Baptiste Godin dans ses écrits, à une époque où la révolution industrielle justifiait tous ­types de comportement vis-à-vis de la main-d'œuvre, y compris les plus durs. «Le familistère est une interprétation critique du phalanstère de Fourier», explique Frédéric Panni, conservateur du patrimoine et responsable du lieu.

 

Chacun était copropriétaire

 

L'intérêt actuel de ce patrimoine industriel tient tout d'abord à son état de conservation. Classé monument historique en 1991, il est patiemment restauré depuis dix ans, grâce à un projet local baptisé Utopia (43 millions d'euros). Avec l'aide de la Ville et du département, les bâtiments de briques rouges ont désormais presque l'air neuf, avec ce petit côté austère et efficace voulu par Godin.

Le deuxième intérêt du site réside dans son architecture. Elle fut pensée en fonction du projet social, et reflète les avancées modernistes de ce patron hors normes. Les trois immeubles d'habitation donnent sur de vaste cours, aérées. Les appartements possèdent plusieurs pièces, des vide-ordures, et du chauffage. Les écoles étaient mixtes et obligatoires, une piscine éduquait les enfants au sport et à l'hygiène du corps, un théâtre offrait la possibilité de se cultiver. Le familistère fonctionnant en autogestion, chacun était copropriétaire. De vieilles photos montrent des fêtes collectives, ainsi que la remise de médailles aujourd'hui désuètes aux travailleurs méritants. On comprend, au passage, que le familistère n'a pas passé la rampe de Mai 1968, la coopérative s'étant délitée juste au moment où la France basculait dans les revendications.

Une bonne partie des anciens appartements a été transformée en un musée passionnant. Les responsables du site, qui n'ont jamais renoncé à conserver une part de vie au familistère, ont d'ailleurs choisi une muséographie épousant la cité telle qu'elle était: il faut pousser beaucoup de portes pour apercevoir là un deux-pièces reconstitué, là le salon des époux Godin, ici une salle dédiée aux fabricants de poêles, etc. La visite est aussi longue qu'instructive, comme si on incitait le public à vivre au moins une journée à Guise, à ne pas passer en coup de vent. Elle sera de plus en plus étendue: d'ici 2013, une dernière tranche de travaux s'attaquera à la circulation entre les bâtiments et au théâtre, encore dans son jus mais inutilisable.

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