Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Paris mystères
Par Astrid De Larminat
23/09/2010 | Mise à jour : 16:50
(Paul Delort/Le Figaro)
Pourquoi la capitale passionne-t-elle autant? Un an après le best-seller du comédien Lorànt Deutsch, l'universitaire anglais Graham Robb et le romancier Philippe Cavalier répondent.
Pour comprendre ce qui fait le charme de Paris, au sens le plus puissant du mot, il faut avoir présent à l'esprit que la capitale de la France est une toute petite ville, pas plus étendue que la bourgade du Texas du même nom, un concentré urbain où des siècles et des siècles d'histoire ont laissé leur dépôt, où des univers hétéroclites, politiques, populaires, intellectuels, religieux, ont cohabité. «Paris est un livre d'images fait de calques superposés, surpeuplé de morts et hantés par des vivants», écrit l'Anglais Graham Robb, docteur en littérature française, tombé dans le chaudron magique de Paris à l'âge de dix-sept ans, quand ses parents l'envoyèrent dans la capitale avec les poèmes de Baudelaire en poche. C'est par les yeux de l'auteur des Tableaux parisiens, puis à travers les romans de Balzac qu'il apprit à connaître et à aimer la ville. C'est pourquoi son Histoire de Paris n'est pas une histoire comme les autres. Érudite, romanesque, pleine de détails, elle se compose de douze récits qui mettent en scène des personnalités, célèbres ou obscures, qui ont vécu à Paris du XVIIIe au XXIe siècle.
Le volume s'ouvre sur le jeune Bonaparte qui découvre Paris et rôde timidement autour du Palais-Royal, alors haut lieu de la débauche, pour jeter sa gourme. Dans l'un des chapitres suivants, nous voilà place de la Concorde, pendant la Révolution: devant des milliers de spectateurs, Charlotte Corday, qui avait revêtu le costume de son Caen natal pour son exécution, lance la mode des coiffes normandes à dentelles… Sous la monarchie de Juillet, le dramaturge Henry Murger menait une dangereuse vie de bohème, poussant l'audace jusqu'à fleurir son balcon… alors que les pots de fleurs aux fenêtres, qui causaient trop de décès, avaient été prohibés. Au fil des siècles, les récits de Robb le confirment, il y a des constantes de la vie parisienne. Le problème des transports en est une, assurément. Une péripétie de la vie sentimentale d'Henry Murger, justement, se trouva compliquée par la grève des cochers du 6 mars 1848. Le 21 juin 1793, Paris, telle une déesse antique jalouse, mit des bâtons dans les roues de la famille royale. Alors qu'elle devait rejoindre secrètement la rue de l'Échelle où le roi l'attendait pour s'enfuir, Marie-Antoinette se perdit dans le dédale des rues autour des Tuileries. Sans ce contretemps, Louis XVI n'eût sans doute pas été intercepté à Varennes et le cours de l'histoire en eût été changé. Cet épisode, contesté, est pourtant vraisemblable, affirme Robb, qui rappelle qu'il fallut attendre 1850 pour qu'un préfet avisé fasse inscrire sur des plaques le nom des rues. Avant cette date, les cochers, qui connaissaient très mal Paris, ne desservaient qu'un seul quartier, indiqué par une lanterne de couleur accrochée à leur fiacre.
Le roi des catacombes
Enfin vint le métro, dont l'auteur évoque les premiers pas au fil d'un chapitre consacré à Proust, qui justement ne se risqua jamais sous terre. Un récit épique, où l'on apprend que certaines rames étaient équipées de distributeurs de parfum afin que les personnes incommodées par l'odeur de leur voisin puissent humecter leur mouchoir et s'en couvrir le nez.
Tout se tient, écrivait Balzac, à Paris plus qu'ailleurs. Graham Robb est friand de digressions et incises qui jettent des ponts entre les époques. Le récit de l'inauguration du Centre Pompidou par Giscard est l'occasion de faire un clin d'œil à la sœur de Blaise Pascal, qui, trois siècles plus tôt, devant l'église Saint-Merri, attendait le premier omnibus parisien, service dont l'auteur des Provinciales avait lancé l'idée.
L'universitaire anglais est fasciné par la passion des hommes politiques pour Paris. Napoléon n'eut pas le temps de rebâtir la ville à son idée, mais on sait que lors de ses campagnes militaires, en Russie et ailleurs, il continuait de s'intéresser à la voirie, à signer des décrets sur les égouts. C'est en rentrant de Londres, qu'il adorait, que Napoléon III dessina au crayon de couleur sur un plan de Paris les avenues qu'Haussmann percera. Hitler rêvait de voir Paris. Le 23 juin 1940, dans une ville désertée, il effectua un tour des monuments que Robb retrace minute par minute. Ailleurs, il rend hommage à un autre grand souverain de Paris, injustement méconnu, l'architecte Guillaumot, lequel édifia dans le sous-sol de Paris, qui s'affaissait, une énorme cathédrale, un royaume souterrain qui reproduit exactement le tracé des rues de surface. On s'étonne que le roi des catacombes n'ait même pas une rue à son nom dans la ville qu'il a sauvée de l'effondrement. L'universitaire anglais, avec un discret humour qui fait la saveur de ses récits, suggère que «c'est parce qu'on ne veut pas rappeler à ses habitants que Paris est bâti sur du vide»…
Lorànt Deutsch, la vedette en Seine
Le ton est décomplexé, l'allure juvénile et le pas vif, façon néo-piéton de Paris. En l'espace d'une année, le comédien Lorànt Deutsch a réussi à séduire un demi-million de lecteurs avec son histoire de la capitale. Métronome, l'histoire de France au rythme du métro parisien (Michel Lafont) révèle les petits secrets de la cité et de ses fondateurs. Il y a de l'Alain Decaux chez ce garçon dont la curiosité et le caractère encyclopédiste font la force. Loin des textes ardus de certains historiens et à mille lieues du discours convenu des guides, Lorànt Deutsch a réussi à imposer sa vision de Paris. Fort de son succès, son éditeur l'a persuadé d'éditer une version illustrée du livre. Elle sortira le 14 octobre, assortie de photographies mettant en scène le baladin Deutsch dans son décor préféré. (Françoise Dargent )
Une histoire de Paris par ceux qui l'ont fait de Graham Robb, traduit de l'anglais par Isabelle D. Taudière, Flammarion, 540 p, 24 €.
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