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Catégories : Des femmes comme je les aime

L'amant oublié de George Sand

Par Thierry Clermont
29/09/2010 | Mise à jour : 18:03 Réagir

Alexandre Manceau fut le dernier compagnon de la romancière, avec qui il vécut quinze ans.

 

 

Rares sont ceux qui savent son nom, et c'est à peine si on connaît son portrait par Nadar: Alexandre Manceau y apparaît figé, tourmenté, las; il a quarante-six ans et est déjà gagné par la tuberculose qui l'emportera deux ans plus tard. Il fut le dernier compagnon de George Sand ; leur liaison aura duré une quinzaine d'années. La postérité l'a oublié. «Son talent de graveur, sa fierté, son humour gouailleur, son courage, son habileté manuelle, son activité, ses emportements, son amour, son inlassable bonté et ses secrets disparurent avec lui» , souligne Évelyne Bloch-Dano, à qui l'on doit précédemment Madame Zola et Madame Proust . L'histoire n'a retenu que les noms de ses amours prestigieuses : Musset, Chopin et Mérimée. George Sand a certainement sa part de responsabilité : le fils de limonadier Alexandre Manceau n'apparaît dans aucun de ses livres, pas même dans Histoire de ma vie. Ils se rencontrent à Nohant lors de la Noël 1849; son amie Marie Dorval, la muse de Vigny, vient de disparaître et Chopin va la suivre; Sand vient d'achever un nouveau roman champêtre: La Petite Fadette. Elle a quarante-cinq ans, Manceau en a trente-deux.

Paradis rousseauiste

Lasse de ses amours tourmentées, fatiguée des attaques des critiques, bouleversée par l'échec de la Révolution de 1848, la répression qui s'ensuivit, et «l'effroi du siècle», George Sand rêve de calme, de sérénité. «J'aspire toujours à l'absence. L'absence, pour moi, c'est ce petit coin où je me reposerais de toute affaire, de tout souci, de toute relation ennuyeuse, de tout tracas do­mestique, de toute responsabilité de ma propre existence», écrira-t-elle.

Alexandre Manceau répondra à cette aspiration; il est l'amant «à la fois chat caressant et chien fidèle». Il lui offrira même son coin de paradis rousseauiste en acquérant une chaumière à Gargilesse, au bord de la Creuse «cascadant et cabriolant», dans l'Indre. L'amoureux dévoué va jusqu'à aider George Sand à rédiger son journal, sous le titre Agendas, dans lequel il consigne au jour le jour ses humeurs, ses rencontres, ses lectures, leurs promenades. Ici ou là, Sand a complété les notes. C'est que la romancière est dévorée par l'écriture et l'ardue négociation de ses contrats d'édition. Durant leur liaison, elle publie pas moins de cinquante ouvrages, dont une grosse vingtaine de romans et plusieurs pièces de théâtre: «Je barbouille toujours des romans avec une déplorable facilité.» À Gargilesse, elle écrit en trois semaines les 620 pages d'Elle et Lui, récit de sa relation avec Musset; record battu ! Mieux que La Chartreuse de Parme. Affecté malgré tout par la lecture de ses confessions, Manceau poursuit ses activités de graveur, dirige la troupe du Grand Théâtre de Nohant, et tâte de l'écriture. Dix-huit mois avant sa mort, le Théâtre de l'Odéon monte sa pièce Une journée à Dresde qui jouit d'un certain succès. Cette biographie passionnante évoque également les soucis familiaux de Sand, notamment ses relations difficiles avec ses enfants, Solange et Maurice, et son gendre, le sculpteur Clésinger. Soucis qui s'ajoutent aux basses attaques dont elle fait l'objet ; même Proudhon y va de son fiel.

Quelques jours après la mort de Manceau, Sand entame l'écriture d'un nouveau roman : Le Dernier Amour. L'amant oublié en est absent. Sand qui avait pour credo: «J'ai la poésie pour condition d'existence.»

Le dernier amour de George Sand d'Evelyne Bloch-Dano, Grasset, 320 p., 20 €.

 

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