Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Marilyn révélée
Sylvie Testud
07/10/2010 | Mise à jour : 17:37
Sortie mondiale, aujourd'hui, des lettres et des poèmes inédits de Marilyn Monroe, Fragments. La comédienne Sylvie Testud a lu ce livre pas comme les autres.
C'est comme si Norma Jane Mortenson, celle, devenue l'icône, star planétaire, scrutée, désirée, enviée, jugée, admirée, de tous et toutes, avait posé un jour ses yeux sur ce monde qui l'entoure, qui la presse, l'acclame, la hurle.
Qui sont-ils ? Qu'attendent-ils de Marilyn Monroe? S'ils étaient un jour déçus par elle ? Si sous la gaieté de Marilyn se cachait le trouble? S'il se mettait à transparaître. «Je suis toujours effrayée quand quelqu'un fait mon éloge, car, bizarrement, cela me fait souffrir et provoque en moi de nouvelles appréhensions - que tout cela est un accident et il est même probable que ce n'était pas moi du tout.»
Si elle n'arrivait plus à jouer le rôle qu'on lui a confié? Des sentiments trop forts, opposés, mal canalisés, mal gérés, interdits, l'empêchant de se concentrer. «Avoir honte d'être à fleur de peau - voilà la réalité.» Comment faire pour être toujours à la hauteur? Elle cherche. Elle s'interroge. Qui détiendrait la vérité ? Il faut qu'elle travaille son art qui va «beaucoup plus loin que la science» , elle a retenu du cours d'art dramatique.
«Poupée de son»
C'est comme si Norma Jane Mortenson cherchait la vérité dans la réalité vue, attendue de tous: Marilyn. Si, au fond, elle n'était pas, ne méritait pas, se trouvait au-dessous de l'image qu'elle renvoie? La blonde, lumineuse, souriante, sexy, fatale, enfantine, ne veut, ne peut pas décevoir. Elle aurait «honte», le terme revient souvent. Marilyn se torture, sonde les livres, les pensées, dans lesquelles elle fonde tant d'espoirs. Shakespeare, Miller, Joyce… Elle aurait lu Ulysse. Elle travaille sans cesse. Toujours plus. «Mon travail est le seul espoir fiable que j'ai.» Elle est seule face à son désarroi. «Seule !!!!! Je suis seule. Je suis toujours seule quoi qu'il arrive.» Elle manque de confiance dans les autres, mais encore plus en elle. Elle est une «danseuse qui ne sait pas danser». Mais elle «veut travailler».
Alors Marilyn se fouille, cherche en elle, se tourmente, se dissèque ou se sent disséquée. Qui son intérieur intéresserait-il, s'il était mis au jour, sans qu'elle ne le remplisse ? Son professeur de théâtre lui demande d'éprouver, de ressentir. Il devient son chirurgien en l'ouvrant. Elle fait le cauchemar: «Et il n'y a absolument rien - Strasberg est profondément déçu et même plus - professionnellement surpris d'avoir pu faire une telle erreur, il pensait qu'il y aurait trouvé tellement de choses.» Elle se compare à une vieille poupée de son, pleine d'un «vide complet». Dans son introspection, elle culpabilise de n'être pas meilleure, de ne pas détenir la bonne émotion. Elle éprouve de la peur. Éprouver la peur est douloureux, mais c'est aussi sentir son cœur battre, mettre ses sens en éveil.
Impossible perfection
Elle n'évite pas le danger, l'abîme qu'elle sent s'ouvrir sous ses pieds. «Comment ça va ma tête», elle se demande si son chemin va dans la bonne direction. Dans le tumulte du questionnement, elle se perd, se heurte, se retrouve un instant, pour se perdre plus encore. Elle s'accroche à une réflexion, une autre, à la pensée de celui, semblant détenir la clé. Qui l'aidera ? Elle tente de percer le mystère, son mystère, celui de son art. Soulagée d'entendre un jour une révélation de Lee, qui sait ce qu'elle ignore. Lee capable de révéler l'artiste, a affirmé: «2 et 2 ne font pas forcément 4.»
Marilyn ne veut rien rater, pas même un dîner, préparé pour une amie. La liste est méticuleuse. De la vaisselle aux ingrédients, de la cuisson à la présentation, rien ne peut être négligé ; là encore, ce doit être parfait. Exceptionnel. Lors de ce bouleversant internement, à la clinique Payne Whitney, où les médecins tentent d'ignorer le phénomène, en demandant à Marilyn pourquoi elle se sentait si «différente». Elle répond simplement: «Par ce que je le suis.»
Marilyn n'est pas comme tout le monde. L'actrice Marilyn Monroe n'est pas une star, elle est un mythe. Elle le sait, elle y tient, mais c'est un poids, une charge lourde à porter. Et d'ailleurs les mythes sont-ils des êtres vivants ? Elle songe à se supprimer. Comment le faire sans abîmer ce qu'elle a offert au monde entier ? Jusqu'à sa fin doit être exceptionnelle, sans blessure apparente.
«Je sais que je ne serai jamais heureuse, mais je peux être gaie !» Marilyn a porté le lourd fardeau de ce qu'elle est encore aujourd'hui: une légende.
Fragments de Marilyn Monroe, édité par Stanley Buchthal et Bernard Comment, traduit de l'anglais (États-Unis) par Tiphaine Samoyault, préface d'Antonio Tabucchi,Seuil, 280 p., 29 €.
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