Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Les paléontologues manquent cruellement de moyens
Marc Mennessier
14/10/2010 | Mise à jour : 12:35
L'énorme fémur de dinosaure découvert à Angeac-Charente mesure 2,40 m de long. L'animal devait atteindre 40 mètres pour un poids de 35 tonnes. Crédits photo : GrandAngoulême 2010 - P. Blanchier.
Un fabuleux gisement d'os fossiles vient d'être découvert en Charente, mais les chercheurs manquent de moyens et de bras.
La minute est solennelle. Armés d'un mètre enrouleur, Jean-François Tournepiche, le conservateur du Musée d'Angoulême, et Didier Néraudeau, paléontologue à l'université de Rennes-I, livrent en ce bel après-midi d'automne le verdict tant attendu. L'énorme fémur de dinosaure qui gît depuis 130 millions d'années dans sa gangue d'argile verdâtre mesure 2,40m de long! «La taille de cet animal, un sauropode herbivore, devait atteindre 40 mètres pour un poids de 35 tonnes: c'est le plus grand dinosaure découvert à ce jour en Europe», souligne Ronan Allain, le spécialiste des «terribles lézards» au Muséum d'histoire naturelle à Paris.
Plus de 400 ossements
Le bilan des fouilles effectuées cet été dans la gravière de l'entreprise Audouin et Fils à Angeac-Charente, près d'Angoulême, et dont Le Figaro Magazine a publié en début de mois les photos des plus beaux spécimens, est exceptionnel. En quelques semaines, l'équipe dirigée par MM.Allain et Néraudeau a extrait plus de 400 ossements très bien conservés provenant d'au moins trois espèces de dinosaures mais aussi de tortues, de crocodiles et de poissons datant du crétacé inférieur. Le tout sur une parcelle d'à peine 20m2! Le site s'étendant sur plusieurs milliers de mètres carrés, les chercheurs pensent avoir mis la main sur un véritable «cimetière» de dinosaures. «Angeac-Charente est l'un des plus importants gisements de dinosaures de France, pour ne pas dire le plus grand», se réjouit Jean-François Tournepiche. Mais y aura-t-il assez de moyens, de bras et de matière grise pour dénicher ces trésors enfouis, les extraire et les étudier? «En France, les spécialistes des dinosaures se comptent sur les doigts d'une main. Dans quelque temps, je risque de me retrouver seul», confie Ronan Allain, qui a dû patienter des années après sa thèse pour obtenir un poste.
Grand spécialiste des ptérosaures, Romain Vullo, 33 ans, accumule depuis 2005 les contrats post-docs (après la thèse) et les publications dans les revues scientifiques. Cet été, il a participé aux fouilles d'Angeac-Charente. Il se donne encore un an pour trouver un emploi stable. Après, il pourrait se résigner à mettre les bouts. Un beau gâchis…
«Une mauvaise image dans les instances de la recherche»
«À la différence de ce qui se passe en Allemagne ou au Royaume-Uni, sans parler de la Chine ou des États-Unis, nous manquons cruellement de financements et surtout de techniciens pour extraire et préparer les fossiles. Résultat: des milliers d'ossements s'entassent dans les réserves dans des conditions précaires sans pouvoir être exploités scientifiquement», déplore Éric Buffetaut, chercheur CNRS à l'École normale supérieure de Paris. «Alors que la paléontologie et les dinosaures en particulier suscitent un immense intérêt dans le public, notre discipline souffre injustement d'une mauvaise image dans les instances de la recherche», renchérit Jean Le Loeuff, conservateur du Musée d'Espéraza (Aude) où se trouve un important gisement de dinosaures. La découverte du site d'Angeac-Charente va-t-elle enfin changer la donne?
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