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L’Aurore aux doigts de rose

L'Oeil - n° 521 - Novembre 2000

L’Aurore aux doigts de rose avait un peu jauni. Charles Le Brun, quand il décora pour Colbert, en 1672, la coupole de ce pavillon du Château de Sceaux(pavillon de l'Aurore), ne se souciait pas de pratiquer la « bonne fresque » à l’italienne. À côté de certaines parties, peintes sur l’enduit frais, il ajoutait comme il était courant de le faire à l’époque, des morceaux travaillés à sec, des rehauts et des retouches, et, dans une partie importante de l’œuvre, il transporta même un morceau exécuté d’abord sur toile, marouflé ensuite sur le plafond. Un cauchemar pour les restaurateurs, dont les prédécesseurs du XIXe siècle n’avaient pas facilité la tâche, en noyant le tout sous un épais vernis brun qui rendait l’ensemble illisible. L’exposition de Sceaux est exemplaire : elle permet de suivre cet impeccable travail de sauvetage, mais aussi de confronter les peintures de Charles Le Brun au modello de la coupole, actuellement en mains privées, d’examiner les dessins préparatoires conservés au Louvre et au Nationalmuseum de Stockholm. Surgit ainsi de l’ombre un Le Brun très inspiré, moins hiératique que dans la Galerie des Glaces, illustrant le célèbre passage de L’Odyssée où Castor et Pollux, les jumeaux qui ne se croisent jamais, président, l’un aux heures du jour, l’autre aux heures de la nuit.

Aurore ou Éos, divinité grecque chargée d'ouvrir au char du Soleil les portes du ciel, elle était la personnification mythologique de l'aurore, lumière du matin amenant le jour et par extension du jour lui-même. Il n'y a pas de figure qui ait aussi souvent inspiré les poètes et motivé un plus grand luxe de métaphores, d'invocations enthousiastes. Les hymnes védiques ne sont, à bien des égards, qu'un chant composé en son honneur; et les plus anciens poètes grecs, Homère et Hésiode, lui continuent les mêmes hommages, quoique  Éos ait cessé déjà d'être une divinité au sens exact du mot, c.-à-d. une personnification honorée par des temples et un culte formel. Pour les uns elle est fille d'Hypérion et de Théia, soeur d'Hélios et de Séléné (le Soleil et la Lune); pour les autres sa mère est Euryphassa (celle qui brille au loin); d'autres encore lui donnent pour père Hélios lui-même. 

Chaque jour elle sort à l'Orient du sein de l'Océan où elle habite avec Tithon son époux; elle monte dans le ciel, traînée sur un char étincelant tantôt par deux, tantôt par quatre chevaux-ailés. Ou bien ailée elle-même, elle s'élance répandant sur la terre la rosée (ses larmes) avec la lumière. Les épithètes que lui donnent les poètes expriment son éclat lumineux; la plus connue est l'épithète homérique : aux doigts de rose, rododaktulos, soit que le poète représente la lumière comme une gerbe immense de roses, soit plutôt qu'il assimile à des mains couleur de rose, les rayons parallèles qu'elle disperse dans l'azur.

Peu à peu dans la poésie la notion générale de lumière absorbe le sens particulier de l'aube matinale, et  Éos devient identique à Héméra ou le Jour. Les mythes où elle figure sont attachants et gracieux entre tous; elle est l'épouse de Tithon pour qui elle a obtenu de Zeus l'immortalité sans songer à demander en même temps l'éternelle jeunesse; elle ravit Orion, Cephale, Kleitos, représentés comme des jeunes gens pleins de beauté et de vigueur, adonnés à l'exercice de la chasse.

http://www.cosmovisions.com/$Aurore.htm

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