Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
J'irai revoir ma Normandie
Par Tristan Savin (Lire), publié le 15/04/2011 à 07:00
Pêche aux coques sur une plage normande.
Reuters/Charles Platiau
Terre de conquérants, dominée par des falaises sur ses côtes et baignée par une douce lumière... Gustave Flaubert, Charles Baudelaire ou encore Guy de Maupassant en ont montré toute la poésie.
En 1835, Victor Hugo écrit à sa fille Adèle : "Ce que j'ai vu à Etretat est admirable. [...] L'immense falaise est à pic, la grande arche est à jour, on en voit une seconde à travers, de gros chapiteaux grossièrement pétris par l'océan gisent de toutes parts. C'est la plus gigantesque architecture qu'il y ait." Chez les poètes, une impression ressemble souvent à une intuition. En observant à son tour les falaises déchiquetées du pays de Caux, Maurice Leblanc imagine une Aiguille creuse, repaire où Arsène Lupin cache ses trésors.
Les paysages normands n'ont pas seulement inspiré les peintres. Pour Barbey d'Aurevilly, les landes de son Cotentin natal "sont comme les lambeaux, laissés sur le sol, d'une poésie primitive et sauvage que la main et la herse de l'homme ont déchirée. Haillons sacrés qui disparaîtront au premier jour sous le souffle de l'industrialisme moderne". (L'ensorcelée)
Né à Rouen, Flaubert a grandi dans le "brouillard du Nord". Madame Bovary lui donnera l'occasion de railler sa ville natale et son joyau, la cathédrale : "Elle aura quatre cent quarante pieds, neuf de moins que la grande pyramide d'Egypte." Pourtant, depuis ses vacances d'enfant à Trouville, où il a découvert l'amour, Flaubert reste attaché à la nature normande, décor d'Un coeur simple: "La pleine mer était brillante de soleil, lisse comme un miroir, tellement douce qu'on entendait à peine un murmure ; des moineaux cachés pépiaient, et la voûte immense du ciel recouvrait tout cela." Quand son amie George Sand lui demande conseil pour séjourner sur la Côte fleurie, il lui recommande d'attendre la "saison normande", à savoir l'automne. Retiré dans sa propriété de Croisset, près de Rouen, Flaubert cherchera un "sot endroit au milieu d'une belle contrée" où camper Bouvard et Pécuchet. Il choisira un village situé entre Caen et Falaise, rebaptisé Chavignolles.
Carnet d'adresses
Le Grand Hôtel, pour son atmosphère proustienne.
Le Donjon, chemin de Saint-Clair pour son décor digne d'Arsène Lupin.
Le dernier poème des Fleurs du Mal fut composé à Honfleur, dans un deux- pièces mansardé loué par la mère de Baudelaire. Le voyage est inspiré par le vieux port, où se distinguent "les formes élancées des navires au gréement compliqué". Pour apaiser ses douleurs, le poète achetait du laudanum au pharmacien d'Honfleur, un certain M. Allais. Le fils de ce dernier, Alphonse, y vient au monde, écrira-t-il, "parce qu'il faut bien naître quelque part". Il teste son humour sur les clients de son père et invente (en souvenir de Baudelaire ?) une "capsule d'air natal" pour les voyageurs qui ont le mal du pays. On peut aujourd'hui lire, sur la façade de la pharmacie : "Ici Alphonse allait au monde. Et là où Alphonse allait, nous irons."
Guy de Maupassant écrivait, dans ses Contes normands, en dressant le portrait de ses ancêtres venus du Nord : "La vieille et puissante race de conquérants qui envahit la France [...] laissa des enfants dans tous les lits de la terre." Est-ce pour cela que ceux qui ne sont pas nés en Normandie, comme Corneille ou Henri de Régnier, l'ont adoptée ?
En 1907, Marcel Proust sillonne le Calvados de Caen à Bayeux, à la découverte des églises et des manoirs. Il racontera, dans A l'ombre des jeunes filles en fleur, les journées passées à Cabourg, rebaptisé Balbec : "La marée pleine et le grand jour élevaient, comme devant la cité céleste, un rempart indestructible et mobile d'émeraude et d'or."
Quant à Jérôme Garcin, il garde la nostalgie de "ces paysages mouillés et secrets", des chemins buissonniers où il cavalait, enfant, en se jouant des obstacles du bocage : "fossés étroits, talus, gués, pianos d'herbe tendre, haies d'arbrisseaux, spas et oxers en bois de sapin". (La chute de cheval) Outre les parfums "d'algues et de noisettes, de pommes à couteau et de crevettes grises", le plus normand des Parisiens aime à se souvenir d'une "mélancolie douce que la pluie fine attendrissait et, parfois, excusait".
La pluie normande incite à la poésie. A Honfleur, dans la pharmacie de laplace Hamelin, on peut toujours voir l'insolite collection d'Alphonse Allais : le crâne de "Voltaire jeune", un authentique morceau de la fausse croix et une tasse pour gaucher avec... l'anse à gauche. On accède à ce musée, qui se targue d'être le plus petit du monde, par un "escalier qui a mal tourné".
Le goût de la Normandie. Textes d'écrivains choisis par Véronique Petit (Mercure de France)
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