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Catégories : Des expositions, Forain Jean-Louis

Jean-Louis Forain, un Zorro du crayon au Petit Palais(je viens de lire un catalogue d'une vieille expo sur lui au musée d'Albi que nous avons visité mardi)

 

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Par Ariane Bavelier
20/04/2011 | Mise à jour : 19:38
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Ritratto di Andrea Odoni portrait du marchand d'art de Lorenzo Lotto (1527). Crédits photo : Crédit en bas svp

Première rétrospective de ce peintre incisif qui fut également caricaturiste au Figaro au tournant du XXe siècle.

Jean-Louis Forain pousse le trait, pourfend l'injustice, sabre la bêtise satisfaite du plus fort. Il a l'humeur féroce et l'œil à l'affût. C'est une sorte de Zorro du crayon et du pinceau. S'il finit à l'Institut, un peu raide dans son habit vert, tandis que Picasso débutant s'entraîne à imiter le «f» bouclé de sa signature, ses débuts sentent le Gavroche. Fils de peintre en bâtiment, il copie les maîtres du Louvre, ambitionnant les beaux-arts plutôt que les enseignes.

Carpeaux le remarque et le prend comme apprenti. Son art de dessinateur, dans les nus, se souviendra des coups de ciseaux dans le marbre. Une sculpture est endommagée. Carpeaux, féroce dans la colère, promet la porte au coupable. Forain se dénonce pour sauver un camarade chargé de famille. Sur le pavé, il cherche la protection d'André Gil, rencontre Verlaine dont il illustre les poèmes et Rimbaud avec qui il partage une chambre «pleine de jours sales et de bruits d'araignée». Huysmans, son ami le plus proche, le décrit comme «le plus jeune et le plus incisif des impressionnistes».

Toulouse-Lautrec le tiendra pour son maître

Forain fuit les ciels, préfère l'artificiel et la lumière canaille des becs de gaz sur les bas rayés des filles des maisons, les cocottes au bar des Folies-Bergère, les abonnés chassant la petite danseuse à l'Opéra où Degas l'introduit. Il s'achète un habit pour paraître aux buffets mondains où sa faconde et son humour le font rechercher sans endormir sa verve: il mord d'un trait la ruée des messieurs en frac, courant sus aux petits fours. Il a le sens de la mise en page: duo de moustaches sans visage surplombant un décolleté (Au Skating Cafe); jeune beauté regardant si loin par-dessus bord que ne reste d'elle qu'une paire de fesses et deux pieds (Jeune femme sur un yacht). À cause de sa fascination d'oiseau de nuit pour les boulevards, Toulouse-Lautrec le tiendra pour son maître.

Trait rapide

Lorsqu'il cède à la tentation du plein air, Forain cherche les personnages. Un couple comme seul au monde flotte sur le gazon d'un champ de course. Le Pêcheur rêve au bout d'une longue planche, jambes ballantes dans un vide bleuté. S'il n'a pas d'ombre, son chien veille. Forain ne résiste pas au clin d'œil. Comme Daumier, il est peintre et caricaturiste. Déformation professionnelle? Il a le trait rapide, qui griffe et cingle. «À 300 francs pièce, vous pourriez au moins faire des hachures!», s'indigne devant la simplicité maximale de ses dessins, le directeur du Figaro pour qui il signera 2500 dessins entre 1893 et 1925. Leur puissance tient à cette volonté d'aller droit au but, d'un seul coup.

Au reste, si l'âge venant, il trouve l'apaisement dans des eaux-fortes à la Rembrandt sur des thèmes religieux, sa peinture souffre de trop de bonté. Un séjour qu'il fait dans les ateliers de camouflage de l'armée où il se porte engagé volontaire en pleine guerre de 14, à 62 ans, brouille sa palette d'excès de bruns et de gris. Rentré du front, il court derrière la mode des Années folles, coupe à la garçonne les cheveux des filles, peint des amours saphiques si longtemps après Baudelaire, et dans les cabarets, des scènes de tango, obscures et confuses. Dommage. Forain était né pour le french cancan.

Au Petit Palais, Paris VIIIe, jusqu'au 5 juin.

 

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