Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Agatha Christie : secrets de fabrication
François Rivière
28/04/2011 | Mise à jour : 14:47 Réagir
Elle avait laissé des carnets sur son travail.
En novembre 2005, répondant à l'invitation du petit-fils d'Agatha Christie rencontré au Canada lors de la première de Chimneys, une pièce oubliée de l'auteur de La Souricière, l'Irlandais John Curran vient séjourner quelque temps à Greenway House. Ce fanatique de la romancière est aussitôt sous le charme de la belle maison géorgienne dominant l'embouchure de la Dart, qui, il le sait, a souvent servi de décor aux machinations criminelles de son idole. Mais il ignore encore qu'en explorant les combles de la vénérable demeure il va être amené à faire une découverte exceptionnelle. Pas moins de soixante-treize carnets de notes couverts de l'écriture désuète et parfois difficile à déchiffrer de la Duchesse de la Mort gisaient dans un placard depuis que Rosalind, la fille unique d'Agatha, les y avait pieusement relégués. Ayant obtenu des héritiers l'autorisation de se livrer à un travail de décryptage puis d'analyse de ces précieux grimoires, Curran réalise ainsi le rêve secret de tout fondu de l'œuvre christienne: découvrir enfin les secrets de fabrication de romans aussi légendaires que Dix petits nègres, A.B.C. contre Poirot ou Mort sur le Nil. Avec patience, abnégation et un sens inouï de la «réorganisation» de ces notes griffonnées sans ordre ni autre logique que celle d'un imaginaire capricieux, Curran s'attelle bientôt à la composition d'un livre à partir du contenu de carnets pareils aux papyrus mis au jour par les égyptologues.
Les rouages du génie de l'intrigue
Le résultat est fascinant. Outre le sentiment terriblement excitant d'assister à la création des fictions d'Agatha Christie, il nous semble possible d'entrevoir les rouages mêmes de son génie de l'intrigue. Curran montre aussi, exemple à l'appui, que la romancière, lorsqu'elle s'engageait dans l'écriture d'un livre, ignorait la plupart du temps, une fois le meurtre accompli, l'identité du coupable. Du coup, elle nageait dans la même incertitude que son lecteur, la fiction y gagnant un pouvoir de séduction accru. Nous apprenons bien d'autres choses dans cet ouvrage peu commun, plutôt recommandé aux vrais fans de la Dame de Greenway: ils se délecteront de deux textes oubliés depuis des lustres, en particulier la première version politiquement osée d'une des nouvelles du recueil Les Douze Travaux d'Hercule Poirot.
Les Carnets secrets d'Agatha Christie de John Curran,traduit de l'anglais par Gérard de Chergé, Le Masque, 540 p., 24 €.