Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Vendôme brille des marines de Le Gray
| 16.06.11 | 15h27 • Mis à jour le 16.06.11 | 15h27
L e samedi 18 juin, il y aura foule à Vendôme (Loir-et-Cher) En marge du festival des Promenades photographiques, la maison Rouillac vend aux enchères une dizaine de marines de Gustave Le Gray, qui font déjà saliver les grandes institutions mondiales et les collectionneurs. Avec un paradoxe qui continue d'étonner les non-initiés : ces marines, dont certaines sont relativement courantes sur le marché, continuent d'atteindre des prix record
Ces vues de mer aux lumières subtiles, signées de l'une des stars du XIXe siècle, sont aujourd'hui considérées comme des classiques. Gustave Le Gray les a réalisées dans les années 1850 en associant deux négatifs, afin de rendre à la perfection le ciel et les nuages. "On compare à tort ses images aux marines de Friedrich. Il a donné à ses images un caractère proprement photographique en jouant sur les effets de lumière, le mouvement", explique Marc Pagneux, collectionneur et marchand qui prépare une exposition de Le Gray en 2012. La beauté des marines avait été saluée dès leur création, en France et à l'étranger.
L'ensemble présenté à Vendôme - exposé au public le vendredi - a tout de la trouvaille miraculeuse : conservés jusqu'à présent dans les archives de la famille d'un militaire, Charles Denis de la Brousse (1828-1898), ces tirages en grand format étaient inconnus des spécialistes, et sont pour la plupart dans un état impeccable.
Le clou de la vente, Bateaux quittant le port du Havre (1856 ou 1857), est un coucher de soleil au contre-jour spectaculaire. C'est l'image la plus rare, et le catalogue, prudent, ne donne pas d'estimation de prix. "Il n'existe pas vraiment de référence, justifie l'expert de la vente, Yves Di Maria. On connaît deux exemplaires de cette image aux Etats-Unis, une dans la collection de Roger Thérond, et trois qui ont été vendues lors d'enchères. On peut raisonnablement penser qu'elle va battre des records." Comprenez au minimum plusieurs centaines de milliers d'euros.
L'autre image importante de Vendôme est La Vague brisée (1857), étonnante marine verticale où une voile poussée par le vent semble sortir de l'image. Le Gray considérait cette image comme un de ses chefs-d'oeuvre, au point de la déposer au ministère de la marine en 1860, avec deux autres images. La photographie, dont la Bibliothèque nationale possède deux exemplaires, est estimée à Vendôme entre 80 000 et 120 000 euros.
Mais, en règle générale, les marines de Le Gray ne se distinguent pas par leur rareté. On connaît près d'une centaine de tirages pour La Grande Vague (1855), l'image phare de Le Gray. La bibliothèque nationale à elle seule en détient quatre. Ce qui n'a pas empêché cette photo de battre un mémorable record, en 1999, lors de la vente André Jammes : 718 000 euros (prix marteau), somme époustouflante pour une photographie dite "primitive". Selon la base de données Artprice, Gustave Le Gray occupe la 32e place des photographes les plus chers du monde, contemporains compris.
L'abondance de marines sur le marché s'explique par le fait que Le Gray, à la tête d'un atelier boulevard des Capucines, vendait ses images aux souverains, aux aristocrates, aux artistes, aux collectionneurs... "Parmi les auteurs du XIXe recherchés par les musées et les collectionneurs, Le Gray est l'un des seuls à avoir eu une oeuvre commerciale", explique Sylvie Aubenas, conservatrice de la Bibliothèque nationale. Mais elle tempère : "Les épreuves dans un état exceptionnel sont peu nombreuses. Et personne ne veut d'une marine dans un état médiocre pour sa collection, ça n'a aucun sens. Autant choisir une autre image."
Si l'épreuve est abîmée ou décolorée, la décote de prix est vertigineuse. Ce qui explique les dents de scie des ventes Le Gray, et le résultat décevant de 300 000 euros atteint par une autre Grande Vague, peu après la vente Jammes, en 2009. A Vendôme, une célèbre marine de Le Gray, Brick (1856), jaunie, est estimée à seulement 5 000 euros. A contrario, les tirages en état parfait, qu'on retrouve encore régulièrement dans des archives privées ou des petites institutions, peuvent rapidement faire monter les prix.
Vente aux enchères Le Gray, le 18 juin à 14h30. à Vendôme (Loir-et-Cher), aux Greniers de l'Abbaye. Exposition publique le vendredi 17 de 11 heures à 21 heures, le samedi de 9 à 12 heures. Sur le Web : gustavelegray.com.
Claire Guillot Article paru dans l'édition du 17.06.11