Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Catégories : La culture
Le Voyage d'Orient:1911-2011
XVIIe Rencontres de la Fondation le Corbusier
Le Voyage d'Orient 1911-2011
7 octobre - 12 novembre 2011
Le Voyage d'Orient 1911-2011
7 octobre - 12 novembre 2011
"J'entrepris un grand voyage qui allait être décisif, à travers les campagnes et les villes des pays réputés encore intacts ; de Prague, je descendis le Danube, je vis les Balkans serbes, puis la Roumanie, puis les Balkans de Bulgarie, Andrinople, la mer de Marmara, Stamboul (et Bysance), Brousse d'Asie.
Et puis l'Athos.
Et puis la Grèce.
Puis le sud de l'Italie avec Pompei.
Rome.
J'ai vu les grands monuments éternels, gloire de l'esprit humain.
J'ai surtout cédé à cette invincible attirance méditerranéenne. Et il était temps après les dix années (copieusement rendues publiques par les revues) de l'art décoratif et de l'architecture allemands.
Turquie d'Andrinople, Bysance de Sainte-Sophie ou de Salonique, Perse de Brousse. Le Parthénon, Pompéi, puis le Colisée. L'architecture me fut révélée. L'architecture est le jeu magnifique des formes sous la lumière. L'architecture est un système cohérent de l'esprit. L'architecture n'a rien à voir avec le décor. L'architecture est dans les grandes œuvres, difficiles et pompeuses léguées par le temps, mais elle est aussi dans la moindre masure, dans un mur de clôture, dans toute chose sublime ou modeste qui contient une géométrie suffisante pour qu'un rapport mathématique s'y installe.
Après un tel voyage le prestige du décor est tombé définitivement. J'ai vu les pays célébrés pour leurs styles régionaux et si cocassement évoqués sur les tréteaux de l'Opéra comique. Il n'ya pas de décor qui fasse jaillir l'émotion du voyageur : il y a l'architecture qui est forme pure, intégrale, - sculpture, plastique, - et il y a les œuvres d'art : Phidias ou le pot du potier du Balkan serbe. Le provocateur d'émotion est un complexe de formes assemblées en un rapport précis : horizontale, verticale. Ou c'est l'œuvre qui à travers l'épuration des folklores nous révèle une pensée-type, passible d'universalité, langage du cœur de tous les hommes. Les folklores me montrèrent combien tout acte durable est sérieux, conditionné, mettant au point d'autres actes antérieurs semblables ; comment l'individuel se résorbe dans le collectif, comment, sous les auspices d'une âme élevée et d'un esprit puissant, le collectif donne sa sève à l'individuel. Il n'y a jamais de divertissement, de rigolade, de "chose drôle". Il y a le désir de faire un beau poème ou un bon outil. Dans les deux cas, toute la candeur et toute la science sont de consigne. Notre temps, avec les petits jeunes gens à autos et à "poule", prétendrait-il faire de l'ingénuité ? L'ingénuité des folklores est la somme de toutes les capacités séculaires.
Après ce long voyage qui dura près d'un an, où pèlerin libre, sac au dos, livré aux initiatives impromptues, je traversais les pays à pied, à cheval, en bateau, en auto, confrontant dans la diversité des races, l'unité des bases foncièrement humaines, j'acquis cette certitude qu'un siècle neuf était là, le XXe, et que tout ce qui s'était fait était déjà révolu, qu'un mouvement continu, en avant, sans retour, empoigne époque après époque et conduit, à son heure, les peuples vers un point qui est en avant."
Le Corbusier
L'Art décoratif d'aujourd'hui
Éditions G. Crès, Paris 1925
Et puis l'Athos.
Et puis la Grèce.
Puis le sud de l'Italie avec Pompei.
Rome.
J'ai vu les grands monuments éternels, gloire de l'esprit humain.
J'ai surtout cédé à cette invincible attirance méditerranéenne. Et il était temps après les dix années (copieusement rendues publiques par les revues) de l'art décoratif et de l'architecture allemands.
Turquie d'Andrinople, Bysance de Sainte-Sophie ou de Salonique, Perse de Brousse. Le Parthénon, Pompéi, puis le Colisée. L'architecture me fut révélée. L'architecture est le jeu magnifique des formes sous la lumière. L'architecture est un système cohérent de l'esprit. L'architecture n'a rien à voir avec le décor. L'architecture est dans les grandes œuvres, difficiles et pompeuses léguées par le temps, mais elle est aussi dans la moindre masure, dans un mur de clôture, dans toute chose sublime ou modeste qui contient une géométrie suffisante pour qu'un rapport mathématique s'y installe.
Après un tel voyage le prestige du décor est tombé définitivement. J'ai vu les pays célébrés pour leurs styles régionaux et si cocassement évoqués sur les tréteaux de l'Opéra comique. Il n'ya pas de décor qui fasse jaillir l'émotion du voyageur : il y a l'architecture qui est forme pure, intégrale, - sculpture, plastique, - et il y a les œuvres d'art : Phidias ou le pot du potier du Balkan serbe. Le provocateur d'émotion est un complexe de formes assemblées en un rapport précis : horizontale, verticale. Ou c'est l'œuvre qui à travers l'épuration des folklores nous révèle une pensée-type, passible d'universalité, langage du cœur de tous les hommes. Les folklores me montrèrent combien tout acte durable est sérieux, conditionné, mettant au point d'autres actes antérieurs semblables ; comment l'individuel se résorbe dans le collectif, comment, sous les auspices d'une âme élevée et d'un esprit puissant, le collectif donne sa sève à l'individuel. Il n'y a jamais de divertissement, de rigolade, de "chose drôle". Il y a le désir de faire un beau poème ou un bon outil. Dans les deux cas, toute la candeur et toute la science sont de consigne. Notre temps, avec les petits jeunes gens à autos et à "poule", prétendrait-il faire de l'ingénuité ? L'ingénuité des folklores est la somme de toutes les capacités séculaires.
Après ce long voyage qui dura près d'un an, où pèlerin libre, sac au dos, livré aux initiatives impromptues, je traversais les pays à pied, à cheval, en bateau, en auto, confrontant dans la diversité des races, l'unité des bases foncièrement humaines, j'acquis cette certitude qu'un siècle neuf était là, le XXe, et que tout ce qui s'était fait était déjà révolu, qu'un mouvement continu, en avant, sans retour, empoigne époque après époque et conduit, à son heure, les peuples vers un point qui est en avant."
Le Corbusier
L'Art décoratif d'aujourd'hui
Éditions G. Crès, Paris 1925