Imaginons notre globe terrestre agité par tant de tempêtes et de chaos, soudain recouvert de minuscules miroirs découpés en carrés parfaitement juxtaposés, figurant ainsi une boule à facettes gigantesque réfléchissant vers les astres nos pulsions, nos émotions, nos interprétations, nos désirs, nos envies et nos illusions…
Ne dérogeant pas à cette règle qui édicterait que le Théâtre serait le reflet de notre monde, les Célestins prendront à leur tour, au cours de la saison 2011/2012, l’allure d’une boule à facettes, miroir tantôt déformant, souvent intransigeant de nos réalités et de nos vécus, projetant ainsi vers le dehors images, paroles et gestes transcendés par la grâce et la créativité des artistes qui nous accompagnent.
Car c’est à une véritable itinérance au milieu d’un parcours balisé de miroirs, telle une attraction de fête foraine suscitant tour à tour le rire, l’étonnement et le questionnement à laquelle nous vous convions.
Ces miroirs, ce sont des spectacles qui se parlent et se répondent, inscrits, pour bon nombre d’entre eux, en diptyque, en triptyque, générant, de fait, un compagnonnage encore plus affirmé avec les artistes pour un voyage plus en profondeur, plus durable…
Ainsi, le petit Chinois du Dragon d’or (de Roland Schimmelpfennig, mis en scène par Claudia Stavisky, créé en mars 2011 puis repris en octobre aux Célestins) dérivant à contre-courant sur le Huang He, le fleuve Jaune, fait écho à Vanina dans Une nuit arabe (de Roland Schimmelpfennig mis en scène par Claudia Stavisky qui sera créé en septembre 2011) qui rêve de fuir vers le désert, dans la ville de Kinsh el Sar.
Au beau milieu de toutes les facettes, les Célestins ont glissé un petit miroir correcteur rétablissant notablement certains déséquilibres paritaires en honorant les femmes créatrices.
Nathalie Fillion créera, en janvier prochain aux Célestins, la nouvelle pièce dont elle est l’auteure, À l’Ouest.
Sur le territoire de l’intime et en solitaire (ou presque !), de merveilleuses interprètes comme Sophie Marceau (Une histoire d’âme), Catherine Frot (Oh les beaux jours), Simona Maïcanescu (Fièvre), Martine Vandeville (La Rimb), Cécile Garcia Fogel (Fous dans la forêt / Shakespeare Songs) s’échapperont de leur psyché pour mieux nous enchanter, nous transporter.
Une saison délibérément ponctuée de spectacles qui s’érigent en réflecteurs tels Ô mon pays ! (un diptyque de la compagnie Pôle Nord), Ça va ? Combien de « ça va » faudrait-il pour que ça aille vraiment ? et Verticale de fureur (réalisés par le Groupe Décembre et le Théâtre Narration) ainsi que Nicomède et Suréna, deux magistrales tragédies de Corneille mises en scène par Brigitte Jaques-Wajeman.
En outre, la complicité qui nous unit avec Wajdi Mouawad (les Célestins ont accueilli le quatuor intitulé Le Sang des promesses regroupant Littoral, Incendies, Forêts et Ciels, puis lors de la saison écoulée, Seuls), nous entraînera vers l’exploration des tragédies de Sophocle avec, dès cette saison, la trilogie Des Femmes composée des Trachiniennes, d’Antigone et d’Électre. Ici encore, le désespoir en amour de Déjanire répondra au désir de vengeance d’Électre et à la soif de justice d’Antigone.
Au registre des complicités, celle entretenue avec le Maly Drama Théâtre de Saint-Pétersbourg, permettra de créer un réel événement avec la venue pour la première fois en France des Trois Sœurs de Tchekhov mises en scène par Lev Dodine et de Lorenzaccio (en version russe surtitrée) de Musset dirigé par Claudia Stavisky, spectacle créé en décembre 2010 à Saint-Pétersbourg. Les deux spectacles seront interprétés par les comédiens de la troupe permanente du Maly Drama Théâtre révélant, au travers de cette double résonance, une identité, une densité et une intensité tout à fait exceptionnelles.
Au chapitre international encore, la deuxième édition du festival Sens Interdits, espace de confrontation esthétique des trajectoires politiques, historiques et culturelles des peuples, génèrera un singulier kaléidoscope de formes théâtrales, armes improbables et pourtant si vaillantes et déterminées contre la barbarie, l’oppression et la tyrannie. L’édition 2011 accueillera des équipes en provenance du Cambodge, de Tunisie, d’Afghanistan, du Chili, du Mali, de Russie, de Pologne, de République tchèque et des Pays-Bas.
Cette multiplicité de propositions, qu’elles émanent de compagnies régionales ou de prestigieuses productions nationales et internationales, s’imbriquent entre elles et se coordonnent pour nous dévoiler la complexité de ce monde et nous offrir des milliers de faisceaux lumineux, voies fluorescentes dessinées dans la nuit, chemins fertiles à la profusion de nos réflexions et interrogations, sur lesquels nous pouvons progresser afin d’apporter notre contribution à l’indispensable transformation de ce monde trop enlisé dans ce qu’on nomme, la crise.
C’est en effet conjointement, artistes et public réunis, que la magie va s’opérer.
Antonin Artaud, dans le Théâtre et son double (nous y voilà encore !) exhortait la passivité du public et en appelait à l’éveil de ses sens au travers de l’instauration d’un nouveau langage théâtral.
Aujourd’hui, ce n’est pas un langage, mais des langages démultipliés, animés par la pluralité et l’éclectisme, qui vous seront livrés au cours de cette saison 2011/2012 en attente de vos ressentis et nous l’espérons, de votre adhésion.
Ensemble, rassemblons-nous sous cette boule à facettes qui, symbole de notre volonté de diversité, retrouvera une place plus traditionnelle, en fin de saison, avec la venue des « filles » du Cabaret New Burlesque immortalisées par le film de Mathieu Amalric, Tournée.
Ensemble, mêlons nos figures et nos pensées sous cet objet ludique et festif et envoyons vers le monde nos énergies galvanisées par la féérie de nos émotions artistiques… Bonne saison à tous !
Claudia Stavisky et Patrick Penot
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