Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Zao Wou-ki : Paysage de montagne
Canal Académie – Zao Wou-Ki : un magicien, perfectionniste de la beauté
Regard sur l’artiste chinois devenu français, membre de l’Académie des Beaux Arts
Remarquable exposition que celle du Musée Cernuschi consacrée aux artistes chinois à Paris. Elle nous donne l’occasion d’approfondir la vie, le parcours et l’œuvre de Zao Wou-Ki. Entretien avec Eric Lefebvre, commissaire de l’exposition, invité de Krista Leuck.
Le titre complet de l’exposition est « Artistes chinois à Paris », 1920-1958 : de Lin Fengmian à Zao Wou-ki Deux noms exemplaires, marquant l’évolution des esprits en Chine dans la première moitié du XXe siècle. Eric Lefebvre nous situe cette période de la Chine par rapport à notre vie intellectuelle et artistique en Europe. Il en souligne les influences mutuelles. Il nous rappelle également les moments-clés de cette rupture pour les artistes venant d’une civilisation totalement étrangère à la nôtre, comment ils se sont intégrés chez nous et sur la scène parisienne.
1911 : la Chine devient une république. La société chinoise est à moderniser. Les élites partent vers l’Occident, parmi eux Lin Fengmian, qui sera l’un des maîtres qui ont le plus profondément marqué Zao Wou-Ki.
Parcours de Zao Wou-Ki et principales périodes de son évolution artistique
Zao Wou-Ki est né à Pékin en 1920. Sa famille Tsao appartenait à la très ancienne dynastie Song (Xe-XIIe siècle). Tsao Wou-Ki (Wou-Ki étant son prénom) a manifesté une vocation précoce, il entre à l’Ecole des Beaux-Arts de Hangzhou où il est nommé lecteur. Il réalise sa première exposition en 1941 à Chang-King. Le Lac de l’Ouest, un lieu, par excellence, de la Chine millénaire avec son immuable convention de la vision des choses, c’est un point de passage obligé pour des millions de touristes chinois, on s’y sent en harmonie avec le reste du monde, le comble du bonheur pour l’âme chinoise. Voici ce qu’en dit Zao Wou-ki :« C’est un lieu où tous les poètes chinois sont venus se recueillir. Chaque jour de mon adolescence, j’en ai parcouru des milliers de fois les rives à pied, sans jamais me lasser, absorbé par le spectacle d’une nature perpétuellement changeante selon les heures de la journée et l’alternance des saisons. J’étais fasciné par la multiplicité de l’espace à la surface de l’eau, la légèreté de la lumière ou son épaisseur entre le lac et le ciel. J’ai guetté pendant des heures le passage de l’air sur le calme de l’eau, le souffle du vent qui agite les feuilles des bouleaux et des érables. Ce que je cherchais à voir c’était l’espace, ses étirements et ses contorsions, et l’infinie complexité d’un bleu dans le minuscule reflet d’une feuille sur l’eau… Je me posais toujours les mêmes questions : comment représenter le vent ? comment peindre le vide ? et la lumière, sa clarté, sa pureté ? Je ne voulais pas représenter mais juxtaposer des formes, les assembler pour qu’on y retrouvât le souffle de l’air sur le calme de l’eau »(in Autoportrait)
Zao Wou-Ki arrive en France en 1948, s’installe à Montparnasse, fréquente l’académie de la Grande Chaumière. Les artistes les plus importants de l’Ecole de Paris, comme Soulages, Hartung, Bazaine ou Vieira da Silva deviennent ses amis. Première exposition personnelle en 1949. Rencontre décisive avec Henri Michaux.
A partir de 1951, la peinture de Paul Klee l’influence considérablement. « Le monde Klee, poétique, permettait de voir autre chose. Me trouvant, pour la première fois, face à la peinture de Klee, je me suis rappelé les mots de Michaux : « Un ensemble de signes. » Je restais des heures à observer ces petits rectangles de couleur, ponctués de traits et de signes, ébahi par tant de liberté dans le tracé du trait et la poésie légère et chantante qui se dégageaient de ces petits tableaux tout à coup devenus immenses par l’espace qu’ils savaient créer… C’était un pont vers un monde que je recherchais…
L’œuvre de Paul Klee allait permettre à Zao Wou-Ki de se réconcilier avec le signe chinois, dont le jeune peintre qui refusait toute chinoiserie avait tendance à se défier.
Zao Wou-Ki s’impose rapidement comme l’un des maîtres les plus renommés de l’art du XXe siècle. Après une première exposition en 1941, beaucoup d’autres se succèdent sur tous les continents. Elles illustrent ses multiples talents de peintre, graveur, lithographe, illustrateur.
De la figuration à l’abstraction
Zao Wou-Ki avait été formé à la calligraphie par son grand-père. C’est à l’Ecole des Beaux-Arts de Hangzhou qu’il avait découvert, outre les grands peintres chinois du passé, les principaux artistes contemporains occidentaux. Il collectionne les cartes postales que son oncle lui rapporte de Paris et qui reproduisent des peintures françaises. Zao Wou-Ki résoud le dilemme de la forme et du fond grâce à l’expérience de la lithographie en couleurs qu’il inaugure en 1950. La leçon de la lithographie rendra possible une « peinture à deux voix » où s’imposent tour à tour l’un ou l’autre timbre.
Il se rallie à abstraction vers 1954 avec la peinture Vent. Il expose régulièrement à l’étranger, surtout Etats-Unis où la peinture américaine l’amène à peindre dans de grands formats.
En 1964 il acquiert la nationalité française grâce au soutien d’André Malraux. En 1988 paraît Autoportrait, son autobiographie écrite en collaboration avec son épouse Françoise Marquet. L’année 2002 voit l’élection du maître franco-chinois à l’Académie des Beaux-arts. En 2010, le triptyque Hommage à Claude Monet (1991) est présenté à l’Exposition Universelle de Shanghai).
Ce tableau, Ville engloutie, comporte des signes inspirés de caractères chinois antiques. Cette œuvre exprime la fin de sa relation avec sa première femme, Lalan. « Il porte en lui cette même impression de mort, l’engloutissement de mes sentiments dans une certaine douleur »